Vers l'autre rive

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Condor Entertainment ainsi qu’à l’agence Darkstar pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « Vers l’autre rive » de Kiyoshi Kurosawa.

« La route a été longue pour venir jusqu’ici. C’est fréquent que les morts voyagent comme ça. Certains s’épuisent en chemin et décident de se poser quelque part. Jusqu’au moment où ils ne sont plus eux-mêmes et finissent à nouveau par disparaitre »

Mizuki, veuve depuis trois ans, vit seule en donnant des cours de piano aux enfants. Un soir, son mari revient à la maison. Yusuke convie la compagne à un périple à travers les villages et les rizières. A la rencontre de ceux qu’il a croisés sur sa route depuis ces trois dernières années, depuis ce moment où il s’est noyé en mer, depuis ce jour où il est mort. Pourquoi être revenu ?

« Pourquoi je suis revenu ? Parce que je t’aime ! »

Enfant de l’après-guerre, le japonais Kiyoshi Kurosawa passe son adolescence dans les salles de cinéma. Il y découvre avec régal les films américains qui envahissent alors les écrans nippons et se passionne alors pour les films d’action de Don Seagel et de Sam Peckinpah. Ce n’est qu’à l’Université qu’il découvrira les grands maîtres européens (Fellini et Visconti notamment), qui lui donneront envie de passer lui-même derrière la caméra. De façon totalement fauchée et indépendante, il réalise ainsi ses premiers films au milieu des années 70. Remarqué dans quelques festivals, il finit par signer un contrat avec la Nikkatsu. Mais après plusieurs différents avec son employeur, Kiyoshi Kurosawa est finalement mis au ban de l’industrie cinématographique japonaise, entamant ainsi une traversée du désert de près de dix années. Reconverti en professeur à l’Université de Tokyo, c’est par la télévision, où il entamera une prolifique carrière de réalisateur de téléfilms, notamment sur le thème des fantômes, qu’il reviendra sur le devant de la scène. De quoi permettre son grand retour sur grand écran, ses films étant depuis lors régulièrement séléctionnés dans les grands festivals internationaux. « Vers l’autre rive » est ainsi une adaptation d’un roman de Kazumi Yumoto. Présenté au Festival de Cannes dans la catégorie « Un certain regard », le film a remporté le Prix de la mise en scène.

« Le zéro n’est pas tout à fait zéro. Le zéro est à la base de tout. Autrement dit, la vacuité n’est pas dénuée de sens. Le vide est à l’origine de tout. »

Prolifique réalisateur, Kiyoshi Kurosawa a su développer au fils des années une filmographie variée, faite pour l’essentiel de drames sociaux (« Tokyo Sonata », « Shokuzai ») et de thrillers aux accents surnaturels et peuplés de fantômes. En cela, « Vers l’autre rive » apparait un peu comme une synthèse de ses obsessions de cinéastes. Film sur le deuil, « Vers l’autre rive » nous invite à un étrange voyage, une balade douce et triste dans laquelle les vivants endeuillés côtoient les morts en quête d’une rédemption nécessaire pour atteindre le monde des morts. Réapparaissant ainsi miraculeusement trois ans après sa mort, un homme invite sa jeune veuve à l’accompagner sur les routes de son passé afin de trouver la paix de son âme qui lui permettra de quitter ce monde. Au cours de ce voyage initiatique, ils croiseront des gens qu’il a côtoyé dans son passé de vivant : un vieux livreur de journal, un couple de restaurateurs, des villageois. Certains sont morts sans le savoir, d’autres pas. Tous ont en commun la perte d’un être cher dont ils n’ont pas réussi à faire le deuil. A l’évidence, le voyage symbolise ici le cheminement du deuil. Pour les deux héros, cette émouvante balade sera ainsi l’occasion de se pardonner (les infidélités, les incompréhensions), de se dire des choses qu’ils n’avaient pas osé se dire. En un mot, de faire la paix pour pouvoir enfin avancer. Avec beaucoup de délicatesse, le réalisateur ponctue son film de quelques très belles scènes sur le pardon (la rencontre entre la femme et la maitresse, l’une des dernières scènes où ils font l’amour pour la dernière fois), l’acceptation (lorsque l’héroïne dévoile ses secrets à son mari) ou sur la relativité de la vie (le cours donné aux villageois sur l’univers). « Vers l’autre rive » est ainsi un joli  film onirique et contemplatif, à la fois très touchant et doux-amer, dont le seul défaut  repose dans ses soupirs parfois trop étirés  et dans sa narration pas toujours fluide. Rien qui ne saurait toutefois entaché ses qualités et sa profonde beauté formelle.

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Le dvd : Le film est présenté en version originale japonaise. Des sous-titres français sont également proposés. Côté bonus, le dvd propose également une interview du réalisateur Kiyoshi Kurosawa par Olivier Père, archive du Festival de Cannes pour Arte.

Edité par Condor Entertainment, « Vers l’autre rive » est disponible en dvd depuis le 2 mars 2016.

Le site Internet de Condor Entertainment est ici. Sa page Facebook est ici.