Du 22 au 30 janvier 2016, le festival Les inattendus

Par Journal Cinéphile Lyonnais @journalcinephil

En 2016, du 22 au 30 janvier aura lieu la 10ème édition du festival « Les Inattendus ». Découvrez ce festival consacré aux films hors-normes, créés le plus souvent en dehors des circuits de production commerciale, dans lesquels la dimension expérimentale prime… qu’elle s’inscrive dans une forme documentaire, plastique ou narrative.

Ce qui fait la force du Festival Les Inattendus, c’est sa capacité à programmer des objets filmiques originaux, divers et novateurs, qui se passent de standards imposés : bref des films… inattendus !
L’une des caractéristique essentielle du Festival Les Inattendus est l’échange, à travers les rapports entre les spectateurs, mais aussi et surtout à travers l’échange avec les réalisateurs, qui nourrissent et complètent la vision des films.

L’équipe du festival a conçu cette 10ème édition comme un panorama de créations audacieuses, interrogeant tout à la fois notre rapport au monde et à sa représentation mais présentant aussi une véritable réflexion sur le médium cinématographique.

Aussi en plus de la sélection, trois programmes spéciaux feront dialoguer trois univers :

  • celui du grand cinéaste du patrimoine espagnol, José Val del Omar, qui a sans cesse repoussé les limites de l’outil cinématographique pour en éprouver toute la force poétique ;
  • celui des films contemporains expérimentaux indiens, le cinéma Prayoga, qui interrogent les traditions culturelles, philosophiques et religieuses à la lumière d’une pratique filmique innovante et décomplexée;
  • Et enfin l’univers des films de fiction explorant divers territoires mythologiques dans un programme intitulé « Aspects du mythe ».

Le programme détaillé : ici

La sélection

Cette année, l’équipe du festival a reçu 600 films provenant d’une quarantaine de pays, 90 films de 27 nationalités différentes sont sélectionnés. Seront présentés des films tournés en pellicule (35mm, 16mm, super 8), en numérique ou utilisant des images récupérées (archives, films trouvés, internet). Nous pourrons découvrir les  derniers travaux de cinéastes fidèles au festival  (Pierre Merejkowsky, Muriel Montini…), ceux de réalisateurs présents lors des dernières éditions  (Toby Tatum, Sylvie Denet…) et aussi des films de jeunes réalisateurs et réalisatrices (Chingiz Narynov, Eva Tourrent…).

Certains artistes adoptent les nouvelles technologies pour dévoiler les beautés enfouies d’un paysage au moyen de multiples compressions numériques ( M (Madeira) de Jacques Perconte) ou au contraire se réapproprient de vieux outils pour créer les conditions d’une rencontre ( Zone Blanche de Gaëlle Cintré sur les électro-hypersensibles, fut tourné avec une caméra mécanique, tout appareillage électrique étant prohibé sur le tournage).

José Val del Omar
Dimanche 24 janvier à 18h00

José Val del Oma est un artiste espagnol né à Grenade en 1904. Sa trajectoire débute par une série de tournages « documentaires » dans les endroits reculés d’une Espagne qui tente de s’ouvrir à une certaine forme de modernité (l’analphabétisme et les inégalités sociales atteignent alors des taux démesurément élevées) via la diffusion de la science et de la technique. Comme d’autres poètes et intellectuels majeurs de sa génération, tel Federico García Lorca, Val del Omar arpente le pays pour les Missions Pédagogiques créées par la 2ème République espagnole. Il filme, photographie, écoute, enregistre, mais chez lui cette errance missionnaire semble donner lieu à un véritable échange, extrêmement fructueux, puisqu’un dialogue s’instaure entre divers éléments des cultures dites populaires, souvent orales (ces danses, rituels, chants et gestes qui formeront l’un des principaux matériaux de ses films), avec celles qui sont généralement désignées comme « savantes » ou « élevées » par opposition au « folklore ».

De cette recherche artistique émergera ce qui deviendra plus tard son œuvre majeure, un « triptyque élémentaire d’Espagne » réunissant trois films réalisés à plusieurs années voire décennies d’intervalle et qui sont Aguaespejo Granadino (Miroir d’eau grenadin, 1953-55), Fuego en Castilla (Feu en Castille, 1958-60) et De Barro ou Acariño galáico (De boue ou Amour galicien, tourné en 1961, repris en 81-82, reconstitué après sa mort en 1995).

La programmation sera composée notamment des trois films du triptyque élémentaire ainsi que de Estampas 1932 sur les missions pédagogiques de l’Espagne républicaine. La séance sera accompagnée par Gonzalo Sáenz de Buruaga responsable de la diffusion de l’œuvre de  José Val del Omar et Elena Duque auteur du livre « Val del Omar. Más allá de la órbita terrestre« .

Estampas 1932, 1932, num, 11

Estampas 1932 est une oeuvre collective qui reflète le travail des Missions Pédagogiques, qui pendant les années de la Deuxième République Espagnole ont porté la culture jusqu’aux coins les plus reculés d’Espagne. Val del Omar s’est beaucoup impliqué dans ce projet. C’est certainement une expérience essentielle et fondatrice pour son oeuvre et sa pensée.

Acariño galaico (De barro) / Amour galicien (De boue), 1962, num, 22’

Documentaire avant-gardiste qui trouve son inspiration dans la boue comme élément de fusion entre la terre et l’eau. Le sculpteur galicien Arturo Baltar est recouvert de boue, à la manière d’une sculpture. Images symboliques de rituels religieux, de nature et de prémonitions, fruits du surréalisme. Finalement quelqu’un déclare : « Guerre au ciel et à la terre ».

Aguaespejo

Fuego en Castilla Feu en Castille, 1960, num, 18’

Les « pasos » de la Semaine Sainte et l’imagerie de Castille sculptés par Alonso Berruguete et Juan de Juní réinterprétés grâce à des techniques visuelles spécifiques. Un son minimaliste avec parfois des bruits d’orage, de coups de feu, de bombes, de chocs et de pas, intercalés au milieu de chants religieux. Contrastes des statues inertes avec leurs ombres projetées sur le linceul du Christ suivant les variations de la lumière ou le mouvement de l’eau qui court près de la statue.

Aguaespejo granadino / Eau-miroir de Grenade, 1955, num, 21’

Projet d’avant-guerre qui a été repris en 1953 et qui, malgré sa durée de 21 minutes seulement, ne sera pas terminé avant 1955. Selon les mots de Val del Omar lui-même : « court essai audiovisuel de plastique lyrique »… « mathématiques de dieu, celui qui donne le plus… possède plus ! ». Un parcours poétique mêlant paysages et habitants de Grenade. Un courant poétique de lumières, d’ombres et d’eau.

Cinéma indien hors-norme Prayoga

Loin des strasses de Bollywood ou du réalisme social de la nouvelle vague indienne, le cinéma Prayoga puise ses influences dans la philosophie indienne et son imaginaire culturel. Pour autant, il n’est pas traditionaliste, bien au contraire,

Ce programme sera constitué de films de deux artistes emblématiques du cinéma Prayoga : Ashish Avikunthak et Shambhavi Kaul. Une séance sera dédiée à chacun d’eux.

En présence d’Amrit Gangar – historien et critique de cinéma (sous réserve) et d’Hélène Kessous — doctorante en anthropologie sociale, EHESS


LES SEANCES


Vendredi 29 janvier à 20h00: Shambhavi Kaul

Le travail filmique de Shambhavi Kaul évoque les caractères surnaturel et sciencefictionnel des non-lieux. Décrit comme la création de « zones de compression et de dispersion », son travail use des techniques de montage et de recyclage, invitant à une réaction affective tout en créant une distanciation. Elle est née à Jodhpur en Inde et travaille actuellement entre l’Inde et les Etats-Unis. Son oeuvre a été diffusée à travers le monde ( Festival International du film de Toronto, Festival du film de New-York, Festival international du film de Rotterdam, entre autres… )

Night noon, 2014, num, 11’
Night Noon met en place une atmosphère d’effroi dans la vallée de la mort à travers une série de plans étranges et érodés. Des formations géographiques et des dunes font corps avec le ciel de la nuit et les eaux mouvantes. Prenant pour point de départ Zabriskie Point, le film glisse furtivement vers le Mexique, de telle sorte que la géographie qui en émane n’est jamais très loin de notre mémoire cinématographique.

Mount song 2013, num, 8’ 21
Un courant d’air se glisse au-dessous de la porte. Il fait son chemin au travers des fissures, se révélant, s’obscurcissant, se déployant comme un nuage. Montagne, grotte, rivière, forêt, porte piégée. Une tempête se déploie. Ici, les surfaces des décors construits nous sont offertes. Mount Song est un film de found footage réalisé à partir d’images et de sons issus de films indiens, infusant aux paysages un esprit sauvage et imaginaire proche de la science-fiction.

Chitrakoot, 2012, num, 9’
Une terre, aussi ancienne et idéale que la nature, est évoquée par l’arrière-plan aux couleurs évocatrices d’une des séries télévisuelles mythologiques les plus vues dans le monde.

Des images spectaculaires resurgissent d’un temps glorieux et magique. Mais alors que la nostalgie se transforme en mélancolie, un climat d’hostilité devient le résultat inévitable.Il n’y a plus d’autres options qu’une guerre qui détruit tout et dont les traces laissées sont les dernières marques d’un passé matériel.

Place for landing, 2010, num, 6’
Un paysage familier fait de miroirs. Un enfant et son reflet s’inscrivent dans un patchwork d’ombres lunaires. La caméra procède à sa poursuite optique : l’enfant disparaît et un oiseau émerge. Le miroir implose/explose à travers l’espace. Son verre marbré indique et devient par la même un espace d’atterrissage ( a place for landing ). Après une série de fausses directions engendrées par le miroir, tout est rétabli avec l’arrivée d’un fragment de chanson.

Scene 32, 2009, num, 5’
 Scene 32 cartographie le terrain qui se situe entre un espace familier et entre les choses qui le représentent. Les champs de sel du district de Kutch sont examinés à travers la vidéo haute résolution et la captation artisanale du film 16mm pour devenir toute autre chose : ni un endroit spécifique en Inde ni sa représentation, mais un monde reconstruit fait de précipices et de ravins, de textures impalpables aux échelles insondables.


Samedi 30 janvier à 20h00, Ashish Avikunthak

Photographe, cinéaste et anthropologue, Ashish Avikunthak partage son temps entre le département d’anthropologie sociale et culturelle de l’Université de Stanford en Californie, et Calcutta où il réalise depuis 1995 la plupart de ses films. Il se passionne pour le cinéma dès l’âge de 15 ans et se dit influencé par Tarkovski et Wenders dont les œuvres lui ont transmis le désir impérieux de faire des films. Il tourne en 16mm et 35mm, s’autoproduit et tente à travers ses films, le périlleux exercice qui consiste à confronter sa propre culture indienne, ses traditions, à la culture occidentale.

Endnote

 Kalighat Fetish | Kalighat Athikatha (16mm, Couleur, 22 minutes, 1999).
Ce film traite de la dualité associée à la vénération de Kali, déesse de la ville de Calcutta. Il fouille dans les couches subliminales de la conscience, soulignant le rituel du culte de Kali.

 Endnote | Antaral (16mm, Couleur, 18 minutes, 2005).
Trois femmes se souviennent de leurs années d’école et revivent d’anciennes amitiés. Elles partagent un étrange secret qui ne nous est jamais révélé. Ce film est une version cinématographique du dramaticule de Samuel Beckett de 1967 Va et vient.

 Vakratunda Swaha (35mm, Couleur, 21 minutes, 2010).
En 1997, le dernier jour de la célébration de Ganesh, le réalisateur filme un ami en train de plonger une statue du dieu dans la mer, sur la plage de Chowpati à Bombay. Un an plus tard, cet ami s’est suicidé. Il réalise ce film douze ans après. En utilisant cette séquence comme un leitmotiv, ce film est un requiem pour un ami décédé.

Aspects du Mythe

Si on a coutume de dire que la fiction constitue un dispositif narratif tendant à nous expliquer le monde, le mythe serait alors une sorte de méta-fiction, en ce qu’il est le plus souvent le récit de la construction d’un monde. Il est alors à la fois une fiction, avec ses codes narratifs propres, et il est aussi dans le même temps un documentaire, car sa construction, voire son existence même, nous apprend énormément sur les cultures et les civilisations qui l’ont généré. Mettre en scène le mythe, c’est alors accepter cette dualité. Plus que cela, c’est même en faire un élément de mise en scène à part entière, irréductible.

Ainsi, les quatre films qui composent ce programme spécial, tous réalisés durant les cinq dernières années, proposent, chacun à leur manière, des dispositifs différents, originaux, à la charnière entre réel et fiction. Ainsi, en ancrant les mythes auxquels ils renvoient dans le réel, ils leur (re)donnent une vitalité, une modernité. En somme, ils leur rendent, avec les outils du cinéma, leur fonction originelle, celle de nous faire comprendre le monde.


LES SEANCES


Mardi 26 janvier à 18h
Lacrau de João Vladimiro Portugal, 2013, num, 92′

C’est un long mouvement, celui que doit faire ce jeune garçon qui hésite à plonger d’une falaise. Ce mouvement, c’est celui du retour au primitif, c’est-à-dire aux éléments, au temps qui s’étire un peu plus. Et c’est aussi un retour vers le mythe, ce récit de la construction du monde.

Tourné en 16mm, le film est un véritable essai visuel, évoquant plus qu’il ne dit, rendant sensible plus qu’intelligible son propos.


Mercredi 27 janvier à  18h
L’abeille de Déméter Raphaëlle Paupert-Borne France, 2014, num, 54′

A l’occasion d’un travail mené par le collectif Film Flamme à la cité des Abeilles de La Ciotat, Raphaëlle Paupert-Borne convoque le mythe de Déméter dans la cité phocéenne. Un film épique, dans tous les sens du terme, mais néanmoins sans artifice.

Le film dévoile également sa construction, jusqu’à ce que la frontière entre le mythe et le réel ne soit plus si distincte


Jeudi 28 janvier  à  18h
Amori e metamorphosi  de Yanira Yariv France, 2014, num, 88′

Dans les bois et sur les plages du Latium, se rejouent quelques unes des Métamorphoses d’Ovide. Dès lors, les histoires de ces personnages se confondent avec celles de leurs interprètes : la transformation de Jupiter en Diane, Salamachis se fondant dans le corps d’Hermaphrodite…

Une mise en miroir étonnante donnant finalement au mythe une actualité et une modernité saisissante.


Vendredi 29 janvier à 18h
Jajouka, quelque chose de bon vient vers toi Eric & Marc Hurtado France, 2012, num, 62′

Le village de Jajouka, dans le Rif marocain, est le berceau de rites millenaires, toujours vivants grâce notamment aux Maîtres Musiciens de Jajouka. C’est sur ces lieux mêmes que Marc et Eric Hurtado vont remettre en scène le mythe fondateur de cette culture, dans lequel intervient Bou-Jeloud, le Père des Peaux.

Le film (ré)active alors des gestes, des rituels,…

Informations pratiques

Le festival se tiendra du 22 au 30 Janvier 2016, à la MJC Monplaisir (25 avenue des Frères Lumières, Lyon 8eme)
Entrée libre
http://www.inattendus.com