CONTRE-CRITIQUE : STAR WARS – LE RÉVEIL DE LA FORCE : Une Force trop tranquille ! ★★★☆☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Les Cinéphiles Eclectique, Intuitive et Lunatique ont uni leur Force pour vous livrer leur sentiment mitigé concernant le dernier né de la saga Star Wars.

Il y a des films que l’on attend comme les enfants attendent Noël, et Star Wars VII fait partie de ceux-là. Le jour J, on change donc ses habitudes – à savoir arriver 15 minutes après l’horaire annoncé de la séance pour s’éviter les sempiternelles publicités – pour être là à l’heure et avoir une place de choix en salle. Une fois installé confortablement, on râle en découvrant le décompte de 14 minutes avant le début du film, puis l’on sent son cœur battre au moment où la célèbre séquence d’introduction débute. Puis le film défile, on frissonne, on rit, on pleure, on sourit et quand la séance s’achève on se demande quand sortira la suite parce qu’on vient de passer un bon moment.

A moins d’habiter dans une galaxie lointaine, très lointaine, vous avez dû entendre parler de la sortie du dernier Star Wars le 16 décembre dernier. Et même si vous ne supportez pas la licence, vous avez quand même eu le droit à votre dose de publicité vous vantant les mérites d’un BB-8 en peluche ou d’un Faucon Millenium à monter soi-même… les joies du marketing à base de millions de dollars. Bref, trêve de sarcasme, la Force s’est tellement bien réveillée que le monde entier semble avoir peur d’elle au point de sombrer dans l’idolâtrie la plus incommensurable. Chacun a été la cible, depuis presque un an, d’un battage médiatique savamment orchestré par les studios Disney, Lucasfilm et Bad Robot, les sociétés de production de Star Wars VII. A grand coups de bande-annonces, dévoilant à peine quelques images et donnant ainsi libre court aux interprétations les plus farfelues, les producteurs ont pris grands soins de préparer la sortie du film afin que les retombées économiques soient colossales, quelques soient les qualités de ce Réveil de la Force. Bienvenue dans l’industrie cinématographique dans ses pires aspects !

Ce chapitre fait suite, narrativement parlant, au Retour du Jedi, sorti en 1983. Mais dans l’ordre de production, il vient après les Episodes I, II et III, réalisés par Georges Lucas entre 1999 et 2005. Cet Episode VII est donc soumis à l’immense pression des spectateurs déçus par la trilogie de Lucas, mais également à l’impatience des fans des trois films mythiques que sont La Guerre des Etoiles, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi. Et une attente de 30 ans, ça démange ! Nous voici donc plongés dans un futur relativement proche du Retour du Jedi. Le sombre et totalitaire Premier Ordre, dirigé par Kylo Ren (Adam Driver), a de terribles desseins et réveille les mauvais souvenirs liés au côté obscur de la Force. La Résistance s’organise. Rey (Daisy Ridley), une pilleuse d’épaves de vaisseaux intergalactiques, rencontre un ancien stormtrooper, Finn (John Boyega), et sera chargée de retrouver les Résistants pour leur fournir une mystérieuse carte de la Galaxie. Ils seront aidés pour cela par un talentueux pilote, Poe Dameron (Oscar Isaac), mais aussi Han Solo (Harrison Ford) et Chewbacca (Peter Mayhew) en personne !

Difficile d’adopter un point de vue objectif sur le film, surtout lorsqu’on fait partie des dizaines de milliers de personnes attendant fébrilement le célébrissime thème musical de John Williams et l’apparition de Han Solo ! Si Le Réveil de la Force contente les aficionados, par ses nombreux clins d’œil humoristiques, ses références et les détails hommages à la trilogie originelle, force est de constater que des faiblesses persistent dans le long-métrage de J.J. Abrams. Alors qu’il semble y avoir une sorte de consensus général criant au génie et au film déjà culte, il semble important de ne pas sombrer du côté obscur de la Force en oubliant les détails qui font que, non, Star Wars VII n’est pas un film parfait. Le point pouvant notamment déranger le spectateur est le manque de définition des enjeux précis de chaque personnage. Cela se marque dès le début lorsqu’on se  retrouve directement plongé dans l’action sans réellement comprendre ce qui se passe, malgré la séquence d’introduction. Celle-ci embrouille le spectateur puisqu’elle annule ce qui avait été accompli par certains personnages lors du Retour du Jedi. En fait, c’est le manque de mise en contexte de l’histoire qui constitue le problème majeur du film. Cela empêche de comprendre comment la menace constituée par le Premier Ordre s’est construite. Il aurait été notamment intéressant qu’Abrams filme quelques scènes supplémentaires expliquant comment tous les personnages en sont arrivés là où ils en sont au début du métrage.

On attendait ensuite venant de ce talentueux réalisateur un souffle novateur et un point de vue vraiment original. Ce septième opus reste dans une zone de confort très marquée. Le scénario reste très basique et on aurait aimé une certaine prise de risque surtout quand on sait que c’est J.J. Abrams à la réalisation. La principale critique à l’encontre du scénario vient du fait qu’on ressent une sorte de « déjà-vu ». On ressort de la séance en ayant l’impression d’avoir vu un subtil mélange de La Guerre des Étoiles et du Retour du Jedi, tant les analogies avec la première trilogie de George Lucas y sont nombreuses. Planète désertique, vaisseau-planète au laser mortel et destructeur, apprenti du côté obscur de la Force opposé aux défenseurs du monde libre… Autant d’exemples qui nous rappellent de nombreux –bons – souvenirs. On espérait un renouveau, une autre forme d’affrontement, d’autres décors…  En voulant être trop fidèle, J.J. Abrams semble avoir perdu de son inventivité, dont il a pourtant fait preuve dans Super 8 et dans les deux derniers films de la franchise Star Trek. Si bien qu’en tant que spectateur, on a la sensation qu’il a fait un fan-made en essayant de moderniser et de renouveler l’histoire de base de Star Wars, sans réellement la changer.

On regrette ensuite le manque de prise de risque de la part de J.J. Abrams par rapport à l’histoire des personnages, excepté pour celle de Finn, au traitement intéressant. Cette sensation de “déjà-vu”, malgré l’existence d’analogies aux précédents épisodes (typiques de ce qui avait été fait par George Lucas dans la prélogie, mais ici inversées), peut donner au spectateur l’impression d’un « trop plein » de références, voire d’un fan-service important, qui dessert certains aspects du film. Il est relativement dommage qu’une menace plus insidieuse n’ait pas été introduite subtilement  car ici, elle est amenée de manière assez brute. Il est difficile de comprendre par ailleurs quels sont les réels objectifs du Premier Ordre.  Finalement, en sortant de la salle, on peut avoir la sensation que l’Episode VII ne nous offre pas de nouveaux éléments à explorer dans cet univers, mais plutôt une histoire qui se répète continuellement avec quelques petits changements. On peut toutefois saluer l’idée d’introduire un Stormtrooper (Finn) en tant que personnage principal, car il apporte un vent de fraîcheur dans tous ces aspects familiers au spectateur. Par moments, on a même la sensation que c’est lui le héros du film, puisque Rey, censée être le personnage central, ne prend pas de réelles décisions majeures. Elle est même traitée parfois de façon assez superficielle.

L’alternance entre action et dialogues caustiques est agréable, au service, encore une fois, d’un scénario trop prévisible… si l’on a vu les épisodes précédents ! Avec une totale ignorance de ce qui précède, Le Réveil de la Force peut s’avérer beaucoup plus intéressant et novateur, tant les thèmes « historiques » sont présents, de la saga familiale à la lutte du Bien contre le Mal, en passant par l’utilisation du sabre laser. Reste à savoir de quel côté vous vous trouvez : novices ou maîtres jedi !

On suit néanmoins les péripéties des personnages avec des yeux d’enfants, parfois réjouis ou émerveillés. On apprécie particulièrement le petit droïde BB-8 et les effets spéciaux. A l’opposé de George Lucas, se repaissant dans d’interminables et déplaisants effets spéciaux dans sa dernière trilogie, J.J. Abrams revient à une heureuse sobriété, plus proche des effets des années 80. Le rendu est bien entendu plus fluide qu’à cette époque, mais les effets numériques sont ici utilisés avec plus de parcimonie et sans présomption. La photographie, efficace et d’une belle qualité, utilise une 3D sans tape-à-l’œil. On serait même prêts à réclamer un peu plus de mouvements plongeants dans les combats spatiaux. Hormis un plan où un immense vaisseau semble sortir de l’écran, la 3D ne sert absolument à rien. Les effets de profondeurs sont souvent très peu appuyés et on a la légère impression que dans ce cas précis, elle est juste un très bon moyen d’augmenter le prix du billet.

Du côté du casting, Harrison Ford apporte, comme toujours, une touche d’humour et d’ironie bienvenue dans cette fable galactique finalement très sérieuse. C’est donc avec un immense bonheur qu’on le retrouve à l’écran, d’autant que son personnage apporte les réponses aux questions qu’on se posait depuis longtemps, trop longtemps. En plus, le duo avec Peter Mayhew n’a pas pris une ride (ni un poil !). Les nouveaux venus Daisy Ridley et John Boyega sont quant à eux à la hauteur, mais Adam Driver paraît un peu mou et gentillet par rapport à ce que devrait dégager son personnage. La voix caverneuse de Dark Vador est passée par là, et on assiste ici à une pâle copie. Peut-être aurait-il fallu, comme c’était le cas dans les Episodes IV, V et VI, qu’on découvre le plus tard possible le vrai visage du Mal. Au final, on ressort du Réveil de la Force apaisé et contenté après ces années d’attente mais avec la désagréable impression d’avoir déjà vu le film. Votre ressenti sera probablement lié à l’intimité que vous entretenez avec Star Wars. Quoiqu’il en soit, que la Force soit avec vous !

=> Voir la critique du Cinéphile Cinévore.

Réalisé par J.J. Abrams, avec Harrison Ford, John Boyega, Daisy Ridley, Peter Mayhew, Adam Driver, Oscra Isaac…

Sortie le 16 décembre 2015.