Hou Hsiao-hsien, Les débuts du maître taïwanais à l’Institut Lumière

Après la venue de Hou Hsiao-Hsien en février dernier, présent pour présenter son dernier film The Assassin, l’Institut Lumière propose la projection de  films de jeunesse du cinéaste taïwanais en copie restaurée. Le film Poussières dans le vent sera présenté le 21 septembre par Pierre Rissient, grand homme d’influence du cinéma français et international, meilleur ami français de Clint Eastwood, et qui a contribué à faire découvrir Hou Hsiao-Hsien en France.

Du 17 au 28 septembre, trois œuvres pour découvrir ou redécouvrir Hou Hsiao-Hsien, pionnier de la nouvelle vague taiwanaise et cinéaste au talent immense.

« Hou Hsiao-hsien, apparu comme par miracle, était le grand cinéaste chinois qui avait toujours manqué. » Olivier Assayas

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A L’AFFICHE lignerouge

Les Garçons de Fengkuei (1983), les 17/09 et 20/09, inédit : Le film qui fit connaître Hou Hsiao-Hsien à l’international. Une fresque autobiographique sur une jeunesse déphasée.
Sa 17/09 à 16h30 – Ma 20/09  à 21h 

(Feng gui lai de ren, Taïwan, 1983, 1h41, coul, avec Doze Niu, Tou Tsung-hua, Lin Hsiu-ling, Chang Shih)

les-garcons-de-fengkueiAh-ching, Ah-jung et Kuo-tzu habitent Fengkuei, un paisible village de pêcheurs des îles Penghu. Les trois amis troquent leur ennui en multipliant bagarres et petits larcins. Suite à un règlement de comptes qui a mal tourné, ils partent à Kaohsiung pour commencer une nouvelle vie plus trépidante. Leur rencontre avec la grande ville et ses habitants sera bientôt un test pour leur amitié…

Avec Les Garçons de Fengkuei, Hou Hsiao-hsien débute un nouveau cycle filmique, celui de son œuvre autobiographique, qui marque également le début de sa collaboration avec la scénariste et romancière Chu Tien-wen. Ce premier volet s’inspire de la jeunesse de petit délinquant du cinéaste à travers le récit d’initiation de trois amis venus s’installer dans la grande ville – c’est d’ailleurs la première fois que le Taïwanais tourne avec une bande de jeunes acteurs sans formation. Les Garçons de Fengkuei oppose à nouveau la ville et la campagne, mais se déroule cette fois dans un univers à majorité urbain ; Hou Hsiao-hsien rend compte des moindres détails de ce « nouvel » environnement et des interactions entre les personnages. Ses plans larges et fixes permettent cette observation à distance, souvent à travers le point de vue d’un passant qui se trouverait à proximité. Le quatrième long métrage du Taïwanais porte l’empreinte de films comme Contes cruels de la jeunesse de Nagisa Oshima, Les Vitelloni de Federico Fellini et Rocco et ses frères de Luchino Visconti, pour leur peinture d’une jeunesse déphasée. Primé au Festival des trois continents de Nantes en 1983, Les Garçons de Fengkuei ouvrira les portes de l’international à son auteur.

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Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985): Le parcours de Ah-ha, jeune exilé à Taiwan avec sa famille, de son enfance à son adolescence. Une œuvre bouleversante.
Je 22/09 à 20h45Me 28/09 à 20h45

(Tong nien wang shi, Taïwan, 1985, 2h15, coul, avec Yu An-shun, Hsin Shu-fen, Mei Fang, Tang Ju-yun, Tien Feng)

un-temps-pour-vivre(Tong nien wang shi, Taïwan, 1985, 2h15, coul, avec Yu An-shun, Hsin Shu-fen, Mei Fang, Tang Ju-yun, Tien Feng)

En 1947, alors qu’il n’est encore qu’un bébé, Ah-ha et sa famille partent de Chine pour Taïwan. Ils s’installent d’abord près de Taipei, puis déménagent au sud de l’île où le climat est plus clément pour le père, asthmatique. Choyé par sa grand-mère, le petit Ah-ha grandit au sein d’une famille bientôt frappée par la maladie : du petit garçon espiègle qu’il était à dix ans, il se mue en adolescent taciturne et révolté…

Hou Hsiao-hsien poursuit son exploration de la jeunesse taïwanaise à travers la forme de l’autobiographie. Ce film met en images les premiers souvenirs marquants du cinéaste, de ses jeux d’enfant à ses amours adolescentes, souvent ponctués par la mort. Plutôt que de s’attarder sur la psychologie des personnages, le réalisateur montre le temps qui passe comme un ensemble de tableaux – impression renforcée par ses cadrages éloignés et fixes – où l’environnement prime sur la narration. La vie est dévoilée sans fard et sans tabou, comme en attestent les diverses humeurs corporelles – sang, sperme, taches de décomposition du corps – qui ponctuent le film. En filigrane, Hou Hsiao-hsien évoque également la situation politique de Taïwan à l’heure de la propagande anti-communiste de Tchang Kaï-chek. Comme des milliers d’autres familles chinoises, la sienne a fait le choix de l’exil ; si sa génération et celle de ses parents se sont adaptées à ce nouveau cadre, sa grand-mère rêvera jusqu’à la fin de sa vie de retourner sur le continent – en vain. Chronique bouleversante sur la transmission et le passage à l’âge adulte, Un temps pour vivre, un temps pour mourir signe lui aussi le passage à la maturité de son réalisateur dans l’exercice de son art.

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Poussières dans le vent (1986), présenté par Pierre Rissient le 21/09 à 21h : Une histoire d’amour romanesque entre A Yuan et A Yun, qui ont grandit ensemble dans un village de montagne et se retrouvent à présent à Taipei. Un chef d’œuvre du cinéaste.

(Lian lian feng chen,Taïwan, 1986, 1h49, coul, avec Wang Ching-wen, Hsin Shu-fen, Mei Fang, Li Tian-lu)

poussiere-dans-le-ventA Yuan et A Yun ont grandi dans un petit village de montagne. A Yuan part à Taipei pour travailler et suivre les cours du soir. A Yun le rejoint. Ils continuent de faire des allers-retours entre Taipei et leur village. Leur amitié se mue sensiblement en amour jusqu’à ce qu’A Yuan soit appelé pour effectuer son service militaire…

Poussières dans le vent clôt le cycle dit autobiographique de Hou Hsiao-hsien, bien que cette histoire soit en réalité inspirée de la jeunesse de Wu Nien-jen, son coscénariste. La campagne y acquiert un statut quasi romanesque, comme dans les grands romans d’apprentissage du XIXe siècle où le héros voit sa vie bouleversée au contact de la cité. Le train qui conduit les protagonistes, véritable leitmotiv du film, en forme la colonne vertébrale puisque tous les agissements des personnages vont se trouver dictés par ces va-et-vient. Chef-d’œuvre d’épure, Poussières dans le ventmontre avec subtilité et intelligence le passage de l’amour au chagrin à l’âge si délicat de l’adolescence. Un film choisi par Pierre Rissient, grand admirateur du cinéaste, et plus largement du cinéma asiatique.

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