Au cinéma : «Au-delà des montagnes»

Par Masemainecinema @WilliamCinephil

Puisqu’on ne parle jamais trop souvent de petit film venant du fin fond des provinces chinoises, Au-delà des montagnes, réalisé par Jia Zhang-ke permet une jolie entrée en matière dans un cadre purement social et réaliste d’une Chine en pleine expansion ; où des personnages évolues et répondent à leurs pays. Une fresque spirituelle immense qui aurait du tenir ses promesses scénaristiques.

Synopsis : Chine, fin 1999. Tao, une jeune  fille de Fenyang est courtisée par ses deux amis d’enfance, Zang et Lianzi. Zang, propriétaire d’une station-service, se destine à un avenir prometteur tandis que Liang travaille dans une mine de charbon. Le cœur entre les deux hommes, Tao va devoir faire un choix qui scellera le reste de sa vie.

Au-delà des montagnes fait partie de ces films avec lequel le scénario impacte l’ensemble de la réalisation. C’est avant tout une grande fresque découpée en trois époques avec des thèmes et des enjeux différents. Ainsi, le film s’ouvre sur une Chine en pleine transition sociale, on constate même l’effervescence de la réussite des personnages. Ils s’engagent tous, certaines relations se créent et l’écriture sert à démontrer l’impact des choix liés aux personnages selon l’époque dans laquelle ils vivent. C’est un point de vue intéressant car nous changeons de temporalité régulièrement. Les thèmes évoluent en fonction des époques. C’est intéressant pour ce long-métrage car les personnages gagnent en maturité et deviennent plus touchant car ils ne sont pas maître de leurs destins. Malheureusement, ce développement connaît aussi ses limites. Le récit est trop lent. Divisé en trois grands actes, le récit progresse difficilement, au point que nous nous demandons où veut nous mener le récit. Ainsi, il y a des époques plus intéressantes que d’autres, notamment avec de nouveaux protagonistes, hors le scénario fait l’impasse sur certains personnages principaux qui auraient mérité d’être mieux exploités.

La vraie prouesse du film est de réussir à changer physiquement et psychologiquement ses personnages. Ils évoluent en fonction de l’époque décrite et c’est intéressant de voir les différents parcours de vie. On portera quelques réserves sur certains personnages qui ne deviennent pas attachants. Même si dans l’ensemble, ceux concernés par le récit demeurent plus intéressants et touchants. Au-delà des montagnes possède tout de même une réalisation de qualité.

La première partie par exemple, est entièrement filmée en format 4/3, un moyen d’enfermé les personnages sur leur avenir et de raccorder avec les événements filmés. La volonté, ici, est de respecter la technologie d’époque. Nous passons même à du format 16/9 ensuite, des idées inspirés qui développent le récit – l’univers réaliste du film – mais aussi le fait de vouloir respecter un cadre réel. Le film oscille même avec tendresse de la vie grâce à quelques plans symboliques et très jolis. Le cadre est pensé comme un complément aux personnages, ce qui n’est pas pour déplaire aux spectateurs. Pourtant, toutes les bonnes idées du film (dont une magnifique introduction qui restera gravée dans votre mémoire) se retrouvent contrebalancées avec un montage linéaire et classique. Celui ci cause les extrêmes longueurs présentes dans le film. On aurait aimé un peu plus de rythme, qui était pourtant très bien dans sa première partie, et qui aurait dû être conservé sur l’ensemble du long-métrage.

Les acteurs sont convaincants dans les rôles qu’ils doivent jouer et arrivent à émouvoir le spectateur. S’ils sont inconnus dans notre pays, les interprètes livrent des réactions humaines, tantôt émouvantes, tantôt hilarantes. Les acteurs alternent entre plusieurs styles de jeux qui arrivent à attacher le spectateur, ce qui demeure intéressant, notamment dans l’écriture des personnages. La bande-son suit cette idée d’introduire plusieurs styles. Entre des musiques traditionnelles et des musiques plus américanisées, le film fait preuve d’un multiculturalisme intéressant qui se développe dans son ensemble. Mention spéciale à l’introduction du film.

Au-delà des montagnes possède de très bonnes idées autant sur le plan scénaristique que sur l’artistique. Le film développe tout un univers social, économique et culturel autour d’une Chine en évolution entre le 20ème et le 21ème siècle. Malheureusement, l’oeuvre est parfois redondante, elle oublie de parler du destin de personnage et prend trop de temps à vouloir développer son univers. Conséquence ? On se détache parfois du film et on peine à revenir scotché comme on pouvait l’être au début. De plus, il suffit de voir que certaines époques sont moins intéressantes que d’autres, la faute à un montage linéaire qui aime mettre en place plutôt que d’imposer un rythme plus régulier. Au-delà des montagnes reste une œuvre ambitieuse qui a le mérite de ne pas porter un jugement sur la Chine, mais d’en dévoiler des facette inconnues du public.

Au-delà des montagnes. De Jia Zhang-ke. Avec Zhao Tao, Sylvia Chang, Dong Zijian, Zhang Yi, Jing Dong Liang, Han Sanming, Lu Liu, …

Sortie le 23 décembre 2015.