Dominicalement vôtre – Peau d’Âne

Par Z. @Bizardbizard

Jacques Demy, 1970

Diffusion dimanche 20 décembre, France 4, 20H50

À J-5 avant la tournée du Père Noël (et du B-Day de Jésus), la télévision lance officiellement son programme des fêtes. Alors que toutes les chaînes revêtent leurs plus beaux atours blanc et rouge en proposant moult dessins animés, rediffusion de spectacles de cirque, téléfilms pourris et autres, il y a une chaîne qui elle, a décidé de rouvrir la plaie, pour le très bonne cause.

En choisissant de diffuser Peau d'Âne France 4 rouvre LE débat. Celui qui a fait rage dans les cours de récréation, celui qui a séparé des familles, brisé des amitiés, mais aussi celui qui a appris à un bon nombre d'enfants à construire leur argumentation pour faire entendre leur vérité. Et cette question, vous la connaissez (et vous n'avez peut être pas fini de vous la poser) : quelle est la plus belle des robes de Peau d'Âne ?

Ce soir nous vous proposons de replonger dans le débat.

(Vous connaissez l'histoire, mais on se la refait juste pour le plaisir de la raconter)

Il était une fois dans un royaume féerique et plein de végétation, un roi et une reine très beaux et très amoureux l'un de l'autre. Ils coulaient des jours heureux aux côtés de leur fille, une princesse à leur image aussi belle que charmante, passionnée de piano de surcroît, et de leur âne qui déféquait de l'or et des rubis. Mais hélas lorsque la reine, atteinte d'une maladie rare, mourût, le roi entra dans une dépression sans pareil. Ses ministres, las de le voir prostré sur son chat qui lui sert de trône, décidèrent de lui soumettre une idée : se remarier. Plutôt sceptique au début, le roi finit par être emballé par cette proposition. Mais après avoir fait un tour sur le marché des célibataires de la région, la déception empli son cœur de désespoir, jusqu'au jour où son premier ministre eut l'idée du siècle : lui proposer de se marier avec sa fille (mais bien sûr). La princesse, au comble de la terreur, alla demander conseil à sa marraine la bonne fée. Celle-ci, jamais en panne d'idées, lui ordonna de demander des cadeaux improbables à son père afin de faire capoter le mariage. Malheureusement le papa réussit haut la main à donner à sa fille une robe couleur de temps, une autre couleur de lune, et encore une autre couleur de soleil. N'ayant plus le choix, la princesse finit par demander l'impensable : la peau de l'âne qui défèque de l'or. Constatant que son père s'exécute encore une fois, elle n'a pas d'autre choix que de prendre la tangente vers une contrée lointaine où l'attendent de nouvelles aventures, soit devenir souillon et rencontrer un beau prince.

Librement inspiré par le conte éponyme de Charles Perrault - le Françoise Dolto du XVIIème siècle qui aimait apprendre la vie aux petits version thug- Jacques Demy a décidé de remettre Peau d'Âne au goût du jour dans les années soixante. Si ce film est absolument génial c'est justement par l'interprétation pop que donne le réalisateur à ce conte déjà bien barré (comme tous ceux de Charli, relisez les avec vos yeux d'adultes vous comprendrez). On y retrouve tous les éléments d'un conte de fée mis en scène de façon poétique, onirique et sublimement fantaisiste. Grâce aux couleurs vives et aux décors splendides, les oppositions manichéennes classiques sont savamment détournées afin d'attirer l'œil du spectateur sur certaines dissimilitudes moins visibles. Par exemple le bleu et la forteresse emplie de végétation du roi exprime l'idée d'une noblesse traditionnelle renfermée sur elle-même arrivée au stade du pourrissement, a contrario le rouge et l'architecture dépouillée du royaume du prince montre les concept de nouveauté et de progrès. En jouant avec les oppositions et les anachronismes le réalisateur nous prouve que rien n'est jamais immuable et que l'équilibre se trouve dans un océan de contraires et de folie.

Avec ces costumes, ces décors, ces chansons, ces couleurs c'est toute la beauté de l'univers de Jacques Demy que l'on retrouve. Aussi poétiquement qu'esthétiquement réussi, le film offre à ce conte un second souffle en mêlant XVIIème siècle et années soixante de la plus belle et de la plus divertissante des façons.

Mais après toutes ces belles paroles la vraie question n'est toujours pas réglée... Attention, pour défendre votre opinion c'est une vraie plaidoirie que nous attendons. (Bien sûr l'option peau d'âne peut aussi rentrer dans le contest.)

Crédits images: filmsbonheur.com (couverture) - toutuncinema.hautelfort.com - emcosplay.weebly.com