Au cinéma : «Le pont des espions»

Steven Spielberg approche avec Le pont des espions de son trentième film. Conteur émérite, l’homme propose cette fois –non sans le même souci du devoir de mémoire qui l’animait sur une partie de sa production récente- un script des frères Coen. Et la magie d’opérer.

En pleine guerre froide, James B. Donovan, avocat américain, accepte de défendre un espion soviétique en la personne de Rudolf Abel. Son choix, d’abord salué comme geste patriotique et symbolique, va lui valoir rejet et mépris de l’opinion publique.

Si la réussite est chorale, elle est d’abord le fait de son narrateur, Steven Spielberg. Transparaît dans Le pont des espions tant son goût de l’hommage que le frisson d’une recherche formelle constante. Avec une caméra qui déborde d’aise et qui n’a peur ni de la longueur ni d’une composition audacieuse, le film éblouit tant dans les tableaux vivants qu’il propose que par le regard pudique et intimiste avec lequel il montre ses acteurs.

La galerie de visages de Le pont des espions, en plus d’une pièce centrale d’un talent encore brillamment exploité en la personne de Tom Hanks, peut s’enorgueillir d’une diversité de jeux qui texture le film et son ambiance, entre tensions et légèretés. L’histoire de l’avocat américain James B. Donovan est ainsi celle d’une époque où les peurs (post-maccarthysme, guerre froide & avènement de la scission marquée d’un mur entre les deux Berlin) affrontent l’échelle de l’homme, de la famille et des espoirs de chacun.

A l’écriture, les frères Coen parviennent à s’autoriser une liberté de ton rafraîchissante pour décrire les temps de doutes qui ont marqué la fin des années 50. Le récit, parfois bavard ou d’un patriotisme un peu gauche, conserve une richesse qui rythme le film et le fait naviguer entre les genres, du thriller d’espionnage au grand film historique (Spielbergien, évidemment). Et distillent dans cette histoire vraie (qui parle tant de diplomates que d’acteurs) un certain humanisme.

Le metteur en scène américain convie son équipe de talents et d’habitués à la partie de plaisir. Michael Kahn s’amuse dans les raccords, bat la mesure d’un film fluide et jamais redondant. Un Janusz Kaminski dans la plus épatante des formes s’en donne à cœur joie pour sublimer les clairs-obscurs et faire vibrer de couleurs le monde de James Donovan. Et James Newton Howard de l’orchestrer non sans relief.

C’est avec une maîtrise surréelle que Spielberg ajoute avec Le pont des espions une fresque plus intimiste et plus mesurée à sa galerie de miracles sur pellicules. Son équipe de talents sur-confirmés vient parfaire l’ensemble comme une chorale d’artistes à l’unisson. On en ressort transportés : même un Spielberg mineur est un grand film.

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Le pont des espions. De Steven Spielberg. Avec Tom Hanks, Mark Rylance, Scott Shepherd, Amy Ryan, Sebastian Koch, Alan Alda, Austin Stowell, Peter McRobbie, Billy Magnussen, …

Sortie le 2 décembre 2015.