Bad Timing - Enquête Sur Une Passion (Le paradoxe de la passion)

Par Olivier Walmacq

Genre : drame, policier (interdit aux - 18 ans) 
Année : 1980
Durée : 2h03

Synopsis : A Vienne, un jeune professeur en psychanalyse, éprouve une passion obsessionnelle pour une jeune femme mystérieuse qui ne peut s’assouvir car elle se refuse souvent à lui. Un soir, il appelle la police car elle a tenté de se suicider. Un jeune inspecteur de police essaie alors de reconstituer l’emploi du temps du professeur et de la jeune femme

La critique :

Le nom de Nicolas Roeg ne doit pas vous évoquer grand-chose. Pourtant, avant de s'atteler à la réalisation, Nicolas Roeg s'illustre en tant que directeur de la photographie. Il contribue au style visuel de plusieurs grands classiques du noble Septième Art, notamment Lawrence d'Arabie (David Lean, 1963), Le Docteur Jivago (David Lean, 1965), Fahrenheit 451 (François Truffaut, 1966), Loin de la foule déchaînée (John Schlesinger, 1967) et Le Masque de la mort rouge (Roger Corman, 1964).
Dès 1970, Nicolas Roeg passe enfin derrière la caméra, avec Performance, co-réalisé avec Donald Cammell. Puis, en 1973, il connaît enfin son premier succès avec Ne vous retournez pas, avant de confirmer trois ans plus tard, avec L'Homme Qui Venait D'Ailleurs.

Son style visuel et sa façon d'appréhender l'atmosphère d'un film vont influencer plusieurs générations de cinéastes, entre autres Steven Soderbergh, Tony Scott, Christopher Nolan ou encore Danny Boyle, pour ne citer que ceux-là. En 1980, Nicolas Roeg réalise un long-métrage scandale et polémique, Enquête sur une Passion, ou Bad Timing, de son titre original. A l'époque, le film est carrément interdit aux moins de 18 ans. Une interdiction totalement incompréhensible aujourd'hui.
Difficile de comprendre une telle opprobre sur ce long-métrage qui ne contient aucune séquence pornographique, juste quelques petites saynètes érotiques, guère plus. A l'heure actuelle, Enquête sur une Passion reste un métrage largement méconnu et/ou sous-estimé.

La distribution du film réunit Art Garfunkel (donc le célèbre chanteur américain du duo Simon and Garfunkel), Theresa Russell, Harvey Keitel, Denholm Elliott, Daniel Massey, Dana Gillespie et William Hootkins. Attention, SPOILERS ! (1) Vienne, 1979, au cœur de la nuit. Milena Flaherty, une jeune Américaine vivant autrefois avec un Tchécoslovaque – Stefan Vognic – et désormais installée dans la capitale autrichienne, oscille entre la vie et la mort.
La femme vient, selon toute vraisemblance, de faire une tentative de suicide aux barbituriques. C’est Alex Linden, un chercheur en psychanalyse étasunien lui aussi installé à Vienne, qui a alerté les secours et qui accompagne Milena à l’hôpital. Tandis que la suicidée – inconsciente – y fait l’objet de soins intensifs, l’inspecteur Netusil commence l’interrogatoire de Linden pour éclaircir les circonstances du drame (1).

Enquête sur une Passion... Soit une énième histoire amoureuse impossible entre un psychanalyste (Alex Linden) et une jeune femme libidineuse (Milena Flaherty). Bad Timing (encore une fois le titre original du film..) s'inscrit dans la tonalité de son époque hédoniste et condescendante. Soit la fin des années 1970 et les prémisses de la décennie 1980. Fin de la libération sexuelle.
Naguère, les femmes s'abandonnaient au désir masculin. Désormais, la dialectique s'est plus ou moins inversée. Milena Flaherty préfigure parfaitement la femme moderne, celle conçue par les soins d'une société égotiste, féminisée et capitaliste. Le personnage interprété par Theresa Russell symbolise ce personnage érotomane qui se joue des hommes et profite de leurs nombreuses faiblesses.

Ainsi, au détour d'un scénario alambiqué et fuligineux, Nicolas Roeg nous convie en plein paradoxe de la passion, donc dans un étonnant jeu de pouvoir, enchevêtré à la fois par le désir, les regards, les silences, les sérénades et cette volonté de possession. Toutefois, attention, Enquête sur une passion n'est pas seulement une histoire d'amour. Le long-métrage oscille également vers le registre du policier, à l'image de cette enquête parallèle (d'où le titre du film) menée par un flic opiniâtre.
Dès lors, Nicolas Roeg se focalise sur les comportements de ses différents protagonistes, pas seulement sur son couple (Alex Linden et Milena Flaherty) en plein marasme, mais également sur les personnages secondaires qui les entourent. Le réalisateur se concentre sur ces histoires et ces phénomènes parallèles, parfois assez ambigus.

A travers cette histoire d'amour vouée aux gémonies, Nicolas Roeg nous décrit une Humanité en déshérence qui ne parvient plus à se comprendre ni à communiquer. Le cinéaste se joue de ses effets miroirs et de la puissance du regard de l'autre. Par certains aspects, Enquête sur une passion n'est pas sans rappeler le cinéma d'Alfred Hitchcock. Si le long-métrage se perd parfois dans des longueurs superflues et certaines redondances, il peut néanmoins s'appuyer sur d'excellents interprètes.
La triade formée par Art Garfunkel (la vraie surprise du film), Theresa Russell et Harvey Keitel fonctionne à merveille. Même remarque concernant la réalisation, à priori sans grands artifices, mais qui parvient à captiver l'attention sur la durée (plus de deux heures et cinq minutes de film tout de même). Certes, Enquête sur une passion n'est pas forcément un grand chef d'oeuvre du cinéma, mais on tient là un long-métrage injustement oublié et/ou peu cité (vous choisirez).

Note : 14/20

 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://www.dvdclassik.com/critique/enquete-sur-une-passion-roeg