Ecrit sur du vent

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Ecrit sur du vent » de Douglas Sirk.

« Vous mériteriez qu’on donne votre nom à un puits de pétrole ! »

Fils d'un roi du pétrole texan, Kyle Hadley a versé dans l'ivrognerie. Un jour, il tombe amoureux de Lucie Moore, que lui présente le géologue Mitch Wayne, son meilleur ami. Avec l'espoir de le guérir de son vice, Lucie accepte d'épouser Kyle, ce qui navre Mitch, également amoureux d'elle. Entre Kyle et Lucie, tout se passe bien dans un premier temps. Mais Kyle apprend par le médecin de famille qu'il ne pourra jamais avoir d'enfant. Or Lucie est enceinte. Alors qu'il la frappe violemment, un coup part et Kyle est mortellement blessé. Mitch est accusé du meurtre...

« Mon acolyte est un excentrique : il est pauvre ! Ce qui fait sa force, c’est qu’on ne peut pas l’acheter »

Après une première décennie difficile à Hollywood, durant laquelle il enchaine les films de commande dans des genres aussi différents que le western (« Taza, fils de Cochise »), le péplum (« Le signe du Païen »), le film d’aventures (« Capitaine Mystère ») ou encore le film noir (« L’homme aux lunettes d’écailles »), Douglas Sirk parvient peu à peu à imprimer sa patte avec succès dans un genre qui deviendra son genre de prédilection, à savoir, le mélodrame. Les années 50 seront ainsi probablement les plus fastes et les plus prolifiques de sa carrière. Il signe ainsi en 1953 un contrat de six films avec Universal qui lui permettra de réaliser ses plus beaux (et plus célèbres) mélos : « Le secret magnifique » (1954), « Tout ce que le ciel permet » (1955), « Ecrit sur du vent » (1956), « La ronde de l’aube » (1958), « Le temps d’aimer et le temps de mourir » (1958) et enfin « Mirage de la vie » (1959). En 1956, il réalise donc « Ecrit sur du vent », adaptation d’un roman écrit en 1945 par Robert Wilder, lui-même inspiré d’un fait divers tragique, à savoir la mort dans des circonstances mystérieuses du jeune héritier d’un magnat du tabac de Caroline du Nord suite à une sa tumultueuse relation avec une chanteuse de l’époque. Boudé par la critique mais gros succès commercial, le film sera récompensé par un Oscar (Meilleur second rôle féminin pour Dorothy Malone) et deux nominations (Robert Stack dans la catégorie meilleur acteur dans un second rôle et meilleure chanson).

« L’Amérique est une immense salle de jeu. Le seul risque pour moi c’est que je suis un joueur trop riche. »

La production cinématographique est bien souvent le reflet de son époque. Un témoignage de ce qu’était l’état d’esprit et les préoccupations de la société d’alors. Ainsi, si les films des 40’s étaient marqués par une forte consonance patriotique, le cinéma des 50’s semble avoir retrouvé une certaine légèreté : l’Amérique toute puissante a triomphé des forces de l’Axe et se retrouve plus prospère que jamais. Loin des déconvenues cubaines et vietnamiennes à venir, l’heure est donc à la glorification de du rêve américain. Un idéal de bonheur dont les symboles demeurent l’argent, la consommation et l’opulence et qui sera matérialisé au cinéma par le « Géant » de George Stevens, qui sortira quelques semaines à peine avant « Ecrit sur du vent ». Prenant, comme Stevens, les champs pétrolifères du Texas pour décors, Sirk construit un drame très théâtral basé sur un quatuor amoureux à partir duquel il dresse un portrait au vitriol de la société américaine et notamment des travers d’une aristocratie industrielle hypocrite et décadente, viscéralement rongée et moralement corrompue par le fric. A l’image des deux héritiers dépravés (totalement oisifs, Kyle est une épave alcoolique tandis que sa sœur Marylee est une nymphomane patentée) qui se croient tout permis (des virées en jets à New-York pour manger un sandwich, puis à Miami pour impressionner une femme, les voitures rutilantes...) au point de croire qu’ils peuvent acheter à leur guise les gens et leur amour tout en les maltraitant. L’exact opposé des petites gens, qui apparaissent, à l’image de Mitch et Lucie, comme des êtres purs, sincères et bienveillants. Comme souvent chez Sirk, aussi flamboyant soit-il, le mélodrame n’est donc qu’un prétexte pour se livrer à une critique sociale acerbe. Par une mise en scène extrêmement soignée et complexe, reposant en grande partie sur un habile jeu de miroirs (les personnages hors cadres qui apparaissent dans un reflet de miroir ou sur une photographie, ou encore, la dernière scène où Marylee se retrouve prisonnière de sa condition, dans la même posture que le portrait de son père qui trône derrière elle), ainsi que sur un quatuor d’acteurs formidables (Robert Stack et Dorothy Malone notamment), le cinéaste porte une fois encore un regard très critique et sans concession sur l’American Way of life. Et finit sur un constat amer et rare dans le cinéma de cette époque : non seulement l’argent ne fait pas le bonheur, mais la cupidité conduit les hommes à leur propre perte. Assurément l’un des plus grands films de Douglas Dirk.

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Le blu-ray : Le film est proposé en version originale américaine ainsi qu’en version française. Des sous-titres optionnels français sont également proposés. Côté bonus, outre des bandes-annonces et une galerie de photo, le principal bonus repose sur une présentation et une analyse du film par le critique de cinéma Jean-Pierre Dionnet (13 min.).

Edité par Elephant Films, « Ecrit sur du vent » est disponible en édition dvd ainsi qu’en combo blu-ray+dvd depuis le 3 mai 2016.

« Le signe du païen », « Mirage de la vie » et « Tout ce que le ciel permet », tous du même réalisateur, sortent simultanément dans la même collection.

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