Genius

Par Cinealain

Date de sortie 27 juillet 2016


Réalisé par Michael Grandage


Avec Colin Firth, Jude Law, Nicole Kidman,

Guy Pearce, Dominic West, Laura Linney, Vanessa Kirby


Genres Biopic, Drame


Production Britannique et Américaine

Synopsis

Écrivain à la personnalité hors du commun, Thomas Wolfe (Jude Law) est révélé par le grand éditeur Maxwell Perkins (Colin Firth), qui a découvert F. Scott Fitzgerald (Guy Pearce) et Ernest Hemingway (Dominic West). Thomas Wolfe ne tarde pas à connaître la célébrité, séduisant les critiques grâce à son talent littéraire fulgurant.
Malgré leurs différences, l'auteur et son éditeur nouent une amitié profonde, complexe et tendre, qui marquera leur vie à jamais.

 Colin Firth et Jude Law

La véritable histoire.

Né à New York en 1884, William Maxwell Evarts Perkins a grandi à Plainfield, dans l’État du New Jersey. Il a étudié l’économie à Harvard, puis a travaillé comme journaliste pour le New York Times avant d’intégrer Charles Scribner’s Sons – prestigieuse maison d’édition qui existe encore aujourd’hui.


Marié à la dramaturge Louise Saunders, avec qui il a eu cinq filles, il était très attaché à sa famille. À l’époque où Perkins a été engagé chez Scribner’s, l’entreprise était déjà réputée, publiant les ouvrages majeurs d’auteurs comme Henry James et Edith Wharton. Mais Perkins avait à coeur de découvrir de jeunes écrivains dont le travail était en avance sur leur temps.
En 1919, Perkins convainc ses patrons de parier sur un jeune auteur du nom de F. Scott Fitzgerald. Lorsque Scribner’s publie L’envers du paradis en 1920, il préfigure l’émergence d’une nouvelle génération d’écrivains que Perkins n’a cessé de contribuer à faire connaître.
Au cours de son passage chez Scribner’s, il a ainsi accompagné la publication des oeuvres d’Ernest Hemingway, Marjorie Kinnan Rawlings, J.P. Marquand, Erskine Caldwell, James Jones, Marguerite Young et bien d’autres encore.
Mais sa relation la plus marquante est sans doute celle qui l’a lié à un auteur de 25 ans dont le premier ouvrage compte environ 1100 pages.
Thomas Clayton Wolfe est né à Asheville, en Caroline du Nord, en 1900. Écrivain prolixe, il faisait livrer ses manuscrits chez Scribner’s dans d’imposantes caisses. Ses phrases, qui couraient sur des pages entières, et son style mélodieux et profondément autobiographique ont aussitôt suscité l’intérêt de Perkins, même s’il était conscient qu’il allait devoir batailler pour que Wolfe se conforme aux exigences des publications de l’époque.
Les deux hommes ont noué une relation profonde, collaborant sur les deux premiers romans de Wolfe (qui en a écrit quatre au total), L’ange exilé : une histoire de la vie ensevelie et Le temps et le fleuve. Leurs rapports professionnels ont duré moins d’une décennie, mais ont continué à hanter les deux hommes jusqu’à leur mort. Malgré les protestations de Perkins, Wolfe a dédié « Le temps et le fleuve » à son éditeur. "Ce livre est dédié à Maxwell Evarts Perkins, a-t-il écrit en tête de l’ouvrage. Un homme honnête et courageux qui est resté aux côtés de l’auteur de ces pages dans les périodes de désespoir et d’amertume. L’auteur espère que ce livre s’avérera digne de lui."
C’était l’un des rares témoignages de reconnaissance du travail auquel Max Perkins avait consacré sa vie. "Quand on s’intéresse à Fitzgerald, Hemingway et Wolfe à leurs débuts, on se rend compte qu’ils se sont tous les trois heurtés à des refus", indique A. Scott Berg, qui a publié la biographie la plus complète, Max Perkins : Editor of Genius en 1978, et initié l’adaptation de cette histoire pour le grand écran. "Fitzgerald, en réalité, s’était heurté à trois refus chez Scribner’s avant que Max Perkins ne le repère. Hemingway était sur le point d’être lâché par son éditeur et Thomas Wolfe n’avait essuyé que des refus. Scribner’s n’était pas intéressé par son travail. Perkins a dû dire à chacun d’eux : "Même si vous devez trouver une autre maison d’édition pour être publié, je vais vous aider »."
Le choix du titre de Berg n’est pas un hasard. D’après son origine latine, "génie" se réfère au dieu tutélaire qui préside à la destinée d’un homme. "Perkins a littéralement incarné cette fonction pour ces écrivains, reprend-il. Qui était le génie des deux ? S’agissait-il d’un éditeur de génie ou publiaitil l’oeuvre de génies ?" Perkins n’était pas un simple relecteur correcteur comme ses contemporains. Il a transformé sa fonction, en allant audelà de la seule correction des fautes d’orthographe et de grammaire. "C’est le premier dans son domaine dont on peut saluer une contribution artistique de grande importance, affirme Berg. Par ailleurs, il a su comprendre que le moment où un auteur a vraiment besoin d’un éditeur n’est pas quand son oeuvre est achevée, mais lorsqu’il se bat avec son manuscrit."
Il poursuit : "Perkins était un ami, un conseiller conjugal, et un psychiatre et il prêtait de l’argent aux écrivains. Il n’a pas rempli ces rôles uniquement pour Fitzgerald, Hemingway et Wolfe mais pour une centaine d’autres auteurs. "

Colin Firth  incarne Maxwell Perkins dans le film.

John Logan, scénariste de Genius, explique que la relation entre Perkins et Wolfe était d’autant plus forte qu’ils étaient extrêmement différents : "On n’aurait pas pu imaginer deux êtres plus dissemblables que ces deux là. Max était un éditeur propre sur lui, originaire du Nord, coincé et conservateur, alors que Thomas Wolfe était un type du Sud, totalement déchaîné. Il suffit de lire cinq pages de L’ange exilé ou du Temps et le fleuve pour ressentir la passion dans le choix de ses mots et son style. Ses romans atteignent le lecteur en plein coeur avec une force émotionnelle peu commune."


En revanche, ils avaient en commun leur goût pour l’art et la grande littérature. "Ils ont su construire une langue grâce à laquelle ils sont devenus très proches l’un de l’autre, à la fois dans leur rapport d’éditeur à écrivain et dans leurs liens d’amitié."

A. Scott Berg acquiesce : "Max Perkins avait avait besoin de Thomas Wolfe que Thomas Wolfe avait besoin de Max Perkins. Qu’est-ce qu’un éditeur comme Max Perkins sans Thomas Wolfe ? Il avait en face de lui une machine à générer des mots, de manière incontrôlée et incontrôlable. La symbiose entre ces deux hommes était magnifique."

Jude Law  incarne Thomas Wolfe

« L’esprit de ses auteurs vibrait en Perkins. Berg raconte dans son livre qu’il était issu de deux familles très différentes et qu’on aurait dit que la Première Révolution anglaise bouillonnait en lui. Les Perkins étaient extravagants, amoureux des arts, et menaient, en un sens, une vie de bohème, alors que les Evarts étaient conformistes, puritains et réservés. Quand on faisait sa connaissance, on était sans doute frappé par son allure conservatrice, mais les types comme Thomas Wolfe étaient plus sensibles à son goût pour les arts qui lui venait du côté Perkins de sa famille." note Colin Firth, qui campe l’éditeur. Il poursuit : "Wolfe avait un formidable appétit de vie et ne pensait qu’à satisfaire ses désirs. Il voyageait énormément, vivait de véritables aventures et se bagarrait dans les bars. De son côté, Perkins n’était pas un modèle de vertu – il ne condamnait pas l’attitude de Wolfe – mais il ne se comportait pas de la même manière. Il trouvait son épanouissement dans la lecture d’oeuvres comme Guerre et paix, dont il rêvait. Je crois qu’il rêvait aussi des livres de Wolfe et de ses autres auteurs."


Perkins préférait se tenir à l’écart de l’accueil enthousiaste réservé à la publication de ces oeuvres majeures et craignait à juste titre les foudres de la critique suite à la dédicace de Wolfe dans  Le temps et le fleuve. Max Perkins a toujours dit que son travail consistait seulement à mettre à disposition des lecteurs des livres brillants, signale John Logan.
Il voulait être invisible. Il s’impliquait énormément dans l’aboutissement des oeuvres, mais il désirait uniquement que résonne la voix de Thomas Wolfe – pas la sienne. Et il était en proie aux doutes qui assaillent tous les éditeurs, se demandant s’il contribuait à améliorer les ouvrages qu’il publiait ou à les dénaturer. "Je pense que pas mal d’Anglais – et sans aucun doute les gens de mon milieu – se retrouveront dans cette abnégation. Le principe, c’est que ce qu’on fait n’a de valeur que si on n’y prend pas de plaisir. D’ailleurs, Perkins a décidé d’étudier l’économie à l’université justement parce qu’il détestait ça, et je pense qu’il a un peu regretté son choix. Il pensait qu’étudier ce qu’il aimait n’était pas un gage de réussite, si bien qu’il a plutôt aidé les autres à accomplir ce qu’ils aimaient."reprend Colin Firth
L’oeuvre de Wolfe reste aussi forte aujourd’hui, bien qu’elle ne jouisse pas de la même notoriété que celle de ses contemporains, comme Fitzgerald et Hemingway : "Il faut être un véritable passionné de littérature pour connaître l’existence de Max Perkins, mais je crois bien qu’à l’heure actuelle, il en est de même de Thomas Wolfe. Il n’appartient pas à l’imaginaire collectif comme Fitzgerald ou Hemingway, mais c’est un postulat formidable pour une histoire exaltante. Non seulement la dynamique entre les deux personnages était très intéressante à explorer, mais il s’agit de deux grands hommes tout à fait méconnus." indique Jude Law qui interprète l’écrivain. La force de la relation entre Wolfe et Perkins n’était pas sans conséquences sur leur entourage.

"Pour Tom, au bout du compte, seul comptait le travail Il faisait preuve d’un égoïsme sidérant et son égoïsme a nourri sa volonté de se faire plaisir. Il est devenu totalement égocentré au détriment des autres, mais il avait le sentiment qu’il agissait ainsi pour son travail, et que c’était tout ce qui avait d’importance à ses yeux." Constate Jude Law. Outre ses parents et Perkins, l’écrivain n’était attaché qu’à Aline Bernstein, créatrice de costumes de théâtre parmi les plus réputées de son époque, avec qui il entretenait une liaison tumultueuse : "Wolfe avait de nombreuses maîtresses, mais Aline était son grand amour, sa muse et sa source d’inspiration." constate l'acteur.


"Ils étaient accros l’un à l’autre. C’était une femme impressionnante, au caractère bien trempé, passionnée par son travail et en avance sur son temps. Du coup, c’est encore plus fascinant de penser qu’elle vivait cette relation amoureuse obsessionnelle avec Thomas Wolfe." avance Nicole Kidman qui campe Aline Berstein.


"Aline était une passionaria. Quand Aline était amoureuse, elle l’était à 200%. Elle ne voulait surtout pas perdre son amour et elle se sentait menacée par la relation entre Wolfe et Perkins." souligne Berg.


La vie de famille de Perkins était, elle aussi, menacée par la tension considérable que faisaient peser la personnalité de Wolfe et son abondante production sur l’éditeur. Pour l’épouse de Perkins, Louise Saunders, elle-même écrivain dont l’oeuvre était publiée, c’était à la fois un plaisir et une épreuve de soutenir son mari dans son travail. "Louise Saunders était assez connue à son époque, mais elle est presque oubliée aujourd’hui".

"Les relations de Max avec les auteurs qu’il découvrait l’accaparaient, et si Louise était compréhensive et respectait son travail, il y avait aussi chez elle une forme de jalousie. C’était aussi une artiste qui devait rester dans l’ombre.

Elle a dû renoncer à sa propre carrière pour élever leurs enfants et laisser son mari se consacrer à son travail. La relation entre ces deux hommes était intense et les accaparait totalement. Les femmes de leur vie souffraient beaucoup de leur absence." rapporte Laura Linney qui campe le rôle.

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Mon opinion

Genius est un film bavard, unique aussi, pour mettre en images ce rapport particulier entre l'écrivain et l'éventuel éditeur.

Le scénariste John Logan, explique que la relation entre Perkins et Thomas Wolfe était d’autant plus forte qu’ils étaient extrêmement différents : "On n’aurait pas pu imaginer deux êtres plus dissemblables que ces deux là. Max était un éditeur propre sur lui, originaire du Nord, coincé et conservateur, alors que Thomas Wolfe était un type du Sud, totalement déchaîné. Il suffit de lire cinq pages de L’ange exilé ou du Temps et le fleuve pour ressentir la passion dans le choix de ses mots et son style. Ses romans atteignent le lecteur en plein cœur avec une force émotionnelle peu commune."

Avec retenue, talent et élégance Colin Firth endosse le costume de l'éditeur, qui ne se sépare jamais de son chapeau, y compris pendant les dîners en famille. La personnalité volcanique de l'écrivain permet à Jude Law de sortir du rôle de beau gosse.  Son déchaînement peut paraître excessif mais il semble correspondre à celui du Thomas Wolfe. Dans le rôle de F. Scott Fitzgerald, Guy Pearce offre un beau moment d'émotion. Les excellentes Nicole Kidman et Laura Linney, dans des rôles secondaires, n'en sont pas moins précieuses pour le récit.

La réalisation de Michael Grandage, grand metteur en scène de théâtre et d'opéra, reste très appliquée, mais avec un grand mérite, celui de donner envie de relire ou découvrir l'œuvre de ce génial écrivain. Thomas Wolfe.