[CRITIQUE] Eye in the Sky (2015)

039000.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxRéalisé par : Gavin Hood

Avec : Helen Mirren, Alan Rickman, Aaron Paul

Sortie le : 9 septembre 2016 en e-Cinéma

Durée : 1h42

Distributeur : UGC Distribution

Synopsis :

Le colonel Katherine Powell (Helen Mirren), officier du service d’espionnage, est placé aux commandes d’une opération top-secrète impliquant plusieurs nations. Un groupe de terroristes réfugié à Nairobi doit être capturé ; les services secrets découvrent que le groupe prépare une attaque suicide. Le risque est imminent, il faut agir très vite pour stopper les terroristes coûte que coûte. Dans une base du Nevada, Steve Watts (Aaron Paul), pilote de drones, est prêt à intervenir pour éliminer la menace. Une petite fille entre dans la zone de tir… Entre dommages collatéraux et pressions politiques, sauront-ils prendre la bonne décision ?

3/5

L’art de la guerre est implacable. C’est ce que l’on a envie de se dire après avoir vu Eye in the Sky. Ce dernier film signé Gavin Hood (TsotsiLa Stratégie Ender) s’offre une sortie plutôt discrète sur notre territoire, puisqu’il sera disponible en e-Cinéma à partir du 9 septembre. L’esprit Made in France planerait-il toujours par là ? Plutôt dommage, lorsque l’on voit Nocturama sortir en salles à peine deux mois après les attentats de Nice, affrontant ainsi le traumatisme de manière frontale (et moins le terrorisme).

À défaut de se permettre une distribution directement dans nos cinémas, Eye in the Sky offrira aux plateformes de vidéo à la demande un film au casting fort, avec Helen Mirren (que l’on retrouvera l’an prochain dans Fast and Furious 8), Alan Rickman (dans le tout dernier film pour lequel il a tourné) et Aaron Paul (bientôt dans The 9th Life of Louis Drax, d’Alexandre Aja).

Témoins directs

Eye in the Sky fait désormais partie de nombreux films traitant de la lutte anti-terroriste, mais il est l’un des rares à traiter de ce délicat sujet que représente l’utilisation des drones dans les opérations de repérage et de combat. L’an dernier, le réalisateur Andrew Niccol s’y attelait avec Good Kill, tandis que la série Homeland faisait de Carrie Mathison (Claire Danes) la « reine des drones » lors de sa quatrième saison. Si jamais vous vous attendiez à de l’action non-stop ou à un blockbuster à la 13 Hours, autant dire que le film de Gavin Hood n’est pas fait pour vous : Eye in the Sky est un film à suspense, et se prête avant tout à mesurer tous les enjeux d’une éventuelle attaque à l’encontre d’ennemis de toute une nation.

Cet œil dans le ciel, c’est avant tout le regard de Steve Watts (Aaron Paul), pilote du drone, mais aussi celui de tous les responsables militaires et politiques qui se cachent derrière cette opération, tout autant spectateurs que nous ne le sommes. Il y a de quoi nous perdre, lorsque le film se plaît à présenter tout plein de personnages présents d’un bout à l’autre du monde dans ses vingt premières minutes. De Londres aux États-Unis, en passant par Pearl Harbor, tous les yeux sont tournés vers Nairobi, ville où se déroule cette opération. Pourtant, tout aura été tourné en Afrique du Sud, sans même que les têtes d’affiche du film ne se croisent !

Ainsi, le colonel Katherine Powell (Helen Mirren) et le lieutenant général Frank Benson (Alan Rickman) doivent jouer des pieds et des mains pour obtenir l’approbation de quiconque afin d’autoriser une intervention. Eye in the Sky donne à voir les délicates préparations de cette dernière, et joue énormément sur cette notion de distance. Quel risque a-t-on de commander les troupes locales lorsque l’on se trouve derrière le confort et la sécurité de son propre bureau ? Quelles conséquences provoquent ces actions sur la conscience morale d’un soldat ? Comme le dira même le personnage d’Alan Rickman, « ne rappelez jamais à un soldat quel est le prix de la guerre ».

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Peser le pour et le contre

Les tractations politiques sont par conséquent le plus gros du scénario d’Eye in the Sky : lorsqu’une enfant apparaît dans la zone de tir, faut-il tout de même – éventuellement – sacrifier sa vie pour sauver celles de nombreuses autres personnes qui sont en jeu ? C’est bel et bien dans ces moments que le casting du film révèle tous ses talents dramatiques, aussi bien les seconds couteaux (parmi lesquels Ian Glen dans la peau d’un ministre devant prendre une décision dans une situation pour le moins absurde) que les rôles principaux. Bien que l’enjeu suscité par la présence de la petite fille soit aussi subtilement introduit qu’un éléphant entrant dans un magasin de porcelaine (elle est en effet présente au premier et au dernier plan – de manière à bien vous faire comprendre que, coucou, elle risque de se faire tuer), les débats mouvementés qui en découlent ont de quoi marquer.

Priorités militaires, règles politiques et conscience personnelle, tout est perturbé lorsque cette opportunité d’empêcher un éventuel attentat se présente. Car tout se joue sur cette fameuse « éventualité », qui à elle-seule est suffisamment dévastatrice : toute décision ne peut être prise sans l’aval d’un homme politique, ayant lui-même été informé de tous les dommages et pertes envisageables. La machine politico-militaire s’emballe, et toute cette tension est redoublée par l’enfermement des personnages. En sous-sol pour Helen Mirren ;  en vase clos pour le personnage Aaron Paul, qui subit le déchainement des ordres au dessus de lui dans sa minuscule cabine de pilotage, lui laissant à peine la place pour ses propres sentiments.

La vie continue malgré les pertes éventuelles, comme le suggèrent ces quelques immersions dans le quotidien de nos militaires, mais également de responsables d’état. Par ce procédé, Gavin Hood parvient à créer quelques ruptures de ton, pleines d’humour noir. On pardonnera à Eye in the Sky l’introduction maladroite de cette enfant innocente, tout comme les inserts numériques du plus mauvais effet (les plans sur le drone, les outils d’espionnage), car on tient là un thriller efficace, mettant habilement en lumière les enjeux d’une frappe anti-terroriste : à qui profite-t-elle le plus ? Aux terroristes, ou à l’Occident ?

Eye in the Sky questionne avec raison les conséquences de la lutte anti-terroriste, grâce à son sens du rythme et à son casting incroyable.

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