[CRITIQUE] – La Chanson de l’éléphant (2014)

LaChansonDeLÉléphantAfficheRéalisé par : Charles Binamé


Avec :
 Bruce Greenwood, Xavier Dolan, Catherine Keener, Carrie-Anne Moss


Sortie :
 3 août 2016


Durée: 
1h50


Budget: /


Distributeur : 
KMBO

Synopsis :

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

À la veille de Noël, la disparition soudaine du docteur Lawrence provoque une onde de choc dans l’institution psychiatrique où il exerce. Le directeur, le docteur Green, veut éviter que la nouvelle devienne publique, car l’hôpital a été récemment au centre d’un scandale. Il entreprend alors de questionner Michael, un jeune homme en traitement qui est le dernier à avoir vu le médecin. Malgré l’avertissement de l’infirmière en chef qui connaît mieux que quiconque le patient, celui-ci entraîne Green dans un jeu psychologique qui le trouble…

3.5/5

2016 est une année chargée pour Xavier Dolan : tout juste auréolé du Grand prix du jury du 69e Festival de Cannes pour Juste la fin du monde, qui sortira dans les salles le 21 septembre prochain, le réalisateur-monteur-costumier-coiffeur-paysagiste-barman l’homme à tout faire du cinéma vient tout juste de commencer le tournage de son premier long métrage anglophone, The Death and Life of John F. Donovan. Afin de patienter un peu, vous pourrez le retrouver dès cet été en tant qu’acteur dans La Chanson de l’éléphant… Il n’est cependant pas certain que son personnage vous y semble très fréquentable, et pour cause : il est incarcéré dans un hôpital psychiatrique !

Michael Aleen (Xavier Dolan) n’est pas un patient de tout repos et compte bien le faire savoir : seul témoin à avoir aperçu le docteur Lawrence avant sa disparition à la veille de Noël, il doit être interrogé par le directeur de l’institut dans lequel il réside, le docteur Greene (Bruce Greenwood). Ce dernier s’attendait à une visite de routine et voulait faire au plus vite, vivement attendu par sa femme Olivia (Carrie-Anne Moss) à la maison. Or, Michael veut changer les règles, poser les questions et présenter ses exigences. Le mot est clair : les festivités devront attendre ! À la place, c’est à un véritable jeu verbal que se livrent les deux hommes, au cours duquel Aleen prendra plaisir à se donner en spectacle et à tester les limites du docteur. Comme il le souligne, c’est le patient qui fait attendre l’impatient ! C’est bien à cela que l’on remarque que La Chanson de l’éléphant est l’adaptation d’une pièce de théâtre (un genre littéraire qui obsède Xavier Dolan, de Tom à la ferme à Juste la fin du monde) : tout l’enjeu du film se situe dans le dialogue et dans le non-dit, dans un huis-clos nécessaire – la vérité ne doit pas quitter les murs de l’institut, si drame il y a, afin d’éviter le scandale. L’enfermement est alors obligatoire, les deux hommes ne quittant que très peu le bureau du docteur Lawrence, dont l’absence brille par sa chaise vide, bien souvent mise en évidence dans le champ de la caméra. Toute sortie de la pièce n’est alors qu’une perte de temps ; une ruse d’Aleen pour que l’on s’occupe de lui, l’oubli d’un objet nécessaire à l’avancement de l’intrigue, l’intervention de personnages extérieurs venant perturber le cours de l’interrogatoire…

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Le dialogue laisse plutôt place à une suite de monologues d’Aleen, qui mène sur de fausses pistes, usant de double-sens et d’allusions salaces pour créer le malaise. Le garçon est partagé entre l’envie qu’on le laisse tranquille et celle de vouloir continuer son petit jeu. Si le docteur Lawrence n’est toujours pas présent, ses faits et gestes animent le discours d’Aleen : c’est bien tout l’enjeu du film, qui se permet d’explorer la vie du jeune homme et ses difficiles relations passées. Pourquoi l’éléphant ? Vous le saurez, n’ayez crainte. L’animal est là en toile de fond tout au long du film, objet de fascination de la part du jeune Michael. Si la mise en scène de l’ensemble du long métrage n’a rien de bien exceptionnel, c’est bel et bien l’incroyable performance des acteurs qui nous captive dans La Chanson de l’éléphant et nous fait oublier ses petites longueurs : sur 1h50, le dialogue s’envenime quelques fois, et quelques autres évènements sentent un peu le remplissage. La structure du film aura peut-être de quoi dérouter au premier abord, enchaînant les aller-retours entre présent, passé proche et lointain, mais l’on se raccroche bien rapidement à la réalité.

Xavier Dolan impressionne une fois encore, lui que l’on n’avait pas vu incarner un personnage depuis Tom à la ferme et Miraculum. Il enchaîne avec une facilité déconcertante ses répliques et passe en un clin d’oeil d’une folie inquiétante à la compassion, d’une sincérité réelle ou fantasmatique. Son comparse Bruce Greenwood, qui incarne le docteur Greene, n’est pas en reste : l’acteur se fait imposant, et bien que soit dominé dans la parole, celui-ci ne se laisse pas ébranler. Il dégage un charisme et une stature incroyablement adaptés à son rôle de directeur de l’institut. Catherine Keener apporte une touche d’intensité dramatique à l’intrigue, son personnage ayant une très grande affection pour Michael et pour le docteur Greene

Xavier Dolan et Bruce Greenwood se disputent le rythme de La Chanson de l’éléphant : une adaptation classique, mais au casting brillant !

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