[CRITIQUE] – L’Odyssée (2016)

Par Pulpmovies @Pulpmovies

Réalisé par : Jérôme Salle

Avec : Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou

Sortie : 12 octobre 2016

Durée : 2h02min

Budget : 35 millions (€)

Distributeur : Wild Bunch

3D : Oui – Non

Synopsis :

1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme et ses deux fils vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier.

4/5

Il est de ses personnalités qui traversent les générations et continuent d’émerveiller des décennies après leur décès. Fort d’une carrière incroyablement riche et passionnante, Jean-Yves Cousteau continue, aujourd’hui encore, de passionner. C’est ainsi que Jérôme Salle a entrepris de retracer la vie de cet homme avec ce film, l’Odyssée.

UNE HISTOIRE VRAIE

Librement inspiré de la vie du commandant, L’Odyssée n’a pas de mythologique que le titre : véritable parcours sur presque un demi-siècle d’un homme ayant révolutionné le monde tout en ayant participé à sa destruction (il tentera d’effacer ses erreurs sur la fin de sa vie), le film se voit comme une œuvre puissante et ambitieuse. Capable à la fois de divertir et d’émerveiller, il n’en reste pas moins un film dramatique, au récit émouvant et passionnant, et écologique à l’heure où les grands groupes industriels continuent de détruire notre planète.

Car avant tout, l’Odyssée est un récit. Le récit d’une vie, ou plus précisément d’une famille. Véritable hommage aux Cousteau, le film se voit comme un film sur la relation père/fils. Si le monde a grandi avec le commandant, le fils Philippe est longtemps resté dans l’ombre de son père. En fondant son film sur cette relation, Jérôme Salle fait le choix de l’amour et de l’humain. Plaidoyer sur les valeurs de l’amour, sur la famille ou sur l’héritage, l’Odyssée est une œuvre émouvante qui frappe en plein cœur. Pierre Niney, encore, expose son immense talent et donne ses traits et ses émotions à Philippe Cousteau tandis que Lambert Wilson magnifie tant physiquement que moralement Jean-Yves Cousteau. Pour continuer ce casting épatant, notons Audrey Tautou qui incarne avec justesse le personnage complexe de la première femme du commandant.

UNE PÉPITE VISUELLE

Aidée par une mise en scène efficace, L’Odyssée est bien évidemment aussi une œuvre à la plastique irréprochable. Il s’agit probablement du plus beau film français, visuellement parlant, de l’année. Mais si le cinéaste lui-même considère avoir fait du mieux qu’il pouvait avec peu d’argent, avec 35 millions d’euros l’Odyssée est l’un des plus gros films français de l’année. Rendons à César ce qui appartient à César, il n’empêche qu’en le comparant aux films de son acabit cette année (Brice de Nice 3, Les visiteurs 3 ou Le transporteur), le résultat est irréfutable : L’Odyssée est magistral. On avait rarement vu une esthétique si poussée.

Les plongées sous-marines nous évoquent parfois l’univers de Cameron (On pense parfois à Abyss) ou le Grand Bleu de Besson dans ce naturalisme déconcertant. Que ça soit avec une baleine ou avec des requins, Salle filme avec une aisance surprenante les profondeurs de nos océans. De cet effort naît une orgie visuelle hallucinante. On se plaît à observer des dauphins dans un plan puis à s’émerveiller face à la beauté sauvage de l’Antarctique dans un autre. Une esthétique poussée même sur de simples dialogues. La lumière et le cadre sont toujours très réfléchis, très métaphoriques et bourrés de symboles sur les personnages ou leurs émotions. Enfin, la reconstitution vient renforcer le réalisme du film. Le chef opérateur Matias Boucard signe donc un travail exceptionnel, après avoir déjà sublimement éclairé L’Affaire SK1, des clips de M83, des pubs Canal (!) ou l’excellent court métrage Pixels (avant sa terrible adaptation cinéma).

UN REGARD SUR NOTRE SOCIÉTÉ 

Ainsi, l’Odyssée est un film à la hauteur de ses ambitions. C’est à dire une intrigue familiale magnifiée par des images grandioses, qui n’en reste pas moins une œuvre méta, consciente de ce qu’elle est et de ce qu’elle peut être : un porte parole de l’écologie. Car oui, l’Odyssée ne cache pas l’horreur qu’a parfois causé Cousteau aux animaux (les fameuses otaries, mais aussi les tortues et d’autres animaux marins) ou la pollution qu’il a participé à créer (les découvertes de puits de pétrole). Il n’empêche qu’à aucun moment le film ne se permet d’être moralisateur envers quiconque, son héros ou le spectateur. Au contraire, il nous invite à nous réveiller par l’émerveillement et à nous rendre compte du monde dans lequel nous vivons, et de ce qu’il s’y passe. L’Odyssée est donc une œuvre complète et réussie, qui n’oublie rien sur son chemin.

Les années 90 ont eu leur Grand Bleu, on a notre Odyssée. Une lumière sur la beauté de notre monde vue par Cousteau. Magnifique et intelligent !