La Danseuse

Par Cinealain

Date de sortie 28 septembre 2016


Réalisé par Stéphanie Di Giusto


Avec Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp,

François Damiens, Louis-Do de Lencquesaing, Denis Ménochet, Amanda Plummer


Genres Drame, Biopic

Production Française

Synopsis

Loïe Fuller (Soko) est née dans le grand ouest américain.

Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus.

Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse.

Mais sa rencontre avec Isadora Duncan (Lily-Rose Depp), jeune prodige avide de gloire, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle.

Soko

Entretien avec Stéphanie Di Giusto relevé dans le dossier de presse.

Racontez-nous la genèse du film.


Tout est parti d’une photo noir et blanc représentant une danseuse cachée dans un tourbillon de voile, en lévitation au-dessus du sol, avec une légende, au bas du cliché : "Loïe Fuller : l’icône de la Belle Epoque". J’ai voulu savoir quelle femme se cachait derrière ces métrages de tissu et son histoire m’a bouleversée. J’aimais l’idée qu’elle soit devenue célèbre en se dissimulant ; son côté précurseur. Avec sa "Danse Serpentine", Loïe Fuller a littéralement révolutionné les arts scéniques à la fin du XIXème siècle. Et pourtant, personne ou presque ne se souvient d’elle.

Pourquoi, soudain, avoir eu le désir de vous jeter dans l’aventure d’un premier long métrage ?


Le cinéma me passionne depuis longtemps mais il me semblait impossible d’atteindre le niveau des réalisateurs que j’admirais. Ma rencontre avec Loïe m’a, en quelque sorte, désinhibée. Le combat de cette fille de fermiers du Grand Ouest américain pour s’imposer comme artiste m’en a donné le courage.

Qu’est ce qui vous touchait particulièrement chez elle ?


Elle ne possède aucun des canons de beauté en vogue à l’époque. Son physique est ingrat, elle a la robustesse et la puissance d’une fille de ferme et se sent prisonnière d’un corps qu’elle a déjà envie d’oublier. Mais d’instinct, elle s’invente un geste et va traverser le monde grâce à lui. La beauté naturelle qu’elle n’a pas, elle va la fabriquer à travers son spectacle, et, ainsi, se libérer grâce à l’art.

Elle va réinventer son corps sur la scène. C’est une notion qui m’importe énormément. Il y a des gens qui trouvent les mots pour communiquer, elle, elle a trouvé son geste et elle empoigne son destin. Elle a fait de son inhibition un geste, de son mal être une énergie, une explosion de vie, un défi rageur. C’est aussi l’émotion de ce combat que je voulais capter. C’est un étrange mélange de force, de volonté et de fragilité.

Dès le début du film, vous la montrez en train de déclamer des textes classiques en pleine nature, de dessiner...


C’est une artiste avant d’être une actrice. L’art est, pour elle, une manière de s’échapper. Loïe ne s’aime pas mais aime le beau autour d’elle et ne veut finalement devenir comédienne que par passion des beaux textes. Il n’y a, chez elle, aucun désir de se montrer.

Ironie du destin, le premier rôle qu’elle décroche est muet.


Et, à partir de là, elle choisit de se taire et d’agir. Elle ne s’exprime plus que par ce mouvement qu’elle a créé avec sa danse et qu’elle ne va plus cesser de chercher à magnifier. Elle s’envole littéralement, empoigne son destin et se laisse porter par sa foi en la beauté et sa singularité. Sa passion ne connaît plus aucun frein ; c’est comme une sorte course à la montre qui va la mener jusqu’à l’Opéra de Paris. Il est incroyable que Loïe Fuller ait réussi à y imposer ses ballets ; cela montre à quel point l’époque était ouverte à la création.

La danse qu’elle met au point fait appel à un nombre infini de disciplines scientifiques : mathématiques, scéniques, et même chimiques…


La confection de sa robe de scène, qui nécessite 350 mètres de soie, est déjà un énorme défi : je n’ai rien inventé en montrant la formule mathématique qui préside à sa création.

Dès la première représentation de sa "Danse Serpentine" aux États-Unis, dans sa pauvre robe de coton, Loïe a conscience qu’il lui faut se donner les moyens de l’alléger et de lui donner de l’ampleur, et sait aussi que les simples effets de lumière ne lui suffisent pas.


Loïe Fuller s’est nourrie de tous les ouvrages qu’elle trouvait et de tous les gens qu’elle rencontrait, Edison, Flammarion l’astronome… Elle a étudié l’éclairage, maitrise parfaitement tous les dispositifs scéniques – d’où son exigence de faire appel à 25 techniciens - et a même inventé les sels phosphorescents qu’elle appliquait sur ses costumes en montant son propre laboratoire de chimie. Elle est vraiment à la base de l’abstraction et du spectacle multimédias. Lorsqu’elle se produit aux Folies Bergères, elle est quasiment devenue une chef d’entreprise.

À peine a-t-elle trouvé son geste qu’elle songe déjà à le faire breveter…


C’est là où elle est également avant-gardiste : lorsqu’elle découvre que le droit d’auteur ne couvre pas ce domaine en Amérique, son premier réflexe est de se rendre en France où, pense-t-elle, on pourra reconnaître son art et on le protégera. Elle a réussi à déposer dix brevets à son nom.

Lily-Rose Depp

Paris, puis le monde entier, reconnaissent son talent mais elle est supplantée par Isadora Duncan.


Isadora Duncan incarne tout ce qu’elle ne peut pas être : la jeunesse, le génie et la grâce. C’est elle la danseuse. Il lui suffit d’apparaître quand Loïe doit s’entraîner durant des heures et user de mille artifices. Cette forme d’injustice m’intéressait : on est tous confrontés à ses limites un jour ou l’autre.

Comment avez-vous abordé l’écriture du film ?


Au début, j’ai travaillé comme pour un documentaire - en lisant énormément de livres sur elle et en rencontrant beaucoup de gens, dont Jody Sperling, la danseuse qui danse actuellement le mieux Loïe Fuller et dont l’aide a été déterminante. Et puis, je me suis emparée d’elle pour exprimer ce qui résonnait en moi chez elle. Je voulais être au plus près de mon héroïne ; filmer son corps, en essayant de rendre l’élan et l’énergie hors normes du mouvement qui l’animait, de sa foi ; tenter un récit différent qui passe par le geste davantage que par la parole. Cela a été un énorme travail d’épure qui m’a pris trois ans.
Chaque geste est écrit. Sarah Thibau m’a aidée à finaliser un premier jet puis, Thomas Bidegain est venu m’épauler à son tour : il a contribué à accentuer encore le côté épuré du scénario tout en lui insufflant de l’énergie.

Avez-vous pris des libertés avec le personnage ?


Oui. Je me sentais intimement liée au personnage, il n’était pas question d’écrire un biopic. Ma première trahison a été de lui inventer un père français. Sachant, dès le début, que je voulais Soko pour interpréter Loïe, je trouvais ridicule qu’elle ait à prendre un accent américain. J’ai donc fait du père un fortyniner, un de ces pionniers français venus au Nevada pour trouver de l’or. J’aimais aussi l’idée que Loïe doive échapper à quelque chose de violent en quittant les Etats-Unis : j’ai rendu le rapport qu’elle entretient avec sa mère beaucoup plus dur qu’il ne l’était en réalité en faisant de la mère un membre des Mothers, un mouvement anti-alcool qui est également le premier mouvement féministe américain.
Et j’ai également pris la liberté d’inventer le personnage de Louis Dorsay, qu’interprète Gaspard Ulliel. J’avais besoin d’une présence masculine dans ce film peuplé de femmes. Loïe Fuller était homosexuelle et il était important pour moi de ne pas en faire le sujet du film. Louis Dorsay me touche beaucoup : c’est l’homme sacrifié du film.

Gaspard Ulliel

Et c’est aussi un personnage très ambigu …


On pense qu’il va lui faire du mal alors qu’il ne lui fait que du bien. C’est un amateur d’art : il est tout de suite fasciné par l’artiste qu’il découvre sur scène. Loïe et lui partagent la même quête de spiritualité et entretiennent une relation qui n’est ni de l’amitié, ni de l’amour. Il n’y a pas de sexualité entre eux ; et pourtant leurs rapports sont d’une très grande sensualité. J’ai beaucoup aimé flirter avec l’idée, tabou au cinéma, de l’impuissance masculine ; une impuissance que j’avais envie de rendre sexy.

Toute la beauté du geste de Loïe passe par son regard et par celui de Gabrielle, qu’interprète Mélanie Thierry.


Sans eux, Loïe n’existe pas parce qu’on n’a pas le temps de s’appesantir sur elle. Je voulais qu’elle avance tout le temps.

Aucune des performances de Loïe Fuller n’a jamais été filmée… Comment avez-vous réussi à recréer son spectacle ?


C’était le défi, très excitant, du film. Malgré son insistance, Loïe Fuller a toujours refusé à Thomas Edison, qui était pourtant son ami, d’immortaliser sa danse sur de la pellicule. "Il est hors de question qu’on m’enferme dans une boite", lui disait-elle. Et les images qui circulent sur Youtube ne sont que de pales captations d’imitatrices. Jody Sperling, que je citais plus haut, m’a beaucoup aidée pour la chorégraphie. Faute de moyens, elle n’a jamais pu reconstituer exactement les performances de Loïe Fuller sur une scène et était très émue qu’un film le fasse, en utilisant scrupuleusement les mêmes accessoires et le même nombre de techniciens.

Mais, tout en tenant à respecter l’époque, le chef décorateur Carlos Conti et moi savions qu’il nous faudrait utiliser les facilités d’aujourd’hui, et avons trouvé les artistes avec lesquels elle aurait sans doute travaillé si elle était encore vivante - dont Alexandre Le Brun, un véritable artiste des lumières qui m’avait bluffée lors des derniers défilés Saint Laurent.

À partir de là, nous avons scrupuleusement suivi la méthode de travail de Loïe Fuller. Cela représente beaucoup de temps passé en répétitions. Et un entraînement physique intensif de la part de Soko.

Comment s’est-elle entraînée ?


Je voulais qu’elle ait des muscles et un corps robuste. Soko a travaillé 6 heures par jour durant 1 mois avec Jody Sperling. Le plus difficile pour elle était de tenir en équilibre et de danser à 2, 50 mètres du sol, tout cela dans le noir. Soko est quelqu’un qui se donne à 100% : elle a un formidable appétit d’apprendre et s’est totalement investie dans cette préparation. Au bout des 4 semaines, elle était prête. Le challenge, ensuite, consistait à lui faire oublier la danse que lui avait apprise Jody Sperling. Elle devait pouvoir en donner sa propre interprétation. C’était impensable pour moi d’utiliser une doublure, il fallait aller jusqu’au bout.

Dans le film, on comprend que chaque spectacle est une véritable gageure physique…


Il fait appel à un énorme travail de coordination des gestes dans l’apesanteur. Ce ne sont pas seulement les bras qui travaillent, c’est tout le corps. Du reste, Loïe Fuller s’écroulait presque à chaque fin de spectacle, comme dans cette scène, aux Folies Bergères, où on voit l’héroïne partir sur un brancard. Loïe ne dansait que tous les trois jours : elle avait besoin de récupérer entre chaque prestation.

Plus elle danse et plus elle se consume : en plus de l’effort physique, ses yeux sont agressés par la violence des projecteurs ; elle doit constamment remuscler ses bras en s’entraînant sur une machine…


Chaque fois que Loïe rentre sur scène, c’est comme si elle livrait un combat. Je me suis beaucoup inspirée de la boxe en la filmant. Je n’ai pas filmé une danseuse, j’ai filmé une boxeuse. Même la manière dont elle s’écroule sur son siège à la fin d’une représentation vient de la boxe.

Cela rend le parallèle avec Isadora Duncan d’autant plus cruel…


Isadora est douée et préfère aller boire des cocktails avec les journalistes plutôt que de travailler des heures à la barre. Sa conception de la danse est radicalement opposée à celle de Loïe Fuller : ne pas s’entraîner, rêver, respirer, regarder des images sur la Grèce pour s’inspirer.

Lorsque Loïe la rencontre et en tombe amoureuse, elle tombe d’abord amoureuse d’une projection d’elle même, de ce qu’elle aurait aimé être et surtout de ce qu’elle ne pourra jamais être.

On sent une forme d’autodestruction et de désamour chez elle…


Oui. Elle ne se regarde pas, ne s’aime pas, donc, elle ne se ménage pas. En ce sens, La Danseuse est aussi un film sur l’estime de soi. Le clivage entre l’icône de la féminité qu’elle représente en dansant et la fille banale qu’elle redevient dans la vie et qu’elle déteste me passionnait. Loïe Fuller se rend parfaitement compte que, sans son costume, elle n’est plus rien, et elle ne veut surtout pas briser le rêve qu’elle apporte au public comme aux critiques. Elle a peur de décevoir et elle a raison : Mallarmé, qui a écrit des choses sublimes sur son compte, a été très déçu lorsqu’il l’a rencontrée.

Et puis, la notoriété ne l’intéresse pas. Elle n’est finalement heureuse qu’entourée des gens avec lesquels elle travaille ou lorsqu’elle fait des bras de fer avec ses techniciens.

Dans le film, elle n’ose affronter les spectateurs qu’une seule fois, à l’Opéra, alors qu’ils l’ont pourtant vue tomber…


À ce moment-là, elle a accompli une partie du chemin. Grâce à Louis Dorsay, qui l’a amenée à devenir une femme, et grâce à Isadora Duncan, qui la provoque en lui envoyant ce télégramme et la pousse à braver la scène de l’opéra seule, elle s’aime peut-être enfin. Isadora est quand même celle qui va la déshabiller et lui faire assumer sa féminité.

On a du mal, aujourd’hui, à mesurer sa renommée.


Loïe Fuller était l’une des danseuses les mieux payées au monde. Mais, bien qu’elle soit parvenue à réunir autour d’elle intellectuels et public populaire, beaucoup d’universitaires ne la considèrent pas comme une danseuse parce qu’elle n’a pas transmis son savoir. Connaissant le côté inhumain et quasi destructeur de sa danse, elle a appris à exprimer autre chose aux jeunes filles auxquelles elle enseignait. J’ai eu l’occasion de voir un film qu’elle a réalisé où l’on voit ses danseuses : on est en 1900, elles sont à moitié nues et d’une liberté inouïe qui faisait d’ailleurs scandale. Mais c’est précisément la liberté que Loïe Fuller voulait leur enseigner. Dernière facétie de la vie : elle est enterrée au Père Lachaise à 100 mètres d’Isadora Duncan. Sa tombe est enfouie dans la végétation quand celle d’Isadora est magnifiquement entretenue. L’injustice perdure.

Il y a des scènes très picturales dans le film : la mort du père avec le sang qui s’écoule de la baignoire, la séance photo, où Loïe fait l’amour la première fois avec une armure...


Pour chaque scène, j’ai essayé de trouver une idée qui exprime un geste. Et, chaque fois, je me posais la question : l’a-t-on déjà vue ? Benoît Debie, le chef opérateur, a beaucoup contribué à donner son caractère pictural au film. Il est le seul à avoir cette approche. Je savais, pour avoir vu son travail sur Love, de Gaspard Noé, que c’était lui qu’il me fallait. Chance formidable, il a adoré le scénario et a accepté de s’engager sur le film. Je suis comme Loïe Fuller avec ses 25 techniciens : sans lui, sans Alain Attal, mon producteur, sans Anaïs Romand, la chef costumière, sans Carlos Conti, le chef décorateur et sans tous les gens qui m’ont entourée, La Danseuse n’existerait pas.

Parlez-nous de la préparation.


Dès l’écriture, j’ai fait parallèlement un travail de repérage : j’avais besoin de trouver mes décors pour faire vivre mes personnages : cette ruine, dans le parc, pour le dîner d’anniversaire de Gabrielle, la rotonde du château, dans laquelle elle danse… l’église, où vivent les Mothers, dénichée dans le IXème, le théâtre où elle se produit, jusqu’aux scènes dans le Far West, qui ont été tournées dans le Vercors. Dans le scénario, il y avait des détails qui prenaient en compte les lieux que j’avais déjà choisis, j’avais besoin de ça pour y croire.


Avez-vous vraiment tourné la dernière danse,

La Danse des Miroirs à l’Opéra de Paris ?


Oui. Je n’avais qu’une nuit de 2 heures à 8 heures du matin. Mais c’était déjà extraordinaire.


Bien qu’elle ait déjà tourné dans quelques films, Lily-Rose Depp, qui interprète Isadora Duncan, tient son premier grand rôle dans La Danseuse


Je ne la connaissais pas et suis allée aux Etats-Unis pour la rencontrer et lui faire passer des essais. Dès la première scène, j’ai compris que j’avais affaire à une star. Elle m’a bluffée. Lily-Rose, qui n’a que 16 ans, n’a peur de rien, et est incroyablement à l’aise dans son corps. Alors que Soko a dû s’entrainer durant des semaines, elle, a tout de suite collé au personnage. Toujours cette histoire d’injustice…


Comment dirige-t-on des acteurs aussi chevronnés que Soko, Mélanie Thierry,

Gaspard Ulliel ou François Damiens, qui joue Marchand, le directeur des Folies Bergère ?


J’étais comme Loïe Fuller : j’avais une mission. Ce n’était pas Soko ou Gaspard Ulliel que je voyais franchir une porte, c’était Loïe Fuller et Louis Dorsay. J’étais tellement imprégnée par mon sujet, je ne parlais pas aux acteurs mais aux personnages. Ils étaient tous différents : Soko, généreuse et très investie, elle a une énergie qu’il fallait canaliser ; Gaspard, un maître de précision ; Mélanie, douée et instinctive... C’était dur pour Mélanie Thierry de jouer cette femme de l’ombre. Face à l’énergie débordante de Loïe, il me fallait quelqu’un d’aussi puissant mais tout en retenue. Le silence, c’est ce qu’il y a de plus compliqué à jouer. C’est une performance différente de celle de Soko, mais tout autant difficile. Ils m’ont tous beaucoup impressionnée.

Soko et Mélanie Thierry

Je faisais peu de prises et les comédiens s’en sont parfois inquiétés. Tout en respectant l’époque, ma manière de filmer devait coller au rythme et à la liberté de mon héroïne ; à sa modernité. J’aime filmer les corps en mouvement ; c’est un parti pris que j’ai encore accentué au montage. J’ai cette étrange impression que tous étaient venus pour défendre mon film coûte que coûte, autant que moi. Ils ont tous pris des risques, ça reste un premier film, c’est l’inconnu pour eux. Leur investissement m’a beaucoup touchée.


Un mot sur la musique…


L’interprétation très contemporaine de Vivaldi par Max Richter s’est tout de suite imposée à moi pour les chorégraphies. Loïe Fuller n’était pas très mélomane et dansait à peu près sur n’importe quoi. Pour coexister avec Vivaldi, j’ai choisi le travail de Warren Ellis et Nick Cave que je trouve très émouvant.

On ne peut pas s’empêcher d’établir un lien entre le combat que mène Loïe Fuller à chaque représentation et celui qu’un metteur en scène doit livrer pour tourner son premier film…


Tous les metteurs en scène sont des Loïe Fuller. C’est aussi, dans un sens, un film sur la naissance du cinéma, à travers le mouvement et la mise en scène. Loïe Fuller incarne cet art à la fois élitiste et populaire. Elle voit grand et beau. Tous les arts sont une façon de rester libre. Mon film parle de cette liberté essentielle.

Mon opinion

Réalisatrice et scénariste, Stéphanie Di Giusto, déclare au sujet de Loïe Fuller : "C’est une artiste avant d’être une actrice. L’art est, pour elle, une manière de s’échapper. Loïe ne s’aime pas mais aime le beau autour d’elle et ne veut finalement devenir comédienne que par passion des beaux textes. Il n’y a, chez elle, aucun désir de se montrer."

Loïe Fuller, une femme hors du commun, qui ira jusqu'au bout de ses limites physiques, pour imposer son art.

Dans le film, la photographie, la recherche pour une reconstitution parfaite de l'époque et le raffinement des costumes constituent une belle réussite. Tout est beau. Presque étouffant.

La réalisation se perd dans ce côté visuel trop esthétisant. Le scénario ne trouve pas toujours la juste voie et reste dans le flou quand il est question des sentiments.

Le personnage de Louis Dorsay, tenu avec élégance par Gaspard Ulliel, n'apporte rien. D'autres, en revanche, sont particulièrement bien étudiés comme celui de Gabrielle qui veille avec attention, discrétion et dévotion sur celle qui brillera sous les feux de la rampe. Dans cette femme de l'ombre, Mélanie Thierry est parfaite de justesse et de retenue.

Dans le rôle principal, Soko est non seulement attachante, mais également remarquable de bout en bout.