Le Pont des Espions, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Steven Spielberg est de retour avec une troisième oeuvre historique consécutive, tout en retrouvant Tom Hanks pour la 4e fois avec le Pont des Espions, un récit humaniste en pleine Guerre Froide.

Après la sortie de Lincoln, Steven Spielberg s’était accordé une bonne pause qui lui a permis de présider le jury du Festival de Cannes en 1993. Une pause de 3 ans qui nous a fait longtemps attendre ce Pont des Espions que l’on espérait plus enlevé que le triste et bavard film sur le président américain. Et dès l’ouverture du film on est rassuré. Le réalisateur introduit à travers un miroir l’un de ses personnages, un espion qui sera le protagoniste de ces première minutes mettant en scène avec efficacité et sans un mot une filature comme seul Spielberg sait le faire.

Malheureusement la première heure de film qui suit ne sera pas à la hauteur de cette introduction. En effet, nous allons suivre cet espion russe et son avocat américain dans un procès assez verbeux pendant un moment sans que cela ne fasse beaucoup avancer l’intrigue. D’autant plus que le récit est entrecoupé de scènes introduisant un espion américain qui sera tôt ou tard capturé par les russes. Si cette partie sert à présenter quelques enjeux, elle sert surtout à nous présenter les personnages et nous attacher à eux. Et heureusement que pour cela, il y a l’écriture sérieuse mais teintée d’humour bien placé des frères Coen et surtout l’interprétation de Tom Hanks que l’on n’avait pas vu non plus depuis 2013. L’acteur a plaisir à retrouver Spielberg et cela se ressent. Il porte à merveille tout l’humanisme qui caractérise le cinéma du réalisateur, en particulier dans la seconde partie du film.

Car après une heure parfois laborieuse, l’histoire commence enfin lorsque Tom Hanks débarque à Berlin pour négocier un échange d’otage entre les russes et les américains, sans oublier les allemands qui ont également leur mot à dire. C’est à partir de ce moment que l’on sent Spielberg plus intéressé par son sujet puisqu’il doit montrer la construction du mur de Berlin, un acte que l’on a finalement assez peu vu sur grand écran et qui nous est montré ici avec une reconstitution impeccable, n’oubliant pas que cela a séparé des familles et a plongé toute une partie de la ville dans la misère. Ce n’est ici qu’un contexte mais cela est fait avec une grande précision à laquelle on sent le réalisateur attaché.

Dans l’effort de négociation, cette seconde partie est bien plus intéressante et rythmée avec une intrigue d’espionnage et de manipulation des différents acteurs pour planifier cet  échange. Et le décalage entre cette situation très sérieuse et le personnage de Tom Hanks qui est étranger à cet univers fonctionne à merveille, nous donnant alors un peu plus de recul sur ces pratiques et rappelant qu’il s’agit avant tout d’humains dont il est question ici. Tout l’humanisme de Spielberg habite donc Tom Hanks et cette seconde partie de film, réchauffant nos cœurs alors qu’à l’écran la neige tombe sur une cité mal en point.

Alors oui, le film ne brillera jamais par son rythme et l’intensité de son suspense, ni pour la musique peu inspirée de Thomas Newman, mais ont sent bien que c’est ce discours humain qui pousse le film avec une envie de cinéma très classique d’un réalisateur qui reste toujours précis dans le choix de ses cadres. La maîtrise est toujours là chez Spielberg qui continue donc dans une veine sérieuse, classique et historique après Cheval de Guerre et Lincoln. On aimera ou non mais il a toujours quelque chose à dire et le message passe avec efficacité, même si on a hâte de le retrouver dans un cinéma plus punchy.