Big Boss (L'avènement du Petit Dragon)

Par Olivier Walmacq

Genre : art martiaux (interdit aux moins de 18 ans au moment de sa sortie, tout public de nos jours)
Année : 1971
Durée : 1h46

Synopsis : Un ouvrier venant de la campagne se révolte contre la milice engagée par son patron pour briser une grève.

La critique :

A tort, les fans de Bruce Lee considèrent Big Boss, réalisé par Lo Wei en 1971, comme le tout premier long-métrage du Petit Dragon. C'est méconnaître la filmographie foisonnante et exhaustive de l'artiste martial. En outre, Bruce Lee démarre sa carrière d'acteur dès 1941. A l'époque, la future vedette du cinéma d'arts martiaux n'est encore qu'un rejeton braillard et âgé de trois mois.
Enfant et adolescent, il enchaîne les tournages de films totalement méconnus en dehors de leurs frontières asiatiques. Cependant, vers le milieu des années 1960, Bruce Lee se permet une petite escapade aux Etats-Unis, où il espère se faire connaître. Mais le cinéma hollywoodien de l'époque ne prise guère les interprètes asiatiques, en particulier chinois. Toutefois, Bruce Lee se fait tout de même remarquer dans les séries télévisées Batman et Le Frelon Vert entre 1966 et 1967.

Désappointé par cette expérience américaine, Bruce Lee revient parmi les siens vers la fin des années 1970. L'acteur en déveine connaît néanmoins la chance de sa carrière cinématographique. Le réalisateur, Lo Wei, lui propose de tenir le rôle principal dans Big Boss. De ce fait, The Big Boss (autre intitulé possible du film) va donc devenir le premier long-métrage majeur de l'artiste martial.
De surcroît, Bruce Lee ne souhaite pas seulement devenir un acteur éminent dans l'Asie toute entière mais aussi endosser les oripeaux d'une star internationale. Le tournage de Big Boss se déroule dans les belligérances, les acrimonies et les billevesées. En effet, le Petit Dragon ne se contente pas seulement de jouer les acteurs mais dirige régulièrement les débats. Mécontent des choix opérés par Lo Wei, Bruce Lee rectifie certaines séquences et se retrouve prestemment derrière la caméra du film.

Le cinéaste asiatique fulmine. A contrario, Big Boss est littéralement plébiscité lors de sa sortie sur le vaste continent asiatique. Les Chinois découvrent un héros humble, à la fois musculeux, petit et cachectique qui vient donner la leçon à des capitalistes turpides et mercantiles. Bruce Lee apparaît comme le grand sauveur de la plèbe, en particulier d'ouvriers besogneurs. Ce qui séduit et flagorne la populace.
En l'occurrence, le scénario de Big Boss est à la fois basique et laconique. Attention, SPOILERS ! (1) Cheng Chao-an (Bruce Lee), un jeune émigrant chinois part chercher du travail en Thaïlande. Il pratique le kung-fu mais a promis à sa mère de n'utiliser contre personne ses aptitudes au combat. Embauché dans une fabrique de glace, Cheng découvre après peu de temps que son usine sert de façade à de redoutables trafiquants de drogue qui n'hésitent pas à tuer leurs ouvriers et les curieux.

Il rompra finalement sa promesse pour lutter seul contre les trafiquants et déjouer leurs agissements. (1) Big Boss constitue donc la première étape de l'impressionnante carrière de Bruce Lee. Si techniquement et d'un point de vue de la réalisation et de la mise en scène, le film est loin d'être irréprochable, il reste néanmoins une référence et un grand classique du cinéma d'arts martiaux.
Big Boss se divise alors en plusieurs parties bien distinctes. Dans la première section, Cheng Chao-an (donc Bruce Lee) est un immigré docile sous les précieuses instigations de son patriarche. De multiples rixes éclatent, mais le paternel à l'éducation quasi monacale, exhorte son jeune fiston de ne pas utiliser ses poings. Pour le spectateur, il faudra s'armer de patience (pas loin de 45 minutes) avant de voir Bruce Lee ferrailler et envoyer dare-dare ses malheureux assaillants au tapis.

Puis, dans la seconde partie, les choses s'accélèrent quelque peu. Cheng Chao-an trouve enfin du boulot et s'accointe avec quelques ouvriers dans une usine de glace. Un leurre pour mieux farder les activités frauduleuses d'une entreprise étrangement prospère. "La disparition de certains ouvriers ?", s'étonne le chef de la petite industrie. Ils sont tout simplement aller voir les prostituées, annonce péremptoire l'intéressé, provoquant ainsi l'ire et l'incompréhension des ouvriers.
Une nouvelle rixe éclate. Cette fois-ci, Bruce Lee s'en prend aux détracteurs. Ses prouesses fulgurantes et vertigineuses impressionnent à la fois ses nouveaux compagnons et ses agresseurs. Le voilà alors promu contremaître. Hélas, cette irrésistible ascension va être contrariée par les projets machiavéliques du fameux "Big Boss", celui qui détient le pécule, le capital et la drogue.

C'est la troisième et dernière partie du film. Visiblement dépassé par les furibonderies de sa star principale, Lo Wei tergiverse entre le long-métrage social un brin ingénu et le film d'arts martiaux pur et dur. Dans sa dernière demi-heure, Big Boss revêt un tout autre costume, cette fois-ci beaucoup plus virulent et rougeoyant. Ce qui explique probablement son interdiction aux moins de 18 ans à l'époque. Heureusement aujourd'hui, le film est mentionné "Tout public".
Cependant, encore une fois, les trente dernières minutes se révèlent assez brutales. Hagard, Bruce Lee découvre les dépouilles d'un enfant et de tous ses amis dans des petites cabanes près de l'usine. Vindicatif, hurlant comme la hyène enragée, il décide de se mesurer à son ancien employeur, lui aussi un érudit des arts martiaux. Fallacieux et pusillanime, ce dernier est évidemment protégé par ses fidèles prosélythes. Tous connaîtront la furie meurtrière de Cheng Chao-an.
Déjà, avec Big Boss, Bruce Lee épate par son charisme et par l'aura que son personnage (pourtant modeste) dégage. Clairement, l'acteur impressionne et illumine la caméra parfois tremblotante de Lo Wei. Sans Bruce Lee, Big Boss n'aurait vraiment pas le même impact ni la même notoriété. Le film souffre également de son caractère prosaïque et de son budget anomique.
Mais par la suite, en particulier dans La Fureur du Dragon (1972), second film de Bruce Lee, l'artiste martial rectifiera le tir.

Note : 14/20

 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film : https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Big_Boss_(film,_1971)