Deathgasm (Quand AC/DC rencontre Peter Jackson !)

Par Olivier Walmacq

Genre : comédie, horreur, gore, trash (interdit aux - 18 ans)
Année : 2015
Durée : 1h22

Synopsis : Deux geeks chevelus et désoeuvrés se morfondent dans leur bled paumé. Ayant en commun la passion du heavy metal, ils décident alors de monter un groupe. Un jour, ils mettent la main sur une partition qui, c'est certain, va leur permettre d'accéder à la notoriété. Léger problème : cette partition représente le signal imminent pour les forces du mal de prendre possession du monde des humains. Dès les premières notes jouées, l'enfer se déchaîne sur la petite ville tranquille. 

La critique :

On peut légitimement estimer la naissance du film d'horreur moderne aux années 1950. Cette décennie fut dominée par les classiques anglais de la production Hammer où régnèrent en maîtres les immenses Christopher Lee et Peter Cushing. Les années 1960 virent débarquer l'épouvante gothique à l'italienne, les années 1970 assistèrent à l'invasion de zombies affamés sur les écrans et les années 1980 donnèrent naissance aux slashers. Cette décennie 1980 touchait à sa fin et le cinéma d'horreur ronronnait gentiment entre pépites jouissives (Evil Dead, Re-Animator) et navets indigestes (la liste est longue). Et puis Dieu créa... Peter Jackson ! En 1987, le néo-zélandais, tout juste sorti de ses études, balançait Bad Taste sur les écrans. Une loufoquerie ultra gore tournée avec trois potes et concoctée avec deux bouts de ficelle. Le Fun Gore est né. Cinq ans plus tard, Jackson portait le genre à son apogée avec l'irrésistible Braindead, longtemps considéré comme le film le plus sanglant jamais réalisé.
Après une décennie d'accalmie et depuis 2004 avec la sortie de Shaun of the Dead, les comédies d'horreur ne cessent de se multiplier, au point d'être devenues un genre cinématographique à part entière.

Ce petit préambule pour vous présenter Deathgasm, le dernier rejeton en date de la catégorie. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce film constitue une sacrée révélation. Ca déchire grave ! Pour son premier film, le réalisateur Jason Lei Howden frappe fort. Très fort. Rien d'étonnant d'ailleurs, puisque le lascar a sévi en tant que concepteur des effets spéciaux de Prometheus et The Hobbit de Peter Jakson. Tiens, tiens... Au contact du maître, l'élève se sent pousser des aspirations à la mise en scène. 
Son genre, c'est l'horreur. La vraie, la dure, celle qui éclabousse l'écran tout comme Jackson à ses débuts. Il se lance donc dans l'aventure d'un premier film qui sera clairement inspiré par les premières oeuvres du grand Peter qui, lui, a abandonné le genre depuis longtemps pour emprunter la voie royale de Hollywood avec à la clé, des succès planétaires (King Kong, la trilogie du Seigneur des Anneaux). Frappé d'une incompréhensible interdiction aux moins de 18 ans, Deathgasm ne put bénéficier d'une sortie en salles et se retrouva directement projeté à la case vidéo, d'où son relatif anonymat.

Mais nul doute que ce film complètement barge sera appelé à devenir culte dans les prochaines années. Le casting réunit Milo Cawthorne, James Blake et Kimberly Crossman, de jeunes acteurs encore inconnus mais qui devraient très vite faire parler d'eux. Attention, SPOILERS ! Parce que sa mère tapinait sur les autoroutes, Brodie est placé chez son oncle et sa tante, des cathos coincés qui habitent un bled paumé où il ne se passe jamais rien. Mal dans sa peau, le jeune homme n'a que le heavy metal pour seule passion et rêve de devenir une star. Brimé par ses camarades, maltraité par son propre cousin, il convoite sans illusion Medina, la plus jolie fille du lycée.
Mais sa morne existence va soudain basculer lorsqu'il rencontre Zakk, un bad boy lui aussi féru de hard rock. Les deux adolescents décident aussitôt de monter un groupe, qu'ils baptisent "Deathgasm", contraction de death (mort) et orgasm (pas besoin de traduction). Avec Dion et Giles, deux autres losers maladroits, ils tentent de composer mais l'inspiration n'arrive toujours pas.

Zakk et Brodie ont alors l'idée de s'introduire par effraction chez Ricky Daggers, une ancienne gloire du metal, à présent loqueteux et oublié de tous. Là, ils tombent sur une étrange partition dont le titre est écrit en latin. Ils ignorent qu'ils viennent de mettre la main sur "La Marche Funèbre", un hymne satanique voué à préparer l'avènement du puissant démon Elot sur Terre. Aux premières notes jouées dans leur garage, les quatre membres du groupe s'aperçoivent que tous les habitants de la ville, possédés par un mal étrange, se sont transformés en créatures sanguinaires.
Armés de leur très relatif courage et de leurs guitares électriques, Zakk et Brodie vont devoir combattre toute la nuit à la fois les forces de l'enfer et une secte adepte d'Elot, afin d'éviter une apocalypse devenue imminente... Deathgasm se divise en deux parties bien distinctes. La première, qui s'inscrit clairement dans le registre de la comédie, prend le temps de nous présenter les principaux protagonistes. Ados attardés et libidineux, ils ne se différencient guère de ceux qui sévissent dans les innombrables comédies américaines potaches pour pubères boutonneux.

Mais là s'arrête la comparaison. Le générique d'ouverture est génial d'inventivité, la mise en scène est punchy. Quant à la bande originale, inutile de préciser qu'elle déménage puisque le hard rock est omniprésent. Et c'est là l'originalité de ce film, son thème, le heavy metal. Très rarement abordé au cinéma, ce sujet apporte un plus indéniable à une mise en scène déjà survoltée. Le réalisateur connaît bien cet univers si particulier et maîtrise vraiment son sujet.
Ainsi, il emploie les codes spécifiques, qu'ils soient gestuels ou linguistiques, au monde des "métaleux". Cela pourra peut-être déstabiliser les spectateurs non avisés du genre. La seconde partie du film tourne au carnage organisé et à la boucherie en règle. Deathgasm bascule dans le gore le plus trash. Bien sûr, l'humour reste toujours présent mais il se fait plus noir, plus morbide. Au menu des réjouissances, Jason Lei Howden n'hésite pas à nous en mettre plein la vue : décapitations à la chaîne, crâne fendu à la hache, découpage de corps à la tronçonneuse, défonçage de mâchoire à l'aide d'un sex-toy (!) et de la tripaille volant dans tous les sens.

Du politiquement incorrect également au programme avec un plan (très furtif) sur un vrai pénis dont le moulage en latex finira éparpillé façon puzzle par une débroussailleuse dans un geyser sanguinolent. A ce niveau, nous sommes beaucoup plus proches des films d'Olaf Ittenbach que de Shaun of the Dead ! Le réalisateur a tenu spécialement à ne pas employer le numérique pour les effets spéciaux (remarquables). Ce sont donc des moulages en latex "à l'ancienne" qui composent l'essentiel des horreurs présentées à l'écran. Revenons un instant sur cette inexplicable interdiction du film aux moins de 18 ans.
Si elle est clairement affichée sur les sites commerciaux Amazon et Priceminister, elle n'est nullement mentionnée sur Allo Ciné. Quand à Wikipédia, Deathgasm n'y bénéficie pas encore de son article en français. Evidemment, le film est excessivement gore, mais cette interdiction me paraît tout de même très exagérée, d'autant plus qu'une telle oeuvre devrait s'adresser en priorité à un (relatif) jeune public tant elle dégage une énergie communicative. Alors tenons-nous enfin le nouveau Braindead ?
La réponse est non. En dépit de toutes ses qualités, le film de Jason Lei Howden demeure sans conteste moins gore et moins déjanté que celui de Peter Jackson. Il ne parvient pas non plus à nous emporter dans la furia dévastatrice comme son prédécesseur avait pu le faire. Mais attention, nous sommes quand même ici en présence de la comédie la plus sanglante depuis un bon quart de siècle ! Et je ne peux que conseiller cet objet filmique jouissif et décomplexé du bulbe à tous ceux qui voudraient passer une bonne soirée de rigolade et d'hémoglobine.

Note : 15.5/20

 Inthemoodforgore