L'Hermine

L'Hermine


Avec Fabrice Luchini, Sidse Babett Knudsen,

L'Hermine

- Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine


répond : Qu'il soit désagréable ! ... J'aime les personnages qui ne suscitent a priori pas la compassion, qui ne sont pas dans le compassionnel mécanique. On vit une époque de compassion globale. Tout le monde est censé être merveilleux, sympa... Ceci étant dit, mon personnage est un bon Président de Cour d'Assises. Méchant, mais bon dans son travail. Il incarne l'autorité mais ne cherche jamais à influencer le jury. Et puis il y a l'histoire d'amour, une histoire atypique ! Racine était tombé amoureux d'une anesthésiste qu'il retrouve par hasard dans le jury. Cette femme va l'illuminer, l'élever

Tout bascule le jour où Racine retrouve Ditte Lorensen-Coteret Elle fait parti du jury qui va devoir juger un homme accusé d'homicide. Une femme bien dans sa peau. Elle vit seule avec sa fille adolescente. Leur relation fonctionne bien, sa vie est complète. C'est une femme un peu effacée mais réceptive et curieuse de ce qui se passe dans le tribunal.

Six ans auparavant, Racine a aimé cette femme. Presque en secret. Peut-être la seule femme qu'il ait jamais aimée.

L'Hermine

Entretien avec Christian Vincent. Scénariste et réalisateur, relevé dans le dossier de presse

D'une envie partagée par mon producteur
Matthieu Tarot et moi, de retrouver Fabrice Luchini 25 ans après La Discrète. Restait à trouver un personnage et une histoire. En discutant avec Matthieu - un passionné du monde judiciaire - nous avons imaginé Fabrice en Président de Cour d'Assises. Je pensais qu'il porterait assez bien la robe rouge et le col d'hermine. Comme je ne connaissais rien à l'univers de la justice, j'ai commencé par assister à un procès d'assises. Là, je découvre qu'une salle d'audience, c'est un peu un théâtre, avec son public, ses acteurs, sa dramaturgie et ses coulisses. C'est un ordre réglé qui ne demande qu'à être bousculé. Mais c'est avant tout un lieu de parole, fondé essentiellement sur l'oralité des débats. Un lieu où certains maîtrisent le langage, là ou d'autres, parfois, ne comprennent même pas les questions qu'on leur pose. Il y a tout dans un procès d'assises. Il y a de la détresse humaine, des envolées lyriques, des moments d'ennui, des plongées dans l'intime, des camps qui s'affrontent, des gens qui mentent, des vérités qui s'opposent et beaucoup de questions qui restent sans réponse. Au bout de l'audience, parfois, il arrive que la vérité triomphe. Mais pas toujours. Le plus souvent, on ne sait pas.

J'ai commencé en me rendant au tribunal de Bobigny. Quatre jeunes hommes étaient accusés de viol en réunion dans un local poubelle. Malgré le huis clos, avec l'accord des parties, j'ai pu assister au procès "côté cour", comme n'importe quel élève magistrat. A chaque suspension de séance, j'accompagnais le Président, Olivier Leurent, ses deux juges assesseurs, sa greffière et les neuf jurés dans ce que l'on peut appeler les coulisses.

J'ai vu les jurés poser des questions aux magistrats, faire connaissance les uns avec les autres, parler entre eux de ce qu'ils avaient entendu. J'ai vu des magistrats attentifs à leurs demandes, répondant à chacune de leurs questions, tout cela pendant cinq jours... Et puis j'ai immédiatement renouvelé l'expérience, à la Cour d'Assises de Paris cette fois-ci. Un jeune homme était accusé d'avoir égorgé son amant. À partir de là, je pouvais commencer à écrire. J'avais les éléments qui me permettaient de le faire. Pour que le film soit juste, il fallait que la partie documentaire le soit.


L'histoire est venue simplement, naturellement, de la personnalité du magistrat. J'imaginais un Président de Cour d'Assises proche de la retraite. Un homme respecté et craint au Palais de Justice, mais méprisé et ignoré à son domicile. Chez lui, à l'exception de son chien, on lui témoigne assez peu d'égards, alors qu'au tribunal on lui donne du Monsieur le Président. J'imaginais donc un homme amer, peu enclin à la jouissance. Un homme qui, une seule fois dans sa vie, était tombé amoureux d'une femme. C'était cinq ou six ans auparavant. Un accident l'avait plongé dans le coma. En se réveillant, un visage de femme était penché sur lui. Ça avait été une illumination. Or, voici que cette femme réapparaît dans sa vie. Elle est jurée d'un procès dont il va diriger les débats. Il va devoir vivre à ses côtés pendant quelques jours... L'histoire était trouvée.

En opposition au personnage de Racine. Racine, c'est la nuit, c'est la part sombre de chacun d'entre nous, alors que Ditte, c'est la lumière. Racine punit quand Ditte ramène à la vie. En écrivant ce personnage, j'avais un personnage de film en tête, celui de Christine - interprété par Nora Gregor - dans
La règle du jeu de Jean Renoir. Un aviateur tombe éperdument amoureux d'elle parce qu'elle a simplement été aimable avec lui. "Alors en France, on n'a pas le droit d'être simplement aimable avec un homme ?" demande-t-elle à Octave, interprété par Jean Renoir. "Non, on n'a pas le droit." Répond-t-il. "Alors j'ai tous les torts." conclut-elle.

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Pendant que j'écrivais le scénario, je n'avais aucune idée de l'actrice à qui je pourrais confier le rôle. Des noms tournaient dans ma tête, mais aucun ne me convainquait. De qui Michel Racine - Fabrice Luchini - aurait-il pu tomber amoureux quelques années auparavant ? Je séchais. Je ne voyais personne. À l'époque, Arte diffusait la saison 3 de
Borgen et je ne manquais aucun des épisodes. J'adorais l'actrice. Je la trouvais à la fois sexy et virile. Elle me faisait penser aux héroïnes des films de John Ford. Et puis un jour de désoeuvrement, je "tape" son nom sur Google. Un lien me renvoie à un entretien qu'elle donne à Arte. Je découvre alors qu'elle parle couramment français. Dans la minute, j'appelle mon producteur pour lui dire que j'ai trouvé l'actrice.

Fabrice savait que j'écrivais en pensant à lui. Une fois que Matthieu Tarot et moi avons estimé qu'on pouvait lui faire lire quelque chose, j'ai pris rendez-vous avec lui. Je me suis rendu dans son appartement du XVIII
éme arrondissement de Paris. J'ai fait la connaissance de Shiba, sa petite chienne de 2 ans. Nous avons bu un café dans sa cuisine. Je me souviens que la discussion a tourné autour du marché de l'immobilier, des taux de crédit en vigueur et du quartier dans lequel il vit et qu'il n'a jamais quitté. Avant de partir, je lui ai remis le scénario de L'Hermine . Le lendemain, il appelait en disant qu'il faisait le film.

L'Hermine.

Fabrice est un acteur aux antipodes de la méthode "actor's studio" et de toutes les techniques qui prônent l'introspection, la recherche psychologique ou l'identification.

Néanmoins, avant que nous ne commencions à tourner, il a voulu rencontrer le Président de Cour d'Assises qui m'avait accueilli à deux reprises. Un jour, il est donc venu au Palais de Justice de Paris pour assister à une demi-journée de procès.

Il a vu la sobriété avec laquelle le Président dirigeait son procès. Pas un mot plus haut que l'autre.
Au bout d'une heure, il avait compris.

D'une manière atrocement normale, c'est à dire terriblement professionnelle. Ils venaient d'univers complètement différents. Et cela a aidé à leur entente, à leur complicité. Sidse n'avait jamais tourné en France. Elle observait notre manière de travailler avec étonnement, notre rythme de travail, nos pauses déjeuner, notre décontraction, notre apparente improvisation... Tout cela la décontenançait et l'amusait à la fois.

Je suis comme tout le monde. J'attends qu'ils arrivent à l'heure et qu'ils connaissent leur texte.
(rires). J'écris toujours mes dialogues avec beaucoup de points de suspension... Parfois même, je ne termine pas mes phrases. En vérité, j'attends qu'ils me surprennent et j'essaie de réunir autour d'eux, les conditions de cette attente. La direction d'acteur, c'est un subtil mélange entre deux sentiments contradictoires. Il faut rassurer et déstabiliser à la fois.


L'Hermine.

Moi qui dans la vie ne suis pas du tout physionomiste - limite agnosique - je choisis les acteurs sur leur physique.

Je veux dire par là que je choisis systématiquement des acteurs ou des actrices qui ne se ressemblent pas.

Ma hantise, c'est que l'on confonde un personnage avec un autre.

Après ça, je choisis des gens normaux, ou si vous préférez, des acteurs qui ne font pas acteur. À tel point que quand je me promène dans la rue, que je sois en préparation d'un film ou pas, je croise toujours quantité de gens qui me donnent envie de les faire tourner...

Je travaille avec les non professionnels comme avec les enfants. Dix minutes avant de tourner, je leur donne des indications sur leur personnage, le contenu de la scène, ce qu'ils devront dire. Mais sans leur donner de texte à apprendre. Rien de pire que la récitation. Parfois le jeu est maladroit. Mais généralement on est récompensé.

C'est plus fort que moi. Je reviens toujours dans le Nord. Je m'y sens bien. Je ne sais pas exactement à quoi cela tient. À un goût pour une certaine forme de mélancolie, peut-être... Et en même temps, dans le Nord, il y a une vraie drôlerie, une vraie gaieté qui n'a rien à voir avec l'affreuse bonhomie des gens du Sud.

Il y a encore assez peu de temps, quand on me demandait pourquoi je faisais des films, je répondais que c'était le métier qui m'offrait le meilleur emploi du temps possible... L'alternance entre les périodes d'écriture solitaire, l'excitation des tournages pendant lesquels il faut entraîner derrière soi une armée de collaborateurs, la remise en cause personnelle du montage... Des moments de doute, des moments d'euphorie. Aujourd'hui, quand on me demande pourquoi je filme, je réponds que c'est pour filmer mon pays, et cela dans la diversité des ses territoires, de ses langues et de ses cultures. Si j'ai décidé de tourner dans un Palais de Justice, c'est pour cette raison là. Un procès d'assises, c'est un des rares endroits de la société où toutes les paroles se croisent, où toutes les cultures cohabitent et où toutes les classes sociales se frottent. Le contraire de l'entre soi.

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Le film se déroule, pour sa plus grande partie, dans une salle d'audience du tribunal de Saint Omer. Nous assistons au déroulement d'un horrible procès pour infanticide.

De la nomination des jurés, au défilé des témoins le sujet peut paraitre rébarbatif. Sans rien connaître de la tenue d'un tel procès, l'intérêt n'en reste pas moindre grâce à Monsieur le Président de la Cour d'Assises. Il tient à son titre. Cet homme n'est autre que Fabrice Luchini, d'une extraordinaire sobriété. Tant dans les paroles que dans ses actes.

Concernant son personnage l'acteur a déclaré avoir aimé : "Qu'il soit désagréable ! ... J'aime les personnages qui ne suscitent a priori pas la compassion, qui ne sont pas dans le compassionnel mécanique. On vit une époque de compassion globale. Tout le monde est censé être merveilleux, sympa... Ceci étant dit, mon personnage est un bon Président de Cour d'Assises. Méchant, mais bon dans son travail ..."

Un homme seul, qui vit à l'hôtel, et traîne sa valise comme un poids supplémentaire de sa charge dont il s'acquitte avec une réputation qui lui vaut le surnom de Président à deux chiffres. Sous sa présidence, les accusés sont, en général, condamnés à des peines dépassant les dix ans.

Le scénario ne fouille pas le passé des personnages. Ni ceux qui représentent la justice, pas davantage pour celui qui se trouve au ban des accusés. Un détail qui aurait peut-être mérité d'être plus fouillé pour donner à l'ensemble un véritable souffle et un intérêt supplémentaire.

N'en demeure pas moins la rencontre fortuite entre ce président et une femme qu'il a connue des années auparavant, incarnée avec élégance par Sidse Babett Knudsen. Reste aussi un passage avec la fille de celle-ci, dont le rôle est tenu, avec un naturel déconcertant, par Eva Lallier. La toujours convaincante Corinne Masiero est également présente au casting.

Une autre critique, celle de Dasola en cliquant ici.