[CRITIQUE] – La Fille de Brest (2016)

La Fille de BrestRéalisé par : Emmanuelle Bercot

Avec : Sidse Babett Knudsen, Benoît Magimel, Isabelle De Hertogh, Patrick Ligardes, Lara Neumann et Olivier Pasquier

Sortie : 23 novembre 2016

Durée : 2h08min

Distributeur : Haut et Court

Synopsis :

Dans son hôpital de Brest, une pneumologue découvre un lien direct entre des morts suspectes et la prise d’un médicament commercialisé depuis 30 ans, le Mediator. De l’isolement des débuts à l’explosion médiatique de l’affaire, l’histoire inspirée de la vie d’Irène Frachon est une bataille de David contre Goliath pour voir enfin triompher la vérité.

4/5

L’affaire du Mediator a commencé en 2007, quand Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, pointe du doigt l’efficacité du médicament et met en cause les risques cardiovasculaires que les patients encourent. Sur le marché depuis 1976, le Médiator est un antidiabétique distribué par les laboratoires Servier qui était utilisé par 300 000 personnes. Le principe actif du Mediator, le Benfluorex, serait responsable de plusieurs cas de valvulopathies, maladies touchant les valves cardiaques.

Lorsque Irène Frachon publie en mai 2010 un livre intitulé Mediator, 150 mg : combien de morts ?, un scandale immense éclate au grand jour. L’annonce de 500 morts quelques mois plus tard fera de l’affaire l’une des plus médiatisées en France. Emmanuelle Bercot, actrice césarisée dans Mon Roi de Maiwenn et également nommée dans la catégorie du meilleur réalisateur aux Césars 2016 pour La Tête Haute, revient sur cette forte histoire du Mediator avec une véritable fascination et une façon d’expliquer les choses efficacement. Pour faire un film de cette ampleur, il a fallu un temps d’écriture considérable à Emmanuelle et à sa scénariste Séverine Bosschem qui ont toutes deux rencontré les protagonistes du film. La première partie de La Fille de Brest se base sur le livre d’Irène Frachon, tandis que la deuxième relate l’histoire qu’a vécue Irène après la publication de celui-ci.

Pour le rôle d’Irène, Bercot ne voyait aucune actrice française capable d’endosser le rôle. C’est alors que Catherine Deneuve débloqua la situation en lui présentant l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen (Borgen, Inferno, L’Hermine ou encore Westworld). Parallèlement, Irène Frachon travaille avec le docteur Antoine Le Bihan, qui est campé par Benoît Magimel (Marseille, La Tête Haute…). Irène est une personne franche, allant toujours de l’avant et qui sait s’affirmer dans les situations les plus délicates et qui peuvent parfois être embarrassantes pour elle et sa carrière. Son caractère, sa présence sociable et sa conviction sont montrés à l’écran dans une véritable réalité et sans manipulation scénaristique. Le personnage d’Antoine Le Bihan est quant à lui plus en retrait, ne prend pas de risque par rapport à son expérience et ne s’attache pas à la réussite comme le fait Irène. Les deux personnages se complètent ainsi assez bien et forment un ensemble uni bien que contrasté. La Fille de Brest est un combat contre un méchant qu’on ne voit jamais, et qu’Irène n’a jamais rencontré dans la vie réelle. Il s’agit de Jacques Servier, grand patron des laboratoires Servier. Elle défend ses opinions et affronte des membres du laboratoire dans une grande partie médiatisée et juridique qui n’est actuellement pas terminée. Emmanuelle Bercot a voulu également pousser son personnage émotionnellement par le biais d’autres protagonistes tels qu’Isabelle De Hertogh – qui est sa patiente Corinne Zacharria – ou encore par sa famille et son mari (Patrick Ligardes) qui la soutiennent dans son combat.

Pour marquer l’atmosphère pesante qui règne à cause du désastre que subissent les patients traités par le Mediator, Emmanuelle Bercot n’a pas hésité une seule seconde à filmer une scène d’opération à cœur ouvert et une autopsie, faisant sortir du film une puissance réaliste de la vie quotidienne des chirurgiens du CHU de Brest. Une scène puissante et importante, qui nous montre à la fois les ravages du Mediator ainsi que la pesante concentration des chirurgiens. La Fille de Brest est le genre de film choc, non pas par ses images ou ses propos mais par sa situation, qui a été médiatisée en France et qui a détruit de nombreuses familles, à cause de l’égoïsme de quelques hommes. Une vérité éclatante et presque surréaliste quant à l’absence totale d’empathie du laboratoire Servier. Bercot nous fait prendre conscience du drame qui a eu lieu et passe par ses personnages et leurs sentiments qu’elle fragilise au fur et à mesure de l’avancement et du déclin.

La Fille de Brest est un conte médiatique hallucinant qui fait prendre conscience.

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