TIGRE ET DRAGON 2 : Dragon docile ★☆☆☆☆

Seize ans après le célèbre film d’Ang Lee, Yuen Woo-Ping reprend le flambeau de Tigre et Dragon.

TIGREETDRAGON

En 2000, le succès phénoménal de Tigre et Dragon faisait naître chez les spectateurs occidentaux un intérêt pour le wu xia pian (film de sabre chinois), un genre cinématographique extrêmement populaire en Asie et malheureusement trop peu considéré chez nous encore aujourd’hui. En effet, le film d’Ang Lee fit office de pont entre la Chine et l’Occident pour ouvrir cette culture à un public peu familier de ses codes. En alliant le film d’arts martiaux à une structure de tragédie shakespearienne, le long-métrage parvint à séduire tous les publics, allant même jusqu’à remporter quatres Oscars. Au même titre que Matrix ou Kill Bill, Tigre et Dragon a énormément contribué à la reconnaissance de ce genre en Occident. Toutefois, la concession est-elle pour autant le meilleur moyen pour faire découvrir cette culture ? Autrement dit, le wu xia pian doit-il nécessairement se plier aux attentes du public occidental pour lui plaire ? Pour des cinéastes tels que Tsui Hark, il est clair que non, pour lesquels cette stratégie de co-production internationale ne fait que diluer l’identité du genre dans des standards occidentaux, là où ce-dernier devrait s’inscrire dans une tradition du patrimoine culturel chinois. Quoi qu’il en soit, c’est maintenant au tour de Netflix de retenter le coup avec derrière la caméra le grand Yuen Woo-Ping, qui avait déjà chorégraphié les combats du premier opus. Alors, bonne ou mauvaise idée ?

Si ouvrir la culture Wuxia à l’Occident est une intention tout à fait louable, qu’en est-il lorsque celle-ci ne sert que de prétexte à une œuvre formatée et purement commerciale ? Il n’est absolument plus question ici de bâtir un pont entre deux cultures, mais de déguiser sous le vernis folklorique du film d’arts martiaux des codes et des schémas qui correspondent aux séries actuelles. Ainsi, à contrario du film d’Ang LeeTigre et Dragon 2 ne dialogue plus du tout avec la tradition des grands wu xia pian mais avec les codes télévisuels de son temps. Qu’il s’agisse de la mise en scène, totalement plate et impersonnelle, ou de la narration construite comme un pilote de (mauvaise) série télé, tout ici n’est pensé qu’à l’aune du regard d’un jeune public occidental qui ne souhaite surtout pas être bousculé. Ce n’est donc pas étonnant de retrouver l’américain John Fusco à l’écriture, déjà scénariste de la série Marco Polo produite par Netflix, et dont le style schématique et sans relief témoigne du cruel manque d’ambition de ce projet. Comme l’a dit récemment Yuen Woo-Ping dans une interview, il n’a eu aucune liberté artistique sur ce projet, ce qui saute aux yeux dès les premières minutes. Le génie imprévisible du chorégraphe du Drunken Master ou Il était une fois en Chine 2 semble en effet incompatible avec ce type de format. Qui plus est, cette triste uniformisation est en totale contradiction avec l’essence même du wu xia pian, un genre libre, expérimental et en perpétuelle mutation, des films de Chang Cheh aux fresques de Tsui Hark en passant par les délires de Ching Siu-Tung.

Crouching Tiger, Hidden Dragon: Sword of Destiny

Pour parler plus précisément du film, l’intrigue se base sur le cinquième roman du célèbre cycle Tigre et Dragon de Wang Dulu et relate l’histoire de la guerrière Yu Shu Lien (toujours interprétée par la grande Michelle Yeoh), sortie de sa retraite pour empêcher Hades Dai de s’emparer de l’épée Destinée. Malgré le plaisir de retrouver l’actrice et Donnie Yen en action, le métrage se perd dans un scénario paresseux qui enchaîne les scènes anecdotiques et les allers-retours sans cohérence ni véritables enjeux dramatiques puissants. Il faut alors attendre les séquences d’action pour sortir de sa léthargie, bien que décevantes elles aussi. On a en effet connu Yuen Woo-Ping bien plus inspiré, tant dans sa mise en scène (ici trop en retrait), que dans ses chorégraphies recyclées. Mais le plus gros échec du film réside sans doute dans son incapacité à transcender sa mythologie pour toucher à des thématiques plus grandes, donnant ainsi l’impression de ne jamais savoir quelle direction prendre. Exactement comme le western ou le chambara (le film de sabre japonais), le wu xia pian est un genre mythologique, dont les récits héroïques et fantasmés servent de toile de fond à une réflexion à la fois sur le monde actuel et sur l’identité du pays. Résulte donc ici un film totalement déconnecté du monde, une série B bancale et sans ampleur qui s’oublie aussitôt vue. Pour se consoler, on vous invite à (re)découvrir les grands classiques du maître tels que Drunken Master, Iron Monkey et Taï Chi Master !

Réalisé par Yuen Woo-Ping avec Michelle Yeoh, Donnie Yen, Jason Scott Lee

Sortie le 26 février 2016 en exclusivité sur Netflix.

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