Brooklyn Village

Brooklyn Village"Brooklyn Village" c'est pas "Manhattan"
Grand Prix au Sundance Festival puis de même à Deauville ; pourquoi autant de prix prestigieux pour un tout petit film américain ? Budget ridicule, huis clos monté commune une pièce de théâtre, même le film est petit, 1h25 seulement ; mais 1h25 d’un cinéma délicat, intelligent et truffé de sujets de réflexion sur notre monde, ses valeurs et la place de l’innocence enfantine. Ira Sachs construit son film de vignettes de la vie quotidienne parfois insignifiantes. Ses personnages prennent le temps de s’installer à l’écran et au bout de 1h25, on a l’impression d’avoir partagé une tranche de leurs vies. Il épure au maximum son propos, ses dialogues pour conserver la quintessence des rapports humains et des situations. Dans ce film, pas de discours moralisateur, chacun a ses raisons que parfois le cœur ignore. Tout est subtilité et la parenthèse amicale enchantée que vi durant ce film le jeune Jake restera inscrit durablement en lui. Peu de mots mais beaucoup de choses à comprendre dans ces amitiés pré adolescentes romantiques et du rapport entre les générations. Une sensibilité rare dans le cinéma américain et un travail en profondeur sur les rapports familiaux et la profondeur des sentiments qui font penser au travail de Kore Eda. Mais au-delà du regard sur la force des amitiés enfantines qui seront bientôt supplantées par l’adolescence, ce film traite aussi de la panne de l’ascenseur social, de la bobisation et gentrification de nos sociétés. Un film intimiste mais aussi photographie de l’évolution du monde urbain. A ce propos sur « Le nouvel Obs », Jerome Garcin écrit : « On n’avait jamais si bien montré comment et pourquoi les enfants, qui ont la vie devant eux, sont les victimes collatérales de l’embourgeoisement des grandes villes, où les moins favorisés restent bloqués dans l’ascenseur social ». Et le climax clos la double intrigue : Jake subira-t-il comme son père une vie amicale pauvre ? Tony, malgré un échec à l’entrée d’une école artistique dû au faible niveau culturel familial, parviendra-t-il par des voies détournées comme Pacino à réaliser son rêve ? Un final à l’image du film, confit d’événements insignifiants, mais tellement profond. Un film fin comme le cinéma indé’ US sait faire.
Sorti en 2016
Ma note: 17/20