[Critique] Visite ou Mémoires et Confessions (1982)

Par Pulpmovies @Pulpmovies

" En 1982, Manoel de Oliveira réalise, dans le plus grand secret, un film qui ne devait être visible qu'après sa mort. Visite ou Mémoires et Confessions est un film autobiographique sur sa vision de la vie, son cinéma et la demeure familiale qu'il a tant aimée; "


Manoel de Oliveira. Ce nom sera le pilier central de votre lecture. Derrière ces lettres, un réalisateur portugais que vous connaissez peut-être. Si ce n'est pas le cas, nous pouvons dire de lui qu'il fut un cinéphile très actif. En effet, durant sa vie, Manoel de Oliveira fit une trentaine de longs métrages, et on ne compte pas ses participations sur divers projets, ni le nombre de ses courts-métrages.

Mais le film dont on va vous parler maintenant est extrêmement particulier de par son contexte de sortie. En effet, Visite ou Mémoires et Confessions est une réalisation de Manoel de Oliveira, dont le tournage ne commença seulement au moment où le cinéaste fut sûr et certain que son oeuvre ne serait pas diffusée avant sa mort. Un accord fut alors passé avec la Cinémathèque Portugaise. Celle-ci devait conserver le film, sans jamais le montrer avant la mort de Manoel de Oliveira. Chose promise, chose due.


Venant en au fait. Que vaut Visite ou Mémoires et Confessions ? Nous sommes face à un cinéma très, trèèès particulier. Tout d'abord, il faut rappeler que cette réalisation met en scène Manoel de Oliveira lui-même, dans une autobiographie cinématographique. Mais peu de codes du cinéma y sont retrouvés. Techniquement, on ne sait pas comment réagir face à un tel OVNI.
Visite ou Mémoires et Confessions est séparé en deux points de vues bien distinct. Dans une partie du film, Manoel de Oliveira brise le 4e mur. Il s'adresse directement à son spectateur. Il lui narre l'histoire de sa vie. Mais à d'autres instants de la réalisation, nous suivons un duo (un couple?) formé d'un homme et d'une femme, dans la demeure de Manoel de Oliveira. Ces deux procédés ne se complètent pas vraiment. On comprend les intentions de chacun d'entre eux pris séparément, mais ensemble, le rapport est difficile. L'un n'apporte rien à l'autre, et vice-versa.
Visite ou Mémoires et Confessions a été tourné en 1982. Il ne sort que cette année en salle, soit 34 ans après sa finalisation. Oui, c'est beaucoup, c'est long. Mais Manoel de Oliveira a vécu jusqu'à 106 ans, une surprise de la vie à laquelle lui-même ne s'attendait pas. Entre 1982 et sa mort, le réalisateur fit de nombreux autres films, qui pour la plupart, furent de lui un grand nom du cinéma hispanophone. Clairement, Visite ou Mémoires et Confessions est le dernier film de Manoel de Oliveira sorti en salle, mais il n'est pas le dernier qu'il a réalisé.


Lorsque nous entrons et découvrons la maison à l'instar du fameux couple, les techniques de réalisation sont tout à fait surprenante. Caméra à l'épaule, Manoel de Oliveira se balade chez lui. On entend ces pas, on voit son reflet s'il passe devant une vitre ou on peut aussi entendre des bruits de respiration, sans que cela ne soit rattrapé au montage. C'est très surprenant d'assister à cela alors que le film se base en partie sur un récit fictionnel.

Ces étranges procédés nous perturbent mais nous fascinent. Notre attention est retenue grâce à cela. En effet, qu'il s'agisse de la partie où on découvre la maison, ou les séquences où Manoel de Oliveira s'adresse aux spectateurs, rien n'est réellement passionnant. Le réalisateur nous parle de plusieurs choses qui lui tiennent à coeur. Sa femme, sa maison, son combat, ... l'homme nous fait même part de son passage en prison puisqu'il était politiquement trop engagé, à une période où il ne le fallait pas. Donné de sa propre voix, il est intéressant d'entendre la vie de Manoel de Oliveira et ces avis sur certaines choses, sur certains aspects de la société dans laquelle il a vécu, de son point de vue dithyrambique sur les femmes, en particulier sa femme à lui, mais ... et alors ? On ne trouve pas vraiment d'objectif au film. L'intention du réalisateur était peut-être neutre. Voulait-il peut-être se confier face caméra, enjolivant la forme de son discours via un point de vue externe en parallèle de son récit...

Cette étrange réalisation ne plaira surement pas à tout le monde. Il faut être très curieux, passionné ou au moins connaisseur de Manoel de Oliveira pour se pencher sur ce long métrage assez long à gober malgré ses 1h10.

Visite ou Mémoires et Confessions nous laisse perplexe. Intéressant mais sans grand objectif pour le spectateur, le film est heureusement fascinant par ses codes cinématographiques déstructurés.