[critique] BROOKLYN VILLAGE

Par Pauline R. @Carnetscritique

Réalisé par Ira Sachs.

Avec Theo Lapitz, Michael Barberi, Greg Kinnear, Jennifer Elh, Alfred Molina, Paulina Garcia...

★★★★☆

Sortie le 21 septembre 2016.

Le septième long métrage d' Ira Sachs, réalisateur associé au cinéma indépendant actuel, nous plonge dans le quotidien de Jake ( Theo Lapitz), adolescent dont le grand-père vient de mourir. Sa famille héritant d'une maison à Brooklyn, tout le monde déménage de Manhattan pour s'installer au-dessus de la petite boutique de couture qui fait partie, elle aussi, de la propriété. Le fils de de la couturière, Toni ( Michael Barberi), devient vite le meilleur ami de Jake. Malheureusement, le loyer payé par l'ouvrière apparaît très vite modeste par rapport aux prix du marché immobilier...

Une caméra discrète et pudique filme au plus près les émotions de la famille en plein deuil mais aussi les silences, les ambiances de la vie du quartier de Brooklyn. Il règne alors un climat apaisant au milieu de cette ville de New York qui grouille. La fraîcheur qui se dégage du film emmène immédiatement le spectateur au cœur d'une adolescence douce, sans smartphone et autres abrutissements, au centre d'une amitié qui, elle, est sans faille. Certaines séquences instillent une poésie gratuite quand elles suivent les deux adolescents, l'un en roller l'autre en trottinette, arpentant les rues de Brooklyn. Fluides, ces scènes ponctuent le récit, les rencontres des adolescents et leur regard sur le monde des adultes, qui s'assombrit de minute en minute. Les jeunes Theo Lapitz et Michael Barberi, dont c'est le premier film, sont fulgurants de justesse. Le titre original du film est d'ailleurs Little Men, signifiant littéralement " Les Petits Hommes ". Ils insufflent à leur personnage une vraie camaraderie et une complicité qui redonnent espoir en ces jeunes générations.

Car sous des dehors légers, Brooklyn Village montre l'hypocrisie d'une classe bobo, aisée, qui malgré des apparences cool et bien-pensantes, se fait happer par l'argent. La rudesse qui se dégage des questions financières tranche d'autant plus avec les préoccupations, très pures, des deux ados. Les non-dits ressortent alors dans le monde adulte, ternissent l'image des parents de Jake, apparemment responsables et généreux. On retrouve pour interpréter ces derniers deux acteurs remarquables mais trop rares, Greg Kinnear (Little Miss Sunshine) et l'anglaise Jennifer Elh (Orgeuil et Préjugé), impeccablement dirigés.

Sans être le film de l'année, Brooklyn Village démontre une belle maîtrise de la mise en scène, se savoure délicatement, interroge sur les classes sociales et leurs clichés associés. Il vient d'obtenir le Grand Prix au Festival du Cinéma Américain de Deauville.

Pauline R.

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