Irréprochable

Date de sortie 6 juillet 2016

Irréprochable


Réalisé par Sébastien Marnier


Avec Marina Foïs, Jérémie Elkaïm, Joséphine Japy,

Jean-Luc Vincent, Benjamin Biolay, Jeanne Rosa


Genre Thriller


Production Française

Synopsis

Depuis qu’elle a été licenciée, Constance (Marina Foïs) est dans une situation financière intenable. Quand elle apprend que l’agence immobilière où elle a débuté est en phase de recrutement, elle quitte Paris pour rejoindre la petite ville de sa jeunesse.

Mais c’est Audrey (Joséphine Japy), une jeune femme de 20 ans qui obtient la place. Le monde s’écroule pour Constance.

Dès ce moment, elle n’aura plus qu’une seule obsession : anéantir Audrey pour récupérer son poste.

Irréprochable - Marina Foïs

Après des études d’Arts Appliqués et de Cinéma, Sébastien Marnier a publié trois romans, Mimi et Qu4tre chez Fayard en 2011 et 2013 puis Une vie de petits fours chez JC Lattès en 2013.

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Il est le co-auteur de la série d’animation Salaire net et monde de brutes diffusée en 2016 sur Arte, adapté de son propre roman graphique publié chez Delcourt et du spectacle Miss Carpenter pour Marianne James.


Sébastien Marnier a réalisé trois courts métrages, Irréprochable est son premier long.

Entretien avec le réalisateur relevé dans le dossier de presse.

Comment est né ce projet ?


J’avoue que j’ai une certaine fascination pour les personnages troubles depuis que je suis enfant. Les héros de mes romans sont tous des désaxés ou des sociopathes en puissance mais toujours bien ancrés dans le réel. J’aime imaginer leur psychologie et leurs failles, j’essaie d’être le plus précis possible en les confrontant à la banalité du quotidien. C’est passionnant d’analyser leur comportement et de comprendre les moyens qu’ils se donnent pour obtenir ce qu’ils convoitent. C’est toujours très compliqué, leur grille de lecture est toujours tellement alambiquée. Je suis très touché par ces personnages dont j’aime trouver l’humanité derrière la folie et c’est à travers eux que je me sens le plus à ma place pour parler des violences du monde. En fait, Irréprochable parle de la société comme d’un naufrage collectif, mais c’est avant tout une tragédie personnelle.

Diriez-vous que Constance est une anti- héroïne en puissance ?


Irréprochable - Marina FoïsOui. Ce n’est pas un personnage aimable, mais je savais que Marina Foïs lui apporterait de la complexité, un peu de drôlerie et de violence mais surtout une profonde humanité. Constance est un monstre d’égoïsme, mais elle est aussi une femme désespérément seule. Elle fait tout pour s’en sortir, et pourtant elle ne fait qu’accumuler les ratages et les échecs.

La pression sociale et la précarité qu’elle subit - et qu’elle s’impose - la font agir de travers et en dépit du bon sens. C’est comme si elle n’avait pas les codes, qu’elle ne connaissait pas les usages et qu’elle ignorait les conventions.

Le titre du filmIrréprochable est en fait le point de vue de Constance sur elle-même...


Exactement, il n’y a rien d’ironique là- dedans. Constance est persuadée de faire bien et ne se remet pas en question. Elle n’est jamais dans la préméditation, au contraire, elle est en permanence dans l’émotion, elle est extrêmement impulsive. Quand elle se rapproche d’Audrey, quitte à s’immiscer dans sa vie de jour comme de nuit, elle le fait d’abord pour la convaincre de lâcher son poste à l’agence. Elle essaie juste de l’éloigner afin de reprendre ce qu’elle estime lui revenir de droit. Constance est une machine de guerre qui fonce droit devant elle sans se poser de questions, sans envisager les conséquences de ses actes.

Sa détermination s’exprime aussi à travers son physique et les nombreuses scènes d’en- trainement sportif qui émaillent le film...


L’investissement sportif de Constance est une sorte de métaphore de son état d’esprit. Elle fait tout à fond, jusqu’à l’absurde. Son corps doit lui aussi être "irréprochable", il est à son image : aussi sec que puissant et révèle la part de virilité de Constance.

Si Constance semble étriquée socialement, elle est en revanche très libérée sexuellement. Est-ce paradoxal pour vous ?


Irréprochable  Marina Foïs et Jérémie ElkaïmNon, Constance veut simplement jouir de la vie, elle peut paraître froide au premier abord, mais elle n’est pas frigide. Elle aime le sexe et l’assume pleinement. Sa liaison avec Gilles est un moyen d’échapper à l’ennui, à l’inverse de son histoire avec Philippe. Celui-ci incarne la stabilité, la douceur, mais il est trop sage, trop gentil, et peut-être trop simple pour Constance.

Dès la scène d’ouverture dans ce grand appartement parisien, vous jouez avec l’image de Constance à la fois iconisée et fétichisée. Comment avez-vous créé cette silhouette si particulière que Marina Foïs balade du début à la fin du film ?


Nous avons beaucoup travaillé avec Marité Coutard, la costumière du film pour que, à l’écran, la silhouette de Constance incarne ce qu’est le personnage et je voulais qu’elle soit identifiable à chaque instant. Constance n’est pas extravagante, mais elle a de la fantaisie. Sa garde-robe est binaire et néanmoins très voyante : d’un côté l’ensemble bourgeois qui relève presque du cliché avec sa jupe jaune, son faux chemisier Versace, ses escarpins vernis et ses talons de 10 centimètres et de l’autre ses fringues de jeunesse, ce legging bariolé et ce sweat rouge qui renvoient à une certaine forme de nostalgie de son adolescence, une période peut-être plus heureuse pour elle à un moment où ses rêves de grandeur étaient encore possibles. En fait, les tenues de Constance racontent à la fois ce qu’elle est et ce qu’elle rêve d’être. Ce n’est pas pour rien si au début du film, elle planque son duvet dans un sac en carton Chanel.

Irréprochable  semble être à la croisée de plusieurs genres cinématographiques ?


J’avais envie de jouer avec les codes de différents genres. Le début du récit s’inscrit dans cette tradition très française du "retour au pays", et puis tout se complique comme si un poison se répandait en contaminant le quotidien de cette petite ville de province où tout semble si normal. Le film prend alors des allures de thriller où le suspens surgit dans un contexte et des lieux des plus ordinaires. L’idée était de créer une tension à partir de choses simples et évidentes - décors, costumes, lumière, musique - qu’il fallait transcender par une grammaire cinématographique minutieusement travaillée.

Irréprochable - Joséphine Japy et Marina Foïs

Justement, quelles étaient vos références cinématographiques ?


J’ai récemment vu Foxcatcher et It follows qui m’ont beaucoup impressionné et probablement influencé. Quand Bennett Miller filme ses comédiens, on sent que tout peut basculer très rapidement et que l’explosion de violence peut survenir à n’importe quel moment. De même, David Robert Mitchell utilise toute la largeur du scope pour créer le malaise en distillant la peur dans un environnement à l’apparence plutôt calme. J’admire aussi le travail de Gus Van Sant et sa manière d’iconiser des personnages ordinaires, de les transcender dans leur quotidien. Elephant est un film inoubliable par ce qu’il raconte mais aussi pour la façon dont il le raconte, car la tragédie y est littéralement en mouvement.

Vous avez privilégié des couleurs chaudes et intenses...


L’histoire de Constance est suffisamment triste et angoissante et je ne voulais pas en rajouter avec une lumière froide ou un style trop clinique. Et puis, nous avons tourné en pleine canicule le film ne pouvait que baigner dans une lumière estivale aux couleurs chaudes, avec une grande densité lumineuse.

Vous avez fait appel au groupe Zombie Zombie pour la bande originale du film, pourquoi ce choix d’une musique aux résonances électro ?


J’avais d’abord pensé à une musique plus classique et mélodramatique, mais au fil du montage, j’ai eu envie que la musique aide à ressentir l’état de Constance et que les sonorités donnent corps à ses émotions, comme des décharges électriques. Il fallait donc quelque chose de plus viscéral, une tonalité électro qui fasse naître et vivre le malaise. Mon superviseur musical m’a proposé de montrer le film à Zombie Zombie - que je connaissais avec leurs reprises des scores de John Carpenter. Ils ont aimé ce qu’ils ont vu et ont travaillé à différents thèmes qui accompagnent tous les personnages.

Marina Foïs porte littéralement le film de la première à la dernière image. Avez- vous écrit le rôle pour elle ?


Irréprochable - Marina Foïs

Quand j’ai décidé que le personnage principal devait être une femme, j’ai tout de suite pensé à Marina. C’est une comédienne assez unique dans le paysage cinématographique français. Elle est à la fois hilarante et inquiétante, solaire et opaque. C’est une actrice de plus en plus physique qui a presque quelque chose d’animal.

C’est un aspect de sa personnalité qui transparaissait déjà dans Darling ou Polisse et j’avais envie qu’elle le travaille encore plus pour Constance qui fait le grand écart permanant entre ces différentes facettes. Comme Marina est arrivée très tôt sur le projet, nous avons pu discuter et échanger pendant plusieurs mois. Ensemble, nous avons nourri le personnage, nous lui avons trouvé sa silhouette mais aussi son phrasé et surtout l’arythmie très singulière qui le caractérise. Pendant le tournage, nous n’avons jamais cessé de sonder la personnalité de Constance, nous parlions d’elle comme de quelqu’un que nous connaissions et que nous voulions comprendre. Je crois que nous étions fascinés.

Parlez-nous des autres comédiens...


Je connais Jérémie Elkaïm depuis longtemps, je l’avais déjà dirigé pour la série Salaire net et monde de brute. Je voulais lui confier le rôle d’un gars ordinaire, terre à terre, qui soit le pote et/ou le gendre idéal. Jérémie a presque un statut de muse pour les réalisateurs et moi, je voulais qu’il aborde le personnage de Philippe par la normalité; il fallait qu’il s’oublie et qu’il se fonde dans le rôle. C’est un moment où Jérémie avait besoin de ça dans son travail et je pense qu’on ne l’a jamais vu ainsi à l’écran.


Le rôle de Gilles était l’exact opposé. C’est un personnage au corps massif, à la virilité affirmée, presque un cliché. Benjamin Biolay s’est totalement investi dans le rôle et a apporté un vrai souffle au rôle.


Irréprochable - Joséphine Japy

J’avais vu Joséphine Japy dans Respire où elle était impressionnante. Elle a une grande fraîcheur qui illumine le personnage d’Audrey. Jusque-là, elle jouait des adolescentes, c’est son premier rôle de femme à l’écran et j'ai vraiment aimé capter ce passage à l’âge adulte.

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Mon opinion

Pour son premier long-métrage, le romancier Sébastien Marnier, à la fois scénariste et réalisateur, de ce film,  dresse le portrait d'une femme étouffée dans une grande solitude, dotée d'un incroyable sans-gêne et d'un égoïsme profond.

Un triller psychologique qui laisse la tension monter jusqu'à l'étouffement. La bande-son augmente cette sensation d'asphyxie.

La réalisation est soignée, vive et parfaitement contrôlée. Les dialogues sont à l'avenant.

Une quadra, grande sportive, multiplie les échecs tant au niveau professionnel que dans sa vie personnelle. Un retour "aux sources" sera l'élément déclencheur pour une longue descente aux enfers de celle et de tous ceux qui vont la croiser.

Une rencontre dans le train de retour, paraîtra comme une brève et salutaire étape dans sa vie dévastée. Les scènes de sexe qui s'en suivront bénéficient de la remarquable photographie de Laurent Brunet.

De ces anciens et nombreux amants, dont elle se plaisait à dessiner leurs sexes, elle n'en retrouvera qu'un seul. L'excellent et touchant Jérémie Elkaïm. Le deuxième homme, Benjamin Biolay est parfait. La belle et talentueuse Joséphine Japy, confirme son talent.

Marina Foïs, de toutes les scènes, est tout simplement remarquable de bout en bout dans ce rôle démoniaque. Par de simples regards, de petits mots, ou d'attentions diverses, elle arrive à pousser le spectateur dans un certain doute.

La scène finale laisse planer la suspicion, devant la chute vertigineuse.