Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)

Date de sortie 21 septembre 2016

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)


Réalisé par Alejandro Fernández Almendras


Avec Agustín Silva, Paulina García, Alejandro Goic,

Luis Gnecco, Daniel Alcaíno, Geraldine Neary


Genre Drame

Titre original Aquí no ha pasado nada


Production Chilienne

Synopsis

La plage et les fêtes entre amis rythment l’été de Vicente (Agustín Silva) qui savoure la vie avec insouciance.

Une nuit alcoolisée change la donne.

Vicente expérimente avec amertume le poids du pouvoir et de la manipulation.

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)

Contexte.

Tout va bien est inspiré d’un fait divers, l’affaire du fils de Carlos Larrain, avocat et politicien chilien, ex-président du parti centre droite Rénovation Nationale et également ex-Sénateur de la République. En septembre 2013, le jeune homme en état d’ébriété, en route pour une fête avec quelques amis, faucha mortellement un piéton. Le groupe d’amis abandonna les lieux ; deux d’entre eux fournirent un faux témoignage. L’autopsie confirma que le piéton aurait pu être sauvé si les accusés ne s'étaient pas enfuis. Il fut également révélé qu’un premier rapport d'autopsie avait été falsifié en faveur des accusés. Pour couronner le tout, Carlos Larrain proposa d’acheter le silence de la famille de la victime pour 20 000 $.


Après plus d’un an d’enquête et de nombreuses procédures pour le moins douteuses, le fils de Carlos Larrain fut acquitté des charges pesant sur lui et ses amis furent déclarés coupables d'obstruction à la justice. Il s'en sortit donc blanchi, simple témoin du fait que ses amis devraient payer ses erreurs.


Cet événement isolé, cumulé à beaucoup d’autres dysfonctionnements protégeant les puissants (politiques, prêtres catholiques, personnalités médiatiques), cristallisa les griefs de la population envers la justice chilienne.


Lorsque le fils du sénateur fut disculpé de toute charge, Alejandro Fernández Almendras sentit l’urgence de réaliser Tout va bien, qui devint une priorité absolue.


Le film fut partiellement financé via des campagnes de financement participatif en 45 jours. Et suscita l’engagement d'acteurs de renom, dont Paulina García et Luis Gnecco, d’équipes de techniciens, designers, artistes, producteurs et compositeurs. L’annonce de la sortie de ce film au Chili fit la une de beaucoup de journaux dans ce pays.


Tuer un homme dénonçait la difficulté des populations pauvres à accéder à la justice. Alejandro approfondit sa réflexion sur la justice chilienne avec Tout va bien.

Le lieu.

L’histoire se déroule dans les villes côtières voisines de Zapellar, Cachagua, Maitencillo et La Ligua, au Chili. La nature environnante est luxuriante, on y voit de magnifiques paysages, plages et réserves naturelles autour de grandes collines forestières.


La région est devenue une escapade exclusive pour les familles fortunées de la capitale. Les maisons y sont luxueuses, les villas nombreuses, contrastant avec le décor naturel environnant et noyant totalement les petites villes aux alentours. C'est une région dont les adolescents ou les jeunes adultes encore dépendants de leurs parents fortunés sont friands.


Durant l'été, ces jeunes se débrouillent souvent par eux-mêmes, sous la surveillance de domestiques. Ils se sentent libres, puissants et sans doute un peu hors de contrôle. Et aiment braver les interdits.

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)

Entretien avec le réalisateur réalisé par Paula Orostica et relevé dans le dossier de presse.

Votre film est inspiré d’un fait divers. S’agit-il d’un film "enragé" , qui dénonce l’impunité liée au pouvoir ?


Oui, mais il ne s’agit pas d’un film qui prend le parti pris facile de mépriser les puissants. Je crois que c’est un film qui nous invite à nous mettre à la place de celui qui a le pouvoir, ce qui est, logiquement, beaucoup plus inconfortable - et pour moi beaucoup plus intéressant - que de pendre le riche sur la place publique pour la satisfaction de twitter.


Pourquoi parler de la justice, ou plutôt de son absence ?


J’ai toujours été intéressé par la justice ; dans le film, cette idée de justice est liée à beaucoup d’autres sujets. Je suis retourné au Chili en 2007 et les profondes inégalités que j’ai y trouvées m’ont beaucoup heurté.


Pour ce sujet, pourquoi ne pas avoir fait un documentaire à la place d’une fiction, en évoquant ainsi les vrais protagonistes ?


Au Chili, nous sommes tous au courant de ce qui s’est passé. Il s’agit de quelque chose de si évident, que répéter ce que disaient les journaux ne me paraissait pas intéressant. Ça l’était plus de traiter le monde de l’argent et du pouvoir.

Les gens qui évoluent dans ce milieu considèrent qu’y vivre est ce qu’il y a de plus normal. Aucun d’entre eux n’est conscient ni de l’autre, ni de la place dont il bénéficie dans la société. Ils agissent selon ses convenances, mais ignorent peut-être qui contrôle le monde. Je crois qu’ils ne le font pas par malveillance ou en jouissant de leurs avantages, comme nous aimerions le penser. C’est une idée très réconfortante de penser que la malveillance est visible, évidente et monstrueuse, car cela nous permet de croire qu’il est possible de s’immuniser contre elle... Mais, pour qui est au pouvoir, le pouvoir est une chose naturelle. Je connais des gens qui ont des maisons super coûteuses, qui vont à la plage en hélicoptère, et qui, sans honte, se disent de classe moyenne. C’est cela que je voulais montrer.

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)

Vos films traitent de thèmes universels, de sujets complexes qui dévoilent des personnages essentiellement sensibles ou fragiles…


Peut-être. Mes deux premiers films parlaient de personnages simples, confrontés au quotidien, au déroulement de leurs vies. Qu’il s’agisse de leur travail ou de la maladie d’un être aimé, ils bougent dans leur monde en essayant de s’y adapter le mieux possible.

Dans Tuer un homme, cette adaptation est une condition extrême et les conséquences comportent aussi un changement fondamental pour le protagoniste, qui passe de victime à agresseur. Dans Tout va bien, on voit un autre monde : celui des privilèges et de l’appartenance à un groupe et à la défense de sa classe sociale. Comme la grand-mère qui vend des fromages dans Huacho  et qui comprend comment fonctionne l’économie à petite échelle, Vicente comprend que, finalement, c’est mieux de respecter les codes de son groupe social et d’accepter un mensonge que de chercher la vérité ou la justice.

Mes personnages sont toujours assez faibles moralement, très peu conséquents et justes. Les personnages de Huacho, par exemple, appartiennent au groupe des opprimés et pour ce motif
notre sympathie envers eux est plus forte.

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada) Mais je doute que, dans une situation identique à celle de Vicente, ils feraient différemment. Je ne sais pas si cela suscite de l’émotion ou du trouble… mais pour moi c’est la nature humaine.


Les forts gagnent toujours ?


L’histoire nous a toujours prouvé que c’est comme ça ; je ne vois pas de raisons pour penser autrement.


Vous avez dit : "On génère des relations qui ne sont pas physiques, mais littéraires". Pouvez-vous développer cette idée ?


Cela fait référence à la grande quantité de SMS qu’on trouve dans le film, et au fait qu’ils ne correspondent pas toujours aux personnages qu’on voit pendant le film. Ou aussi au fait que les dialogues écrits dévoilent plus d’informations que les conversations entre les personnages. Je connais des gens qui s’envoient des SMS terribles en se disant des choses qu’ils n’oseraient pas se dire en face. Le Cyber Bullying, c’est ça. Ce n’est pas pareil de dire à quelqu’un "dégage gros porc", que de l’écrire sur Facebook. Et ça se passe comme ça avec les amis, la famille, le couple. Le pire c’est qu’il s’agit de messages courts où abondent les malentendus et dans lesquels la violence ne tarde pas à surgir.

Comment votre cinéma a-t’il évolué après votre premier film Huacho ?


Avec Huacho, je voulais explorer de petites choses, de petits événements, une seule journée, des acteurs non professionnels. Depuis, j’ai toujours voulu ajouter d’autres éléments, tester de nouvelles manières de filmer, de nouvelles formes d’écriture de dialogues, etc. Je m’ennuie à faire toujours les mêmes choses. Je n’ai pas l’obsession d’autres réalisateurs avec la forme. J’aime changer de genre, d’ambiance, de façon de filmer.

Souvent vos acteurs sont des non professionnels. Pourquoi ?


Tout va bien (Aquí no ha pasado nada) .

C’est comme une philosophie de vie : ne pas chercher certaines choses, c’est accepter ce que les acteurs ont à te donner.


Peut-on dire qu’il y a une idée conductrice dans les scénarios de vos films ?


Je suis très intéressé par le réalisme, par la sensation d’être en train de regarder quelque chose qui nous amène à une réalité concrète, soit une famille paysanne comme dans Huacho ou une maison de la classe aisée, comme dans Tout va bien.
Ce qui m’intéresse, c’est d’explorer la réalité, mettre les personnages dans certaines situations et, à partir de là, commencer à observer comment ils s’en sortent, ce qui est au fond, une projection de ce que moi-même j’aurais fait dans une même situation.

"La vérité, c’est ce qu’on peut prouver. Point. La vérité n’est pas la vérité.", affirme l’un de vos personnages. Et le cinéma et ses illusions ?


Je crois qu’il y a beaucoup de cinéma "encaissable", c'est-à-dire politiquement correct ou "juridiquement correct", pour suivre la logique du film. Il s’agit d’un cinéma qui donne des réponses : ce qui est correct ou incorrect, qui sont les bons et les méchants, qui tranche dans les discussions, qui dit ce qu’on doit penser et qui nous assure à la fin quel est le bon côté dans la bataille, quel est le camp des bons. Je vise un cinéma qui n’impose pas ces certitudes et pour la même raison, mes personnages sont un peu abîmés, un peu indécis et parfois les voir, c’est aussi sentir l’angoisse de ne pas savoir pourquoi ils font ce qu’ils font et pourquoi ils ne font pas ce que nous croyons que feraient les gens dans la même circonstance.

Au Chili commencent à émerger d’une part des films avec une proposition différente, conçus au sein des quartiers populaires (je pense à l’École Populaire de Cinéma, par exemple) et, d’autre part, ont surgi de nouveaux questionnements quant aux critères de sélection des films présentés dans des festivals étrangers (cf. les problèmes avec CinemaChile). Comment vous positionnez-vous par rapport à l’idée d’un "cinéma dominant" qui serait en train de monopoliser la production et les possibilités de faire du cinéma ?


Le cinéma chilien est si limité qu’il n’arrive pas à générer un courant "dominant" et une "alternative". Il se peut qu’à l’intérieur du pays existent deux courants forts, comme le cinéma commercial et un autre plus auteur, mais l’espace qui les sépare n’est pas très marqué. Je crois qu’au niveau latino-américain, on peut observer certains thèmes, des idées qui se vendent sur l’Amérique latine, etc.

Je suis toujours curieux de savoir comment quelqu’un, depuis l’Europe, définit ce qui est "réellement" latino-américain. J’ai tout entendu : que ce que je montre dans Huacho n’est pas vraiment latino-américain, ou que les riches de Tout va bien n’existent pas. Et cela est dit par des personnes que n’ont même pas été deux semaines à Buenos Aires, mais dont l’influence pour parler de nous fait autorité.


De nouveaux projets ?


Je suis en train de travailler sur plusieurs projets, du drame à la science-fiction et à la comédie,
autant en anglais qu’en espagnol. Il est temps d’essayer de nouvelles choses.

Tout va bien (Aquí no ha pasado nada)

Mon opinion

Le début du film n'est rien de plus qu'une succession de fêtes, dans lesquelles une certaine jeunesse chilienne, riche et désœuvrée, sombre dans l'alcool, le sexe et la drogue. Gueule de bois assurée jusqu'à la fin de ce long-métrage. La musique anxiogène, et la fadeur de la photographie accentuent la sensation de malaise.

Le réalisateur a déclaré : "J’ai toujours été intéressé par la justice ; dans le film, cette idée de justice est liée à beaucoup d’autres sujets. Je suis retourné au Chili en 2007 et les profondes inégalités que j’ai y trouvées m’ont beaucoup heurté." Le scénario s'inspire d'un fait divers mais peine à trouver la juste voie pour étayer son propos. La mise en scène devient d'une lourdeur excessive, quand, quantités de sms apparaissent sur l'écran. Contrairement à ce qu'avait souhaité le réalisateur, ils n'ont rien de violent.

"Mes personnages sont toujours assez faibles moralement, très peu conséquents…" a déclaré Alejandro Fernández Almendras. Cela se révèle tout à fait exact avec le principal protagoniste. D'une neutralité confondante, il ne donne, à aucun moment, un relief quelconque à son personnage.

Les personnages secondaires sont, en revanche, parfaits. Pauline Gracia, incarne une mère aimante mais dépassée. Luis Gnecco dans la peau d'un avocat véreux. Alejandro Goic, en oncle impuissant, déjà remarquable dans Gloria, No, Les vieux chats et par dessus tout dans El Club.