10 Cloverfield Lane (Par ici la sortie)

Par Olivier Walmacq

Genre : science-fiction
Année : 2016
Durée : 1h43

Synopsis : Une jeune femme se réveille dans une cave après un accident de voiture. Ne sachant pas comment elle a atterri dans cet endroit, elle pense tout d'abord avoir été kidnappée. Son gardien tente de la rassurer en lui disant qu'il lui a sauvé la vie après une attaque chimique d'envergure. En l'absence de certitude, elle décide de s'échapper. 

La critique :

2008. Nouvelle date fatidique dans l'histoire du cinéma de science-fiction avec la sortie de Cloverfield, réalisé par Matt Reeves et supervisé par J.J. Abrams. Le long-métrage est le digne épigone de King Kong (Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, 1933) et de Godzilla (Ishiro Honda, 1954). A l'instar de ses augustes prédécesseurs, le métrage de Matt Reeves révolutionne à son tour le film de monstre puisque Cloverfield mélange le keigu eiga et le found footage.
Si le film s'apparente à une allégorie des attentats du 11 septembre 2001, il divise néanmoins l'opinion. D'un côté, nombreux sont les fans à exalter les qualités de cette pellicule ambitieuse. De l'autre, Cloverfield doit supporter les railleries et les quolibets de la presse intellectuelle.

A la base, le scénario du film s'inspire de fréquences inconnues et énigmatiques relevées, à plusieurs reprises, dans l'Océan Pacifique durant l'été 1997. A l'heure actuelle, aucune explication plausible n'a permis de comprendre l'origine de ces fréquences. Evidemment, ce fait divers inspire les producteurs hollywoodiens, en particulier J.J. Abrams, qui souhaite financer un nouveau film de monstre dans la lignée de Godzilla. A la seule différence que la créature de Cloverfield ne sera pas le substrat de la bombe nucléaire, mais le produit d'une menace invisible et indicible sourdant du néant.
Réalisé comme un faux documentaire, Cloverfield se solde par un immense succès commercial et relance la mode du found footage, que ce soit dans la science-fiction ou dans le registre de l'épouvante, comme l'attestent la sortie et le succès de la saga Paranormal Activity.

C'est dans ce contexte qu'une suite, 10 Cloverfield Lane, sortie en 2016, est envisagée, toujours sous l'égide de J.J. Abrams. Certes, Matt Reeves n'officie plus derrière la caméra mais participe à la production de ce second chapitre. Il est donc remplacé par un certain Dan Trachtenberg, quasiment inconnu au bataillon. Toutefois, le cinéaste s'est distingué dans le petit monde de la publicité.
A l'instar de son modèle, 10 Cloverfield Lane est tourné dans le plus secret. Les producteurs, les scénaristes et les acteurs sont sommés de se taire et de ne pas révéler les grandes lignes du scénario. Certes, à fiortiori, 10 Cloverfield Lane est conçu comme la suite de Cloverfield. Pourtant, point de found footage asséné et déployé à l'écran au profit d'un film de science-fiction de facture classique et dans la grande tradition des productions des années 1950.

Les fans et les amateurs du long-métrage de Matt Reeves risquent donc d'être décontenancés par cette nouvelle option. De facto, 10 Cloverfield Lane apparaît comme une oeuvre indépendante. Seul le titre permet une liaison et une lecture inhérente avec le précédent volet. Pour le reste, les deux films n'entretiennent finalement aucun rapport. D'ailleurs, 10 Cloverfield Lane devait initialement s'intituler The Cellar. Un tel intitulé n'est pas sans évoquer un célèbre épisode de la série La Quatrième Dimension, L'Abri (The Shelter de son titre original).
A nouveau, cette suite divise l'opinion. Trop éloigné de son prédécesseur pour certains, plutôt original et novateur pour d'autres, 10 Cloverfield Lane revient finalement aux fondamentaux de cette paranoïa ambiante, celle qui a provoqué cette peur ineffable (à la fois du communisme et/ou d'une invasion extraterrestre) dans les années 1950.

La distribution du long-métrage réunit Mary Elizabeth Winstead, John Goodman et John Gallagher Jr. Vient également s'ajouter la voix de Bradley Cooper lors d'une courte locution. C'est donc un huis clos à trois qui va devenir l'apanage de 10 Cloverfield Lane. En outre, le scénario est de facture basique et conventionnelle. Attention, SPOILERS ! Une jeune femme, Michelle, se réveille dans une cave après un accident de voiture. Ne sachant pas comment elle a atterri dans cet endroit, elle pense tout d'abord avoir été kidnappée. Son gardien tente de la rassurer en lui disant qu'il lui a sauvé la vie après une attaque chimique d'envergure. En l'absence de certitude, elle décide de s'échapper.
Certes, 10 Cloverfield Lane sera longtemps envisagé comme un prequel de son épigone, pour finalement se transmuter en second chapitre.

En l'état, difficile de cerner la véritable identité du film. 10 Cloverfield Lane ne doit ni s'envisager comme une séquelle, un préquel ou une suite de Cloverfield, mais plutôt comme une histoire subalterne et très différente de son modèle. Le long-métrage a au moins le mérite de rompre radicalement avec la dialectique de son devancier. Le found footage et le keigu eiga, avec leur lot de déflagrations et d'araignées sourdant de la ville, sont évincés par un huis clos claustrophobique dans la grande tradition de la science-fiction des années 1950 (comme je l'ai déjà mentionné).
Volontairement, Dan Trachtenberg et ses scénaristes disséminent quelques informations élusives, conviant le spectateur à sonder la psyché (en déliquescence) de Michelle, une malheureuse accidentée de la route, qui se réveille la jambe tuméfiée, mais toujours vivante.

A l'instar de son héroïne, le spectateur est lui aussi invité à hypostasier sur la situation extérieure. Visiblement, suite à la propagation de produits chimiques, l'air est devenu irrespirable. Attention à ne pas sortir sous peine d'exhaler son dernier soupir ! Dès lors, 10 Cloverfield Lane est nimbé par une ambiance anxiogène et cette question sous-jacente : Le monstre se trouve-t-il réellement à l'extérieur de l'abri ou plutôt en son for intérieur ?
Sur ce dernier point, Dan Trachtenberg peut s'appuyer sur l'excellente performance de ses acteurs, en particulier John Goodman qui, sous ses allures claudicantes et ventripotentes, représente cette réelle menace indicible. Dan Trachtenberg et J.J. Abrams signent alors un huis clos étouffant qui fonctionne sur la durée, à l'exception de ces vingt dernières minutes. Ou lorsque la prison dorée se transmute rapidement en échappatoire... En l'état, difficile d'en dire davantage.
Sans doute trop classique dans sa forme, 10 Cloverfield Lane refuse de céder à la tentation du spectaculaire. D'où une impression assez mitigée lors du générique de fin. Contrairement au film de Matt Reeves, 10 Cloverfield Lane risque de ne pas marquer durablement les esprits. Certes, cette suite finalement erronée possède de solides arguments mais peine à convaincre sur la durée. Un semi échec ou une semie réussite, vous choisirez.

Note : 12.5/20

 Alice In Oliver