L’Oeil de Moscou – Remember

Sortie le 23 mars 2016 Réalisation : Atom Egoyan Durée : 1h35

Avec : Christopher Plummer, Martin Landau, Dean Norris, Bruno Ganz, Henry Czerny...

Production : Serendipity Point Films, Distant Horizon, Detalle Films, Egoli Tossell Film

Distribution (France) : ARP Selection

L'union parfaite entre le Glock et la carte vermeille

Lorsque la sortie du travail concorde magiquement avec le début d'une séance de cinéma : c'est un signe. Et lorsque l'on est face à un signe il n'y a qu'une marche à suivre : y aller, que l'on sache de quoi il s'agit ou pas.

Zev (Christopher Plummer) a 85 ans et perd encore plus la tête depuis qu'il a perdu sa femme. Pensant pouvoir vivre ses dernières années dans la confusion de la démence sénile, son ami Max (Martin Landau) vient lui rappeler qu'il a une mission qu'il ne peut oublier : tuer le dernier tortionnaire vivant du bloc d'Auschwitz dont ils sont les uniques survivants. C'est carte vermeille dans la poche et Glock à la main que Zev va parcourir l'Amérique avec sa mémoire qui se fait la malle pour tenter de retrouver Rudy Kurlander, alias Otto Wallisch, alias le nazi à qui il va faire la peau.

L’Oeil de Moscou – Remember

Remember est un film étonnant et sans prétentions qui allie nos deux talons d'Achille cinématographiques : les histoires en rapport avec la Shoah et les celles de petits vieux livrés à aux mêmes (nous avons encore beaucoup de mal à regarder les crimes de l'humanité et la solitude sénile dans les yeux).

Avec sa mise-en-scène simple et ingénieuse, le film réussit à nous livrer une heure trente cinq sous haute tension mêlant humour, émotion et suspens. Grâce à une multitude de détails insérés avec dextérité, Remember aborde finement le thème de l'Holocauste via le souvenir, sans jamais montrer d'images de camps ou autres séquences presque toujours présentes dans les films du genre. Ce processus offre une nouvelle façon de parler de l'innommable et contextualise d'une certaine manière le devoir de mémoire au travers de celle d'un survivant qui a du mal à se souvenir. Sans jamais amoindrir ce drame, le réalisateur n'en fait pas son sujet principal, mais une cause aux conséquences des actes de son papi dans le présent. Donnant ainsi une valeur presque réaliste à l'horreur et aux temps qui a passé depuis.

Car vous l'aurez compris, le sujet principal, et bien c'est la mémoire. Ce thème construit à lui seul absolument tout le film, autant au niveau du scénario que de la mise-en-scène. Craignant à chaque minute que Pépé Killer ne se souvienne plus, le spectateur devient l'esclave du suspens et de l'angoisse. Ce thème pose aussi la question de l'humain au travers du prisme de la mémoire. En montrant à quel point la construction d'une personnalité s'appuie sur le souvenir, le film développe, au grès des rencontres de Zev, les concepts d'évolution, de changement mais aussi de la fragilité de celui qui ne se souvient pas.

L’Oeil de Moscou – Remember

Christopher Plummer interprète à la perfection l'exterminateur de nazis du troisième âge et livre une performance aussi drôle qu'émouvante (certaines scènes pourront heurter la sensibilité cœurs grenadines qui ne supportent pas de voir un papi perdu). Du haut de son fauteuil roulant Martin Landau est impeccable dans le rôle du génie de la logistique criminel et tous les Rudy Kurlander (Bruno Ganz, Heinz Lieven, Dean Norris, Jürgen Prochnow) incarnent parfaitement leur vraie ou fausse identité. Sans oublier Henry Czerny en fiston poule modèle et bien sous tous rapports.

Ainsi on pourrait qualifier Remember de film efficace. Avec un début, un milieu, une fin et un twist final (jetez nous la pierre si vous l'aviez vu venir), le dernier Egoyan vous fera sortir de la séance cinématographiquement bien aise. Ce film est un pur divertissement intelligent qui ne cherche pas à changer la face du monde mais humblement à vous faire passer un bon moment.

L'avis de Bizard Bizard : allez-y au grand galop.

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