L’archetype, dispositif litteraire

Par William Potillion @scenarmag

En littérature (donc aussi pour vos scénarios), un archétype est un personnage, une situation ou une action qui semblent inscrits comme un modèle universel de la nature humaine.
Par exemple, c’est comme si nous avions en nous, de manière innée, un type de comportement similaire lorsque nous nous retrouvons dans une situation donnée et que ce type comportemental défie le temps et les cultures d’où son universalité.
L’archétype reconnu comme un symbole universel peut être un personnage, un thème, un symbole spécifique voire même un contexte (un environnement c’est-à-dire une époque et un lieu dans lesquels un événement ou une histoire prendront place).
L’archétype est une représentation commune et récurrente soit dans une culture particulière ou peut-être plus souvent dans la race humaine toute entière. C’est ainsi que de nombreuses opinions assènent que les archétypes forment la structure et la fonction même d’un travail littéraire.

Pour Carl Gustav Jung, la source de l’archétype se situe dans l’inconscient collectif de l’humanité. Cet inconscient collectif se réfère aux expériences que partagent une race ou une culture depuis ses origines. Ces expériences sont celles de l’amour, de la religion, de la mort, de la genèse (au sens large c’est-à-dire autant la cosmogonie que la naissance d’un être), du sens de la vie mais aussi de la lutte et de la survie.
Ces expériences existent dans le subconscient de chaque individu et sont recrées dans le travail littéraire ou dans n’importe quelle autre forme d’art.

Les personnages archétypaux

L’héroïne et le héros sont des personnages archétypaux dont le trait de caractère dominant est la bonté et qui combat le mal afin de restaurer l’harmonie et la justice dans la société (rétablir l’équilibre du monde autrement dit).
Beowulf, Hercules, D’artagnan en sont des exemples.

L’image de la Mère recouvre un personnage qui peut prendre différentes formes.
Il y a la bonne fée qui guide l’enfant (une illustration parlante est celle de la fée qui aide au passage de l’enfance vers la maturité lorsque la princesse devient une femme, par exemple, et que l’enfance (Rosebud) est à jamais perdue). Ainsi l’image de la mère est celle de la préceptrice, d’un mentor.
Il y a aussi la Terre-Mère, la terre nourricière qui comble les êtres émotionnellement et spirituellement. C’est le cas de Pandora et de sa population autochtone (les Na’vis) qui vit en parfaite symbiose avec son environnement.
Et il y a la marâtre qui se comporte horriblement avec les enfants qui ne sont pas les siens (souvenez-vous de Cendrillon).
Galadriel du Seigneur des Anneaux ou Glinda de Oz en sont des exemples.
La mythologie recence aussi nombre de figures de la mère dans leurs formes spécifiques : Persephone, Demeter, Hécate, la Gorgone, la Méduse.

La jeunesse innocente s’illustre dans des personnages qui sont inexpérimentés. Cette inexpérience ou innocence ouvre des possibilités à un auteur qui n’est pas obligatoirement lié à un critère d’âge lorsque le trait de caractère dominant de son personnage s’inspire de cet archétype de la jeunesse innocente. Il s’agit davantage d’un état d’esprit
Ce sont donc des personnages qui ont de nombreuses faiblesses et qui recherchent la sécurité auprès des autres (on pourrait même les qualifier de pot de colle). Ils sont d’ailleurs rarement rejetés parce qu’ils montrent une telle confiance envers autrui qu’il est difficile de leur en vouloir.
Ils servent cependant assez souvent dans les histoires de Coming of Age, c’est-à-dire du passage de l’enfance ou de l’adolescence à l’âge adulte. Nicholas Nickleby de Charles Dickens est une bonne référence mais nombre d’autres existent.


Le mentor
est très proche de la Bonne Fée. Sa tâche consiste à protéger votre héros en lui prodiguant les conseils et un entrainement avant qu’il ne se lance seul dans l’aventure. Le mentor fournit les moyens au héros pour l’aider à accomplir sa quête (une sorte d’objet magique comme l’écrit Joseph Campbell tel que le sabre laser que remet Obi Wan Kenobi à Luke).
Le mentor est en charge de la formation du héros. C’est la fonction de Gandalf ou de Merlin.

Le Doppelganger est un personnage particulier. Il est un double, un reflet maléfique d’une personnalité (généralement celle du héros). Il est l’ombre telle que l’a défini Jung. Un aspect maléfique de notre psyché que nous avons tous en nous. Mais comme nous sommes auteurs, nous personnifions cette ombre en un personnage (qui n’est pas nécessairement le méchant de l’histoire).
On retrouve le Doppelganger dans Hamlet de Shakespeare, dans le Frankenstein de Mary Shelley, dans le William Wilson d’Edgar Allan Poe ou le célèbre Hyde de Stevenson.

Belloc aussi peut être vu comme le double maléfique de Indiana Jones. Dans ce cas, il est aussi l’antagoniste.

Le bouc émissaire porte bien son nom. Il va porter le chapeau pour tout ce qui arrive de mauvais dans une histoire même s’il n’est pas responsable (surtout s’il n’est pas responsable). Effectivement, il y a des gens qui attirent les ennuis mais parce qu’ils les cherchent aussi. D’autres, auxquels l’archétype du bouc émissaire corresponds mieux, sont naturellement désignés du doigt, ils sont prédisposés à l’opprobre.
George Orwell et son roman allégorique La Ferme des Animaux nous donne à voir Boule de neige qui est un exemple manifeste de bouc émissaire.

Le méchant dont la fonction même en fait un archétype. C’est le personnage qui mettra tout en œuvre (mais vraiment tout) pour s’opposer au héros ou bien autrement dit, le méchant est le personnage que le héros doit annihiler afin d’apporter la justice en ce bas monde.
Shere Khan du Livre de la Jungle ou Long John Silver de L’Ile aux Trésors sont des exemples. Le méchant de l’histoire est celui qui est généralement désigné comme l’antagoniste du héros.

Les archétypes situationnels

Le voyage du héros consiste pour le personnage principal ou le héros a suivre un parcours, une trajectoire qui peut être d’ordre physique ou d’ordre émotionnel ou psychologique (Dramatica distingue le personnage principal du héros. Pour Dramatica, le héros est désigné lorsqu’il est à la fois protagoniste et personnage principal ce qui n’est pas le cas dans toutes les histoires).
On a donc une trajectoire qui va permettre au héros de comprendre sa personnalité ainsi que la nature du monde. Généralement, les bonnes histoires portent sur l’évolution personnelle du personnage au cours de son aventure. Quelque chose dans la personnalité du personnage va changer (généralement en mieux).
Comme exemple, nous pouvons citer Dante et La Divine Comédie ou Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift.

L’initiation ou le voyage initiatique est aussi un parcours mais cette fois véritablement initiatique. L’initiation est un rituel ou une cérémonie très commun dans de nombreuses cultures et sociétés (ainsi que dans les sociétés secrètes).
L’initiation est une étape vers l’illumination, l’accomplissement de soi en tant qu’être mature.
Les auteurs utilisent donc des expériences que va vivre le héros afin d’atteindre à cette maturité de l’âme et non seulement du corps. Cette archétype situationnel se retrouve dans le Candide de Voltaire par exemple. C’est aussi un motif récurrent des contes de fées.

Le bien contre le mal est un motif archétypal très répandu. C’est un choc de forces contraires entre celles qui œuvrent pour le bien et celles qui sont versées dans le mal.
Au Cœur des Ténèbres de Joseph Conrad ou Le Roi Lear de Shakespeare fonctionnent sur cet archétype situationnel.

La chute est une situation archétypale où un personnage tombe en disgrâce, perd sa popularité, atteint les tréfonds les plus obscurs de son être.  On ne peut évidemment s’empêcher de penser aux anges déchus. Gardez à l’esprit que le motif de la chute s’inscrit comme une conséquence des actes du personnage et non comme un sale tour du destin semblant s’acharner sur le personnage. Dans ce dernier cas, il ne s’agit de l’archétype de la chute.
Œdipe Roi de Sophocle est un modèle du genre qualifié d’ironie tragique.

La fonction de l’archétype

L’universalité de l’archétype permet une acceptation plus aisée du personnage par le lecteur. Ce dernier reconnaît en l’archétype (personnages et situations) des éléments de son contexte culturel et social.
Cela permet ainsi une meilleure identification. En utilisant les archétypes (du moins les plus galvaudés), l’auteur tente de conférer un réalisme à ses travaux d’écriture car les situations et les personnages sont tirés des expériences (donc de choses sensibles) du monde.