[Avant-Première] Je compte sur vous, ou comment ratez son film par manque d’empathie pour son personnage ?

[Avant-Première] Je compte sur vous, ou comment ratez son film par manque d’empathie pour son personnage ?

Ce samedi 12 décembre 2015, nous avons pu assisté à l’avant-première de Je compte sur vous, le deuxième long-métrage de Pascal Elbé, qui sortira le 30 décembre, en présence du réalisateur et de l’acteur principal, Vincent Elbaz. Ce polar inspiré par la vie de l’escroc Gilbert Chikli qui avait lancé les arnaques aux présidents, consistant à faire croire à un employé lambda d’une banque ou d’une grande société qu’il doit réaliser un virement de toute urgence, nous a laissé sur notre faim. On n’y retrouve pas le panache qui fait habituellement le sel de ce genre cinématographique.

Depuis Israël, Gilbert Pérez (Vincent Elbaz), un embobineur de talent réalise des arnaques téléphoniques de grande ampleur auprès de banques françaises. Soutenu par la mafia locale, qui lui extorque une grande partie de ses revenus, il voit la situation lui échapper peu à peu à mesure que son escroquerie devient connue et que les services de police dirigé par l’inspecteur Moretti (Zabou Breitman que l’on a vu dans 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi et Entre amis) avance dans leur enquête.[Avant-Première] Je compte sur vous, ou comment ratez son film par manque d’empathie pour son personnage ? Gilbert Perez (Vincent Elbaz), Maxime Perez (Ludovik) et JMBLC (Dan Herzberg que l’on a vu dans Les gorilles)

Certaines rencontres lors d’avant-première vous donne l’occasion de conforter votre ressenti. Notre impression, à l’issue de la projection de Je compte sur vous, était celle d’un film sans profondeur ni guère d’envergure où, visiblement, le réalisateur n’avait pas su rendre vivant son sujet et où l’on sentait un manque cruel d’empathie. Nous sommes convaincus qu’il faut aimer ses personnages, bon ou mauvais, pour faire du bon cinéma, pour donner aux spectateurs l’envie de nous suivre. Pascal Elbé qui a rencontré à maintes reprises Gilbert Chikli n’a pas voulu en faire la biographie, décidant seulement de s’en inspirer pour créer une fiction. C’est un choix contre lequel nous n’avons pas grand chose à redire, peut-être même plus honnête que de tenter de faire croire que les nombreux biopics qui inondent les toiles ne sont pas romancés. Mais Elbé semble surtout faire preuve d’une vive hostilité pour son sujet, avec lequel, dans la vraie vie, il ne s’est jamais senti en confiance. Impressionné par l’arnaque, il ne l’est pas du tout par l’homme qu’il ne voit qu’à travers le prisme de ces affects mythomaniaques.[Avant-Première] Je compte sur vous, ou comment ratez son film par manque d’empathie pour son personnage ? Barbara Perez (Julie Gayet) et Gilbert Perez (Vincent Elbaz)

Bien sûr que l’on ne peut pas soutenir des escrocs qui ruinent des carrières et des vies entières, bien que comme le dit Elbé lui-même, on ne puisse qu’apprécier que ceux-ci s’attaquent à la sphère financière qui n’est pas la dernière en terme d’escroquerie. Dans cet optique, on peux admirer leur mode de fonctionnement, le génie certain qu’ils mettent dans l’accomplissement de leur art. Seulement, Elbé a choisi un « héros » qu’il trouve très moyen et juste chanceux, qui réussit en faisant de la masse. Cela se ressent énormément dans le film. On n’arrive pas à s’identifier et les seuls moments d’émotion sont ceux où la conseillère, Céline Lerbier (Anne Charrier) chavire en comprenant qu’elle s’est fait arnaquer. L’histoire d’amour avec sa femme Barbara (Julie Gayet) ou la complicité avec son frère Maxime (Ludovik) n’apporte rien et sont traités de manière si neutre que l’effet est le même, on ne s’attache pas plus à l’énergumène. La combination d’un réalisateur finalement peu inspiré par son inspirateur et d’un personnage central apathique, sans aspérité, transparent, est le plus grand défaut d’un film sans enjeux.[Avant-Première] Je compte sur vous, ou comment ratez son film par manque d’empathie pour son personnage ? Céline Lerbier (Anne Charrier)

Je compte sur vous ne pourra pas compter sur nous pour en assurer sa promotion. Le long-métrage d’Elbé manque au cahier des charges indispensable à tout polar réussi, même l’adrénaline du crime y est anesthésiée.

Boeringer Rémy

Pour voir la bande-annonce :