Elle S'Appelle Sabine (Choc émotionnel)

elle s'appelle sabine

Genre : drame, documentaire
Année : 2008
Durée : 1h25

L'histoire : Un portrait de Sabine Bonnaire, autiste, réalisé par sa soeur la plus proche. Récit de son histoire à travers des archives personnelles, filmées par la comédienne sur une période de 25 ans, et témoignage de sa vie aujourd'hui dans une structure adaptée

La critique :

On oublie peut-être un peu trop souvent le dire. Mais la carrière cinématographique de Sandrine Bonnaire débute en 1980 avec l'immense succès de La Boum. En tant qu'actrice, elle tourne avec Maurice Pialat (A nos Amours, Police et Sous le Soleil de Satan), André Téchiné (Les Innocents), Claude Sautet (Quelques jours avec moi), Claude Chabrol (Au coeur du mensonge, La Cérémonie), Patrice Lecomte (Confidences trop intimes) et même avec Brian De Palma (Femme Fatale).
En 2008, Sandrine Bonnaire décide enfin de passer derrière la caméra avec un documentaire intime et familial, intitulé Elle S'Appelle Sabine. C'est Catherine Cabrol, qui a participé à l'écriture et au montage du film, qui l'encourage à réaliser ce tout premier long-métrage.

Un premier film et déjà un premier succès. Présenté au Festival de Cannes, le documentaire reçoit le Prix FIPRESCI dans la catégorie "section parallèle". Depuis les débuts de son adolescence, Sandrine Bonnaire a capturé et filmé plusieurs moments de la vie de sa petite soeur, Sabine Bonnaire, atteinte d'une pathologie mentale. Néanmoins, à l'époque, personne n'est capable de se prononcer sur un diagnostic. Les années passent... Dans un premier temps, Sabine développe des capacités étonnantes.
Certes, la jeune femme connaît une scolarisation difficile. Répudié et invectivé par ses camarades de collège, Sabine est placée dans une école spécialisée. Elle présente des troubles du comportement importants se caractérisant par des passages à l'acte, des moments d'automutilation, de l'isolement, du mutisme et de l'hétéroagressivité.

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Pourtant, Sabine confectionne elle-même des poupées, joue du piano et montre un certain intérêt pour les compositions de Bach. Bref, elle est autonome. Avec sa soeur Sandrine, elle part en Amérique, le pays de ses rêves. Hélas, quelques temps plus tard, le frère aîné de la famille décède. Pour des raisons essentiellement professionnelles, les soeurs quittent le domicile parental.
La mère ne parvient plus à contrôler les sautes d'humeur et les angoisses de Sabine. La mort du frère provoque un choc émotionnel. Sabine se montre de plus en plus violente et agressive. Elle n'est plus gérable. A contre coeur, la famille la place en hôpital psychiatrique. Résultat : cinq ans d'internement. 
Cinq ans qui vont plonger Sabine vers la neurasthénie mentale. La jeune femme ne s'en remettra jamais.

D'une jeune femme véloce et égrillarde, elle se transforme en "zombie" replet et assomé par les médicaments et les neuroleptiques. Toujours aucun diagnostic sur sa maladie. Sandrine Bonnaire et ses soeurs continuent de se battre. Les places en institut spécialisé sont chères. Il faudra donc patienter de nombreuses années avant de trouver une structure adaptée.
A l'âge de 33 ans, Sabine est enfin admise dans un foyer d'accueil médicalisé (FAM). Cette fois-ci, la psychiatre de la structure est capable de poser un diagnostic.
Sabine souffre de psychose infantile associée à des troubles autistiques. Malheureusement, les cinq ans d'internement ont radicalement transformé la jeune femme. Sabine a pris trente kilos. A son arrivée, elle refuse tout contact social et se réfugie dans le silence. 

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Il lui faudra plusieurs semaines voire plusieurs mois avant qu'elle ne prononce sa première phrase. A travers ce documentaire dédié à sa soeur, Sandrine Bonnaire revisite et explore les archives personnelles. Elle s'appelle Sabine. Ou le plus grand témoignage d'amour de Sandrine à sa soeur malade. Ou alors l'histoire d'une jeune femme broyée par le système.
Hagarde, l'actrice s'interroge : "Les conséquence de son internement sont-elles réparables ? La dégradation de ses capacités est-elle inhérente à sa maladie ?". Caméra à l'épaule, Sandrine Bonnaire filme le quotidien de Sabine dans un centre spécialisé. La réalisatrice élude le piège de l'angélisme et du documentaire partial et à sens unique. Sabine n'est pas toujours présentée sous son meilleur visage. Avanies, insultes, angoisse, hystérie, logorrhées, écholalie et moments de mutisme et/ou d'isolement rythment son quotidien.

Comme un symbole, Sabine marche désormais le dos légèrement courbé, comme si la jeune femme était condamnée à subir tout le poids d'un système déshumanisé. C'est aussi le message véhiculé par ce documentaire. Actuellement, la France ne possède pas de structures suffisantes et adaptées pour accueillir et prendre en charge les personnes souffrant d'autisme et de pathologies mentales.
Face à la violence de Sabine lors de son séjour en asile psychiatrique, la réponse de l'institution médicale s'ingéniera à cloîtrer la jeune femme, à la médicamenter, à l'anesthésier et progressivement à la couper de toute réalité. 
Derrière le portrait et le parcours de Sabine dans l'univers de la psychiatrie, Sandrine Bonnaire dresse également une critique au vitriol de notre société pseudo humaniste et bien pensante. Face à la différence, notre société a décidé de verrouiller ses portes et surtout de sacrifier tous ces individus handicapés et/ou marginalisés par notre propre système.
Bref, un premier documentaire, un premier film, une première tragédie, un premier choc et déjà un premier chef d'oeuvre.

Note : 18/20

sparklehorse2 Alice In Oliver