Carnival Of Souls (Choc émotionnel)

carnival of souls

Genre : épouvante, horreur, fantastique
Année : 1962
Durée : 1h18

Synopsis : Alors que des jeunes gens jouent à faire la course en voiture, l'automobile des filles tombe dans une rivière et les passagères se noient. Seule Mary en réchappe, profondément choquée. Comme elle se rend dans l'Utah pour jouer de l'orgue dans une petite église, elle aperçoit un fantôme au visage cadavérique. Bientôt, elle le voit partout et sent son esprit vaciller. De plus, elle est irrésistiblement attirée par un parc d'attractions désaffecté

La critique :

Herk Harvey démarre sa carrière cinématographique en tant qu'acteur au sein de la Centron Corporation. Puis, il décide de s'aguerrir derrière la caméra. Il devient alors un réalisateur essentiellement spécialisé dans les courts-métrages et les films à caractère éducatif. Puis, lors d'un voyage à Salt Lake City, le cinéaste découvre une salle de bal en plein air désaffectée. Ce lieu claustré et morbide devient alors le substrat du scénario de Carnival of Souls, sorti en 1962.
Herk Harvey souhaite réaliser un long-métrage polymorphe, entre épouvante, fantastique et horreur. Surtout, Carnival Of Souls doit s'inscrire dans une dialectique eschatologique, marquée par la mort, le deuil et la quête spirituelle. Le tournage du film dure à peine trois semaines avec un budget famélique (à peine 30 000 dollars).

Méconnu du grand public et bénéficiant d'une modeste distribution dans les salles obscures, Carnival of Souls est néanmoins diffusé dans quelques drive-in. Afin de promouvoir son film, Herk Harvey accepte à contre-coeur de réduire la durée de sa pellicule. D'un format de 91 minutes, le long-métrage est oblitéré de treize précieuses minutes. A l'époque, Carnival of Souls semble condamné à l'opprobre et à la confidentialité. Pourtant, le film est remarqué par les grands amoureux du cinéma horrifique.
Peu à peu, Carnival of Souls recueille des avis unanimement panégyriques. Mieux, le film est même remarqué et louangé par plusieurs générations de cinéastes. C'est par exemple le cas de George A. Romero, profondément touché par cette histoire macabre. Il reprendra (plus ou moins) le script de Carnival of Souls pour réaliser son tout premier long-métrage, La Nuit des Morts-Vivants (1968).

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Avec le temps, Carnival of Souls devient la nouvelle référence du film de zombies. Aujourd'hui, il est considéré, à juste titre, comme un classique du Septième Art. A savoir une oeuvre qui préfigure les films de zombies actuels. A la fin des années 1980, Candace Hilligoss, interprète principale du film, donne son accord pour tourner une suite. Mais le projet échoue et est prorogé en 1998.
Hélas, le second volet ne partage aucun point commun avec son illustre modèle. A la fois tancé par la presse et le public, la suite sort directement en vidéo. Quant à Candace Hilligoss, elle refuse de participer à ce second chapitre. Hormis l'actrice, la distribution de Carnival of Souls réunit Frances Feist, Sidney Berger, Art Ellison et Stan Levitt. Attention, SPOILERS ! Alors que des jeunes gens jouent à faire la course en voiture, l'automobile des filles tombe dans une rivière et les passagères se noient.

Seule Mary en réchappe, profondément choquée. Comme elle se rend dans l'Utah pour jouer de l'orgue dans une petite église, elle aperçoit un fantôme au visage cadavérique. Bientôt, elle le voit partout et sent son esprit vaciller. De plus, elle est irrésistiblement attirée par un parc d'attractions désaffecté. A juste titre, Carnival of Souls est souvent comparé à la série télévisée La Quatrième Dimension.
En effet, les deux métrages possèdent de nombreuses similitudes, notamment cet intérêt pour le morbide, avec ces spectres qui prennent l'apparence de morts-vivants et de cacochymes déambulant dans une société moribonde. A l'instar de The Twilight Zone, Carnival of Souls pointe déjà les prémisses de notre société hédoniste et consumériste. Certes, la vie de Mary est bouleversée par un grave accident de voiture dont elle réchappe miraculeusement (je renvoie au synopsis).

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Mais une fois de retour parmi le monde des vivants, la jeune femme découvre des paysages esseulés, des personnes cloîtrées et incapables de communiquer. C'est donc seule qu'elle doit affronter ses propres angoisses et une société pathogène. Ainsi, Carnival of Souls fonctionne comme une sorte de psychanalyse en forme d'autoscopie mentale. Herk Harvey sonde la psyché de son personnage principal.
Les yeux quasi luminescents de Mary deviennent les témoins d'un long processus de dépersonnalisation. La tension monte alors crescendo. Certes, la belle jeune femme semble encore trouver un semblant de réconfort dans une église, un lieu spirituel dans lequel elle travaille en tant qu'organiste. Elle mène cette activité avec un certain dilettantisme. Pourtant, un prêtre anonyme l'avertit. Oui, Mary est une organiste émérite et accomplie.

Mais il manque à son talent un "ingrédient" insondable : une âme. C'est probablement la thématique essentielle du film. Face à une société claustrée et en déliquescence, l'individu est condamné à perdre cette phylogenèse, soit cette relation qu'il entretient avec lui-même, son corps et son être. Peu à peu, la réalité s'assombrit. Les êtres vivants, la vie quotidienne, le simple gazouillis des oiseaux se transmutent en un silence estourbissant. Mary se confit alors dans une sorte de psychasténie irréfragable.
Désormais poursuivie par des figures maléfiques à l'aura comminatoire, elle se retrouve sur les lieux de son accident, plus précisément sur une plage en déshérence. En vérité, ce n'est pas seulement sa mort qui reste la plus effrayante, mais l'absence de toute trace de son existence. Herk Harvey opacifie son propos via de nombreuses séquences oniriques et fantasmatiques. Il nimbe sa pellicule en noir et blanc d'une ambiance anxiogène. Certes, certains contempteurs pourront tonner, à juste titre, contre le caractère un brin obsolète du film. Pourtant, Carnival of Souls possède justement cette force, plus précisément cette âme, soit justement ce supplément insaisissable qui manque terriblement au cinéma d'aujourd'hui.

Note : 15/20

sparklehorse2 Alice In Oliver