Red Amnesia (Chuangru Zhe)

Date de sortie 4 mai 2016

Red Amnesia (Chuangru Zhe)


Réalisé par Wang Xiaoshuai


Avec Lü Zhong, Shi Liu, Feng Yuanzheng,

Titre original Chuangru Zhe


Genre Thriller


Production Chinoise

Synopsis

Deng (Lü Zhong), retraitée têtue, semble compenser le vide laissé par la mort de son mari par une activité de chaque instant, dévouée à organiser la vie de ses enfants et petits enfants.

Sa vie est bouleversée le jour où elle commence à recevoir de mystérieux appels anonymes et à être suivie lors de ses sorties quotidiennes…

Red Amnesia (Chuangru Zhe)


Diplômé de l’académie du cinéma de Pékin, Wang Xiaoshuai écrit et réalise son premier long métrage en 1993, The days, à l’âge de 27 ans. Très bien reçu par la critique occidentale, le film est néanmoins inscrit sur la liste noire, interdisant la distribution du film sur le territoire, par le bureau du cinéma en Chine. Ce film raconte les derniers jours d’une relation qui se détériore entre deux artistes à Pékin.
Deux ans plus tard il met en scène Frozen sous le pseudonyme
Wu Ming qui est sélectionné dans plusieurs festivals internationaux. Il y offre un regard sur le milieu artistique d’avant-garde à Pékin.
En 1995, A Vietnamese Girl est refusée par le comité de censure et il faudra trois ans de re-montage et un changement de titre pour que le film soit autorisé à une diffusion (limitée) en Chine. Il y raconte l’histoire de deux fermiers chinois qui quittent leur province pour la ville et qui tombent amoureux d’une chanteuse de night-club qu’ils ont kidnappé.
Son cinquième long métrage, Beijing Bicycle, remporte l’Ours d’argent au festival de Berlin en 2001 ainsi que le prix d’interprétation pour les deux rôles principaux.
Ses films suivants, Drifters, Shanghai Dreams, Une famille chinoise, Chongqing Blues, ont tous été sélectionnés et récompensés dans les principaux festivals internationaux.

En 2011, il réalise 11 Fleurs, première coproduction franco-chinoise.


Red Amnesia est son dixième long métrage, présenté en 2014 en compétition à la Mostra de Venise et au Festival de Toronto.

Note du réalisateur.

La genèse du projet


Depuis le décès de mon père, ma mère, âgée de 70 ans et qui vit seule, a continué à s’occuper de ses enfants et petits-enfants. La notion de repos lui est inconnue. Son quotidien me fait réfléchir au mode de vie des Chinois.


Red AmnesiaLa conscience de soi est un concept dont la génération de ma mère est totalement dépourvue. Les personnes de cette tranche d’âge ignorent leur individualité et n’ont pas conscience qu’elles pourraient vivre différemment. À partir de là, j’ai d’abord eu l’idée de faire un film sur une femme hyperactive. J’ai constaté que c’était un phénomène très répandu en Chine.

J’ai donc commencé à en explorer les causes. Les personnes aujourd’hui âgées de 70 ans ont vécu la proclamation en 1949 de la République Populaire et ont vu la Chine basculer dans le communisme. Leur éducation s’est faite au travers des différents mouvements politiques qui ont marqué notre pays et elles ont été marquées par tout cela. Elles ont subi un véritable lavage de cerveau : elles sont devenues insensibles et perçoivent parfois leur existence comme vide.

Red Amnesia témoigne de l’univers de ces personnes à travers le portrait et le destin de cette vieille dame, Deng.

Un thriller ou un film de fantômes ?


En fait, je n’avais pas l’intention de tourner un thriller ou un film d’horreur, mais de créer une atmosphère de tension dans une situation calme en surface. Dans ce film, le fantôme n’a pas la même signification que dans les films d’horreur. Il s’agit en réalité du démon au coeur de l’être, du fardeau, de la peur qui vous suit en tout lieu et à tout moment. J’ai humanisé les fantômes dans le film. Personnellement, je considère les fantômes comme des humains qui peuvent vous entendre et vous voir. Les gens ont souvent peur des intrusions dans leur vie quotidienne: ce sont des angoisses dont ma mère a également souffert.


L’amnésie collective


Red AmnesiaLes générations précédentes ont subi un lavage de cerveau et ont perdu leur conscience de soi. Mais notre génération pourrait bien être dans la même situation.

Red Amnesia porte un regard sur la génération actuelle, une génération qui oublie les souffrances vécues par la génération précédente. D’une certaine manière, nous sommes tous amnésiques…


Voilà, c’est donc un film sur la conscience collective.

Une trilogie sur le Troisième Front


Après Shangai Dreams et 11 Fleurs, j’ai voulu faire un autre film à propos du Troisième Front. Ce film devait se conjuguer au présent, vu que cette tragédie n’a en réalité jamais pris fin, contrairement à la Révolution culturelle. Dans les années 60, lorsque les relations sinorusse se dégradèrent, Mao décida de déplacer la plupart des complexes industriels et militaires originellement implantés sur les côtes et dans les provinces du Nord-Est vers les zones plus enclavées et montagneuses (principalement les province du Sichuan, Yunnan, Guizhou et Chongqing), afin de les rendre inaccessibles à l’éventuel agresseur. Des millions de travailleurs
suivirent ces usines, les villes dortoirs surgissaient en une nuit et ce fut l’un des plus grand déplacement de population du XXème siècle. En quelques années ce qu’on appela alors "Le Troisième Front" devint le fleuron de l’industrie de la République Populaire.
Ces familles entières nouvellement déplacées n’avaient que très peu de contacts avec les locaux et formaient un monde clos. Toute la famille était déplacée au Troisième Front avec son hukou, le livret chinois d’enregistrement de la population. À la fin de la Révolution culturelle, certaines familles ont tenté de rentrer chez elles. Des villes telles que Pékin et Shanghai avaient beaucoup de difficultés à soudainement accueillir et loger des millions de personnes, souvent sans emploi. C’est pourquoi seules quelques familles ont réussi, avec l’aide de proches ou d’amis, à retourner dans leur ville d’origine.
D’autres ont décidé de s’installer en périphérie des villes, d’autres encore ont choisi de rester au Troisième Front. Je pense que l’histoire de Deng s’inscrit dans la continuité de mes films précédents qui évoquent tous les dégâts que l’Histoire et ses évolutions ont causé au peuple chinois.

Responsabilité


Dans la scène finale, profondément choquée, Deng semble se demander : "Qu’est-ce qui m’est arrivé ?". Je voulais qu’elle soit consciente de sa faute, qu’elle ait l’intention de la reconnaître, de faire amende honorable et d’y remédier. C’est ce que j’attends du Parti Communiste chinois. Si nous refusons d’analyser l’Histoire, nous aurons des difficultés à bâtir notre avenir. Le désordre de la situation économique chinoise actuelle est dû au manque de reconnaissance de nos erreurs passées.

Cependant, à titre individuel, certaines personnes ont franchi ce pas et ont fait des excuses publiques. C’est par exemple le cas des enfants des pères fondateurs du pays ou de membres de la Garde Rouge tels que Chen Lu ou Song Binbin, présents avec Mao Tsé-toung sur la place Tian’anmen au début de la Révolution culturelle. Ces figures emblématiques d’une époque révolue ont décidé d’assumer leur responsabilité face à notre Histoire. Ce type d’attitude devrait être encouragée

Red Amnesia

Mon opinion

Un beau film douloureux et oppressant.

Autant d'adjectifs qui, loin d'être des bémols, démontrent avec une belle acuité la réalité de la vie d'une femme, veuve et très active, tout en étant retraitée, dans la Chine d'aujourd'hui. Le poids d'un passé, vécu sous un régime autoritaire, étouffe tout opportunité pour vivre avec l'évolution actuelle.

Wang Xiaoshuai, met en scène "un quotidien qui fait réfléchir au mode de vie des Chinois". La photographie délavée se reflète dans cette existence morne, réglée par l'habitude et sans passion aucune. Ce dernier long-métrage traite également du poids de la culpabilité, d'un certain enfermement, aussi,

De bout en bout Red Amnésia est d'une profonde tristesse.

"Les générations précédentes ont subi un lavage de cerveau et ont perdu leur conscience de soi. Mais notre génération pourrait bien être dans la même situation." déclare le réalisateur. Sa mise en scène, épurée au possible, est précise et met en valeur des visages, des silhouettes aussi, qui, tels des fantômes errent, dans certains passages, au milieu d'endroits abandonnés et tristes. Des ruines, aujourd'hui, qui ont été le décor de leur passé.

Entre hallucinations ou folie pure, vérité trop longtemps étouffée ou remords obsédants, le spectateur suit la vie de cette femme campée par une extraordinaire actrice. Lü Zhong.

Un film à voir et une comédienne à découvrir.

Un grand merci à Dasola, sans sa critique, je n'aurais pas vu ce film. (Cliquez ici)