Mes découvertes documentaires d’Août

Par Lakshmiz

Réal. : Dan Stone, Patrick Gambuti Jr.
Durée : 1h30
Sortie : Fin 2008, en festival.
❤❤❤❤

Derrière ce titre, qui convoque tout l'imaginaire des vieux films de flibustiers, se cache en réalité un documentaire la Sea Sheperd Conservation Society. L'ONG a été créée en 1977 par Paul Watson, qui claque alors la porte de Greenpeace dont il est également le cofondateur. Son objectif est la conservation de la faune et de la flore maritime et pour y parvenir ils privilégient l'action directe. Pour conduire leurs opérations, les équipes ne s'encombrent pas d'autorisations : ils agissent, point barre. A ce titre, la Sea Shepherd a recours à l'abordage en pleine mer, au sabordage de bateaux à quai ou encore aux jets d'acide butanoïque -qui rendent la viande de baleine impropre à la consommation. Cette attitude audacieuse, parfois violente, a valu à l'organisation d'être taxée d'écoterroriste par le FBI et les autorités japonaises mais également d'être interdite en Namibie. At the Edge of the Wold nous embarque en pleine opération Léviathan, qui s'est déroulée entre 2006 et 2007.Elle a pour but de protéger le sanctuaire des baleines dans l'océan Austral et de saboter les opérations des baleiniers japonais, qui pratiquent la pêche pour commercialisation sous couvert d'études scientifiques. Le documentaire nous entraîne donc à la poursuite du baleinier japonais Nisshi Maru et de sa flotte. Au programme : une traque haletante au milieu des glaces, la chronique de la vie des équipages du Robert Hunter et du Farley Mowat, mais également des scènes d'action avec une collision en pleine mer ou encore la disparition durant plus de 8h d'un zodiac et de ses deux occupants. En dehors d'une plongée dans la conduite d'opérations spectaculaires, le documentaire nous donne un aperçu des relations parfois tendues entre ONG. Quelques scènes nous montrent l'état des relations entre Greenpeace et Sea Shepherd : entre silence radio total et profonde inimitié. Dans un documentaire diffusé en 2012, Paul Watson expliquera ainsi sa pensée : " Mes amis de Greenpeace disaient : notre travail c'est d'être des témoins. Pour moi, ça veut dire des lâches. [...] Je ne comprends pas cette histoire de témoin. Ça veut dire tout simplement qu'ils ont peur de faire quoi que ce soit. " At the Edge of the Wold nous embarque dans la réalité de l'action : absence de voix off, montage sans effets de style racoleur et relative neutralité dans le traitement du sujet. En cela, libre au spectateur de se faire un avis sur les activités de la Sea Shepherd et de son sacré capitaine : ses membres sont-ils d'horribles anarchistes réunis en milice des mers ? ou des tête brûlées lassées des réglementations prises presque pour la forme ? A vous de voir.

Natan,
L'histoire effacée d'un génie du cinéma.

Réal. : David Cairns, Paul Duane
Durée : 1h06
Sortie : 26 Octobre 2015, en DVD.
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Si vous n'êtes pas un cinéphile chevronné, le nom de Bernard Natan ne vous parle probablement pas. Et c'est normal, l'histoire de cet homme a été occultée de la mémoire collective... Et pourtant, quel personnage ! Le documentaire de David Cairns et Paul Duane entend réhabiliter cette figure du cinéma français. Bernard Natan est un des pionniers du cinéma parlant et bâtisseur de l'empire Pathé. Alors comment se fait-il que son nom nous soit inconnu ? En dépit de ses succès, l'homme a été bafoué jusqu'à connaître une fin terrible et honteuse. Les réalisateurs ont choisi de raconter l'histoire de cet homme au moyen de documents personnels et d'archives mais également en faisant intervenir ses petites-filles. Celles-ci se montrent d'ailleurs d'une dignité incroyable face caméra, quand on sait le sort rencontré par leur grand-père. Il faut savoir que Bernard Natan est né Natan Tannenzaft en Roumanie, de parents juifs. Il s'installe en France au début du XXème siècle et s'implique dans le milieu du cinéma : tout emploi, si petit soit-il, est bon à prendre pour ce passionné des plateaux. En 1911, Natan écope de quatre mois de prison pour atteinte aux bonnes moeurs : on lui reproche d'avoir fait circuler des films grivois -dans ce style-, très en vogue à l'époque. Pour laver son casier judiciaire, Natan s'enrôle au sein de la légion étrangère lorsque la Première Guerre Mondiale éclate. Après services rendus, son casier est effacé et Natan est naturalisé français. Très vite, il fonde son propre laboratoire de développement : Rapid Film. Au passage, les anciens locaux de Rapid Film servent désormais de locaux à la prestigieuse Fémis. Le succès continue et est tel que Natan finit par investir dans Pathé, alors en difficulté financière. Il réalise même la fusion entre Rapid Film et l'empire des Frères Pathé, dotant ce dernier de nouveaux studios d'enregistrement audio. Pathé devient Pathé-Natan. Mais la rumeur enfle dans une France pré-Vichy : la presse critique la façon dont l'homme gère ses affaires, et il se murmure bien vite que Bernard Natan n'est autre qu'un odieux pornographe. On devine sa silhouette ou son visage dans des films érotiques, on dénonce la mainmise des juifs dans le cinéma français. En 1935 c'est la banqueroute. Bernard Natan, que la presse désigne comme le juif ayant ruiné l'entreprise française, est condamné pour escroquerie. Emprisonné en 1939, puis déchu de la nationalité française en 1942, il sera libéré puis, étant apatride, envoyé au camp de Drancy. Le 23 Septembre 1942, Natan est livré aux forces allemandes par les autorités françaises et, finalement interné à Auschwitz, il meurt en 1943. La haine ne s'arrête pas là puisque deux procès posthumes sont menés, aboutissant à une condamnation par contumace. Natan, l'histoire effacée d'un génie du cinéma a le mérite de rendre honneur à cette figure oubliée de l'histoire du cinéma qui fut surtout victime de notre histoire politique. Un récit glaçant.