Les Poupées du Diables (Tremblez devant la vengeance de Tod Browning !)

LES-POUPEES-DU-DIABLE-copie-3

Genre : fantastique
Année : 1936
Durée : 1h18

Synopsis : Paul Lavond, un célèbre banquier, a été condamné au bagne pour un crime qu'il n'a pas commis. Après 17 années de prison, il s'évade avec Marcel, un compagnon de captivité. Avant son incarcération, ce dernier avait mis au point un sérum révolutionnaire permettant de miniaturiser les êtres vivants dans un but humanitaire. Cette invention a aussi la capacité de contrôler la volonté des individus. Les deux évadés trouvent refuge chez Marcel et celui-ci se lance aussitôt dans de nouvelles expériences. Mais il meurt subitement. Paul voit alors dans la découverte de son ami, un moyen de se venger de ses anciens associés qui l'avaient accusé à tort.

La critique :

Véritable génie précurseur du cinéma d'avant guerre, Tod Browning acquit une immense renommée internationale en 1932, lorsque sortit sur les écrans, son chef d'oeuvre incontestable : Freaks la monstrueuse parade. Ce film maudit et unique dans l'histoire du cinéma (chroniqué ici même par les soins d'Alice In Oliver) créa un tel scandale qu'il fut proscrit, banni durant 37 ans et ne put ressortir au cinéma qu'en 1969. Il est pourtant aujourd'hui considéré comme l'une des oeuvres essentielles du Septième Art. Mais réduire l'ensemble de l'oeuvre de Browning à ce seul film serait profondément injuste. Le cinéaste américain commença sa carrière en 1914 et s'arrêta de tourner en 1939.
Durant un quart de siècle de carrière, il réalisa plus d'une soixantaine de films, avec de nombreux classiques à la clé, tels que Le club des trois (avec Lon Chaney, 1925), Dracula (avec Bela Lugosi, 1931) ou encore La marque du vampire (1935). A cette filmograhie déjà conséquente, vient s'ajouter Les Poupées du Diable, son avant dernier film.

Passé maître dans l'art de retranscrire les côtés obscurs de l'âme humaine, Browning ne se contente pas de livrer un simple film fantastique. Ici, l'essence même du scénario demeure évidemment la rancoeur du personnage principal, aveuglé par sa vengeance haineuse contre ceux qui l'ont accusé à tort afin de se débarrasser d'un associé devenu trop gênant. Brillamment interprété par Lionel Barrymore, le personnage de Lavond ne cesse de péricliter moralement au fil de l'histoire.
Innocent alors qu'il s'évade de prison, l'honorable banquier se métamorphose en docteur Mabuse, volant, terrorisant et assassinant par l'entremise de ses poupées maléfiques. Le casting réunit Lionel Barrymore, Maureen O'Sullivan (l'inoubliable Jane de la série des Tarzan), Frank Lawton et Raffaela Ottiano. Attention, SPOILERS ! Paul Lavond, un célèbre banquier, a été accusé à tort d'un crime qu'il n'a pas commis par des associés arrivistes et peu scrupuleux. Après 17 années de bagne, il parvient à s'évader en compagnie de Marcel, un compagnon d'incarcération.

cr,640,450-6338c1

Savant excentrique, Marcel avait mis au point une technique de miniaturisation par l'intermédiaire d'un sérum. Cette substance permettait aussi de prendre l'entier contrôle de la volonté des individus miniaturisés. Après des semaines de cavale, les deux fugitifs se réfugient dans le repaire de Marcel, où celui-ci cache son laboratoire. Dans cette cachette, se terrent la femme de Marcel, Malita, en compagnie de sa bonne, Lachna, une étrangère déficiente mentale. Aussitôt arrivé, Marcel tente son expérience sur Lachna. Il réussit à la miniaturiser mais succombe soudain à une crise cardiaque.
C'est alors que Paul Lavond a l'idée machiavélique de s'emparer de la découverte de son ami dans le but de se venger de ses anciens associés. Aidé par Malita, il se rend à Paris déguisé et grimé en vieille femme qu'il dénomme Madame Mandelip. A Paris, les deux complices ouvrent un magasin de jouets en couverture de leurs agissements. Alors que Lavond se transforme en véritable maître du mal en lançant ses créatures à la poursuite de ses anciens associés, il se met en même temps à la recherche de Lorraine, sa fille.

Cette dernière travaille comme blanchisseuse et habite avec sa grand-mère aveugle, la propre mère de Lavond. Alors que la police resserre peu à peu son étau autour de lui, Paul Lavond toujours travesti en Mrs Mandelip, prend contact avec les deux femmes tout en cachant sa véritable identité à sa fille, qui lui voue une haine sans borne depuis que son père fut incarcéré. La police ayant découvert l'innocence de Lavond dans son ancienne affare, l'ex-banquier revient à de meilleurs sentiments et décide d'arrêter ses forfaits. De son côté, Malita devient folle et périt dans l'incendie du laboratoire secret que les deux complices dissimulaient dans l'arrière boutique de leur magasin.
Accompagné de Toto, le fiancé de Lorraine, Lavond revoit sa fille une dernière fois à la Tour Eiffel et lui cède sa fortune, tout en lui dissimulant jusqu'au bout qui il est vraiment. Depuis longtemps, Tod Browning projetait de raconter une histoire de sorcellerie, de magie et d'envoûtements. Ce sera chose faite avec Les Poupées du Diable, une oeuvre librement inspirée du roman "Brûle, sorcière, brûle", d'Abraham Meritt. Oeuvre dont le scénario fut co-signé par le grand Erich Von Stroheim lui-même.

cr,640,450-991685

Le réalisateur reprend ici le thème classique de la vengeance, présent dans nombre de ses films et notamment dans A l'Ouest de Zanzibar (1928, déjà avec Lionel Barrymore), mais en ajoutant à l'histoire une dimension fantastique. Réduits à l'état de liliputiens, les créatures de Lavond deviennent un vecteur idéal pour assouvir les pulsions morbides et vengeresses de leur créateur. Au niveau technique, on ne peut que louer la qualité des trucages (n'employons pas le terme "effets spéciaux"), remarquables pour l'époque et repris sensiblement à l'identique par Jack Arnold dans L'homme qui rétrécit, en 1957, plus de vingt ans après. Le film mêle habilement plusieurs genres. 
Si le thème du fantastique science-fictionnel est bien sûr prépondérant dans l'histoire, Browning y ajoute un soupçon de thriller et une pointe de dramaturgie. On pourrait au plus regretter une fin un peu trop conventionnelle en forme de happy end, très loin de l'épilogue désespérément sombre de La Monstrueuse Parade. Les Poupées du Diable n'est certes pas le meilleur film de Tod Browning car dans sa filmographie, rien n'égalera le sensationnel Freaks.

Il n'en reste pas moins que nous sommes ici en présence d'une oeuvre sacrément bien troussée, inventive et avant-gardiste. Au niveau de l'interprétation, Lionel Barrymore (doyen d'une famille d'acteurs réputés, dont la dernière rejeton n'est autre que Drew Barrymore, sa petite nièce) fait évidemment un grand numéro d'acteur. Près de soixante après Robin Williams, son travestissement en vieille dame est en tous points une réussite. Le comédien donne également vie à une multitude de sentiments passant tour à tour du machiavélisme à la bonté, de la cruauté à l'empathie avec une facilité déconcertante.
Maureen O'Sullivan redescend provisoirement de son arbre pour interpréter une "orpheline" de manière sensible sans verser dans le pathos. Les autres acteurs ont des rôles plus anecdotiques, mais on ne peut quand même pas passer sous silence la très bonne performance de Raffaela Ottiano, terrifiante dans le rôle de Malita, une vieille harpie dégénérée. Au final, c'est une perle du cinéma fantastique que délivre ici Tod Browning. Injustement méconnue, cette oeuvre est à redécouvrir de toute urgence pour tout cinéphile qui se respecte et pour tous les nombreux fans du mythique réalisateur américain.

Note : 16/20

tumbling doll Inthemoodforgore