[CRITIQUE] – Willy 1er (2016)

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Réalisé par : Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas

Avec : Daniel Vannet, Noémie Lvovsky et Romain Léger

Sortie : 19 octobre 2016

Durée : 1h22min

3D : Oui – Non

Synopsis :

À la mort de son frère jumeau, Willy, 50 ans, quitte pour la première fois ses parents pour s’installer dans le village voisin. “À Caudebec, j’irai. Un appartement, j’en aurai un. Des copains, j’en aurai. Et j’vous emmerde !”. Inadapté, Willy part trouver sa place dans un monde qu’il ne connaît pas.

4/5

Willy 1er, c’est la fraîcheur enivrante d’un nouvel espoir du cinéma français, c’est ce que chaque cinéphile part chercher à Cannes, à Deauville, un peu partout dans les festivals, qui s’avèrent être les antichambres d’une nouvelle identité cinématographique dans l’hexagone. Ce que l’on trouve à la vue de ce premier long métrage, c’est la sidération, d’abord, face à ce nouvel ovni, d’un éclectisme rare. Ou la volonté de ces quatre jeunes réalisateurs de casser les genres, et de ramener l’auteur à un film populaire ou plutôt le film populaire à la création auteuriste.

SORTIR DE SON COCON ET S’OUVRIR AU MONDE

Willy, aux prises avec une existence terne, comble son vide par la recherche d’émancipation et d’intégration sociale. Cette quête de liberté, qui pourrait pousser le film à la limite d’un road movie, est le chemin du deuil de Willy, qui vient de perdre son double, celui qui faisait de lui une personne entière, son frère jumeau. Ce film est un véritable pied de nez au déterminisme. En écho au parcours à contre-sens de ces quatre jeunes réalisateurs sortis de l’école de la cité, Daniel détruit l’avenir qui semble lui être collé dès le début du film. Cette émancipation passe par différentes étapes qu’il s’est fixé, et qui se trouvent être le rythme épousé par la structure narrative. Du film, il émerge parfois une violence par le personnage même de Willy – et de sa quête – et par le retour à la réalité après l’espoir d’un bonheur possible. Ce personnage prend à lui seul toute la charge émotionnelle du film, toujours en tension, prêt à exploser, on ne doute jamais du courage de l’homme qui se cache derrière Willy.

L’EXCENTRICITÉ, REMPART DE LA DOULEUR

Willy extériorise sa douleur par l’extravagant, qui est ce qu’on peut appeler un geste pathétique, directement lié à la passion, la souffrance et l’affect. Ce sont des émotions plutôt négatives liées à la douleur que ce personnage projette à l’écran. Le geste pathétique extraie la passion et renvoie donc à la catharsis grecque. Et par catharsis, on entend communication, qui passe par un tiers. Ce tiers, c’est toute la grammaire cinématographique que les réalisateurs utilisent pour mettre en scène Daniel. Willy 1er atteint son spectateur par sa dimension haptique, donnant la sensation du toucher par le regard. Cela passe par des gros plans ou très gros plans à répétition, qui arrivent à simuler le tactile. Ainsi, les « quatre fantastiques » arrivent à rendre à Willy toute la beauté de son corps à l’écran, en confrontant ce corps difforme à la brutalité du monde. Un travail d’esthétisation qui résulte d’une nouvelle forme d’écriture cinématographique personnelle et juste. Juste, dans sa vision de notre monde, explorant ses fonctionnements et ses dysfonctionnements, personnelle car précise, serrée et sensible. Chaque lieu semble rejeter Willy, les réalisateurs savent rendre cette impression d’exclusion et d’espaces intimes gênants. Chaque captation de scènes extérieures et intérieures (le magasin où travaille Willy, son appartement, les paysages) relève d’une poésie maîtrisée avec brio.

« CINÉMA FRANÇAIS, VIVE LES EXCENTRIQUES ! »

Willy 1er s’inscrit dans un nouveau mouvement du cinéma français, celui de la tradition de l’extravagance, dont le chef de file serait le cinéaste Bruno Dumont. Nous étions revenus sur ce mouvement naissant lors d’un texte sur Tour de France, qui sortira le 16 novembre prochain. On rappelait alors que le numéro d’avril des Cahiers du Cinéma titrait « Cinéma Français, vive les excentriques ! », qui donnait le ton du 69ème Festival de Cannes, stimulé par un nouveau souffle du cinéma français porté par l’excentricité. Cette nouvelle excentricité française promet d’éclater un ensemble sclérosé, avec de nouvelles expériences. Et c’est exactement cela que nous propose ce film, une nouvelle expérience esthétique et narrative. Que l’on s’approche du montage Windows Movie Maker, ou d’une surimpression de plan avec des dauphins, l’extravagance semble être une notion que ces réalisateurs ont intégré dans leur maestria.

Ces quatre réalisateurs posent un regard pudique et tendre sur le personnage de Willy 1er, lui qui n’en laisse jamais rien paraître.

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