Spectre, ou le scénario fantôme.

Qu'on s'entende : je n'ai jamais été une fan inconditionnelle de 007. Mais j'avoue que depuis le début de la formule Daniel Craig, j'ai eu un regain d'intérêt. Le choix des réalisateurs était plutôt pertinent, les intrigues plus actuelles et sombres et la photographie impeccablement léchée. Je suis donc passée d'un état d'indifférence total à l'égard de la saga James Bond à un état de curiosité et, soyons fous, d'attente. A tel point que j'avais même plutôt envie de voir le nouvel opus au cinéma. Seulement voilà, en deux heures trente, a piétiné mes bonnes intentions et je suis ressortie abasourdie de la séance. Les nouvelles aventures de Bond ont pourtant de quoi séduire sur le papier : casting cinq étoiles (bien qu'on les voit déjà un peu trop), promesses d'action bien sûr, photographie minutieuse et réalisateur confirmé. La scène d'intro, prenante et grandiose, plonge le spectateur directement dans le bain. Malheureusement le soufflé retombe incroyablement vite ! Et finalement c'est le générique lui-même, sorte de prélude bling-bling, déplacé et malvenu, qui annonce la couleur. Je crois d'ailleurs que c'est le pire générique d'un 007 qui m'ait été donné de voir. Certes, c'est esthétique, au même titre qu'une publicité de voiture, mais c'est aussi racoleur et hors sujet.

Spectre, ou le scénario fantôme.

Si autant de mauvais goût est possible, et résolu à se poursuivre jusqu'au générique de fin, c'est la faute à un scénario et des caractérisations dangereusement creuses. C'est quand même dommage, avec trois cent millions en main, de ne pas réussir à développer une intrigue profonde (paraîtrait que c'est la faute au piratage de Sony, mais j'en doute). D'autant plus que les films précédents avaient mis en place de nombreux dispositifs prometteurs : développement psychologique de 007, incursion dans son passé trouble, intrigues noires et moralité ambiguë. Autant d'ingrédients qui brisaient l'image lisse du surhomme pour faire apparaître les entrailles de l'être humain. revient sur tout cet héritage pour se concentrer simplement sur l'action et le rendu visuel des aventures de l'espion du MI6. A tel point que la présentation et les motivations du grand méchant sont infiniment puériles et contribuent grandement à décrédibiliser le personnage tout entier. Et malgré tout les efforts de son interprète, ça ne prend pas. Il faut dire qu'avec une caractérisation aussi pauvre, les plans machiavéliques de la némésis de Bond n'en deviennent que plus ridicules. Résultat : l'intrigue se trouve lentement dépouillée d'une quelconque forme d'enjeu. Et le traitement du héros n'est pas mieux.

Spectre, ou le scénario fantôme.

nous montre Bond simplement dans la réaction : par rapport à ceux qui l'attaquent, ce qu'on lui apprend et ce dont on le menace. Une posture éminemment passive qui m'a un peu rappelé celle de Mad Max dans la dernière mouture de 2015 et qui m'avait également dérangé. Le spectateur se met donc en pilote automatique : son attention devient aussi superficielle que l'intrigue est mécanique et usée. Sur la forme le film se défend, bien sûr, mais sur le fond ça pèche tellement que les défauts ressortent d'autant plus. A l'image de ce pilote d'hélicoptère qui choisit de faire tourner l'appareil sur lui-même tout en étant au-dessus d'une foule paniquée et alors même que son patron se fait refaire le portrait par Bond sur la banquette arrière. Et ce n'est que la première d'une longue série d'âneries qui a provoqué l'hilarité chez mes voisins de droite pendant toute la séance. On aurait aimé obtenir des réponses, voir les mystères du passé se résoudre ou même s'épaissir ! N'importe quoi d'autre que cette bouillie de testostérone sous perfusion. Mais la conclusion tant attendue ne prendra la forme que de quelques décevants caméos photographiques qui ne combleront pas notre faim de dénouement. En conclusion : c'est que d'la gueule !