Le Village Des Damnés - 1960 (Un mur de briques)

Par Olivier Walmacq

Genre : épouvante, science-fiction 
Année : 1960
Durée : 1h17

L'histoire : Une bourgade est victime d'un phénomène surnaturel. Quelques mois plus tard, douze têtes blondes naissent au même instant avec des intentions particuliérement hostiles

La critique :

Réalisateur britannique d'origine allemande, Wolf Rilla est surtout connu pour son film Le Village des Damnés. Son père étant d'origine juive, sa famille fuit l'Allemagne nazie dès 1934 et émigre vers la Grande-Bretagne. Dès 1953, il travaille comme scénariste et réalisateur pour le cinéma britannique. S'il participe à de nombreux films, la plupart restent assez méconnus du public.
Encore une fois, seul Le Village des Damnés marque durablement les esprits et s'exporte (si j'ose dire...) au-delà de ses frontières. Mieux, le film devient rapidement un classique du cinéma d'épouvante. Surtout, il marque l'apogée d'un nouveau genre : les enfants tueurs au cinéma. A l'origine, Le Village des Damnés est l'adaptation d'un roman, Les Coucous de Midwich, de John Wyndham.

Le long-métrage va marquer plusieurs générations de films et de cinéastes, dont John Carpenter fait partie. Bien des années plus tard, en 1995 pour être précis, le maître de l'épouvante réalisera un remake homonyme sans retrouver la fougue et l'outrecuidance du film original. En outre, Le Village des Damnés va même connaître une suite, Les Enfants des Damnés (1964), assez méconnue du grand public, et réalisée par les soins d'Anton Leader. Bien que le film date de 1960 et qu'il soit tourné en noir et blanc, force est de constater qu'il a plutôt bien traversé le poids des années.
Plus de 55 ans après sa sortie, Le Village des Damnés reste toujours autant d'actualité, à condition d'analyser les thématiques du film, ainsi que sa diatribe du nazisme, mais pas seulement. Thématiques sur lesquelles nous reviendrons.

Au moment de sa sortie, le long-métrage provoque un petit parfum de scandale de la part de certains groupes religieux. En effet, ces derniers fustigent le caractère condescendant du film et n'admettent pas que l'on puisse montrer des enfants nés sans père et d'une mère vierge. Ce qui retarde les délais de tournage et de production. Au lieu de sortir en 1957, les délais sont prorogés.
Wolf Rilla devra patienter jusqu'en 1960 pour voir enfin la production aboutir. La distribution du film réunit George Sanders, Barbara Shelley, Martin Stephens, Michael Gwynn, Laurence Naismith et Richard Warner. Attention, SPOILERS ! 
Le village de Midwich en Angleterre est le théâtre d'un phénomène mystérieux. Tous les habitants et les animaux deviennent inconscients pendant plusieurs heures ainsi que toute personne qui pénètre dans un périmètre autour du village.

Même des militaires équipés de masque à gaz s'évanouissent. La population entière se réveille au même moment sans qu'il soit possible aux autorités de trouver une explication au phénomène. Quelques mois plus tard, les douze femmes et filles du village en âge d'enfanter se retrouvent enceintes et accouchent le même jour d'enfants blonds aux yeux un peu étranges.
Ces enfants vont se révéler physiquement et intellectuellement très avancés pour leur âge, avec des dons de télépathie, mais vont manifester assez rapidement des intentions particulièrement hostiles à l'encontre de la population. Les autorités britanniques apprennent que des phénomènes identiques se sont produits dans différents endroits du monde. Autant le dire tout de suite. Le Village des Damnés n'a pas usurpé son statut de film culte et de classique du cinéma.

En outre, le long-métrage propose un scénario particulièrement ambitieux. Il peut se voir de deux manières. Au moment de sa sortie, beaucoup de contempteurs l'accusent de propagandisme et de manichéisme. Nous sommes au début des années 1960 et le film sort en pleine Guerre Froide, donc en pleine paranoïa d'une éventuellement invasion communiste. Ces enfants blondinets, doués de pouvoirs à la fois étranges et télépathiques, ne seraient que des métaphores d'un drapeau rouge (avec la faucille et le marteau...) devenu un peu trop envahissant...
Mais n'oublions pas que Wolf Rilla a vécu une enfance difficile marquée par l'émigration de sa famille en raison de ses origines juives. Avec leur tête blonde, leur regard comminatoire et leurs yeux érubescents, les jeunes bambins meurtriers rappellent davantage les jeunesse hitlériennes.

C'est une autre façon de voir le film. Surtout, leur arrivée énigmatique sur notre planète signe aussi la fin des temps et prend des allures eschatologiques. Le phénomène se répand dans d'autres communautés humaines. Autrement dit, dans les moments de crise, de guerre, de conflit et de récession économique, c'est le retour de la dictature ou alors d'une puissance irréfragable contre laquelle les populations occidentales sont totalement impuissantes et démunies.
Le Village des Damnés reste donc d'une étonnante actualité. 
Le film préfigure aussi la fin d'une civilisation. Ses enfants autocratiques et criminels ne sont les fils et les filles de personne. Pis, ils s'insurgent et se regimbent contre l'autorité parentale et choisissent de vivre en communauté. Une thématique qui inspirera probablement Les Révoltés de l'An 2000 (Narciso Ibanez Serrador, 1977). 
Seul moyen de vaincre ces enfants despotiques : l'annihilation de la pensée via une imagerie subliminale (un mur de briques), le tout se terminant dans la déflagration... Bref, Le Village des Damnés n'est pas seulement une allégorie de la Guerre Froide, de la peur du nucléaire et du retour éventuel du fascisme... Le long-métrage aborde déjà les maux de notre société consumériste : la mort du patriarche, la défaite de l'éducation parentale et une civilisation occidentale menacée d'extinction par des forces qui la dépassent. Seul petit bémol, la durée trop courte (à peine une heure et 15 minutes de bobine) du film ! Sinon, c'est un quasi sans faute pour ce grand chef d'oeuvre du cinéma d'épouvante.

Note : 19/20

 Alice In Oliver