THE LOBSTER : intelligent, violent, cynique et… élitiste ? ★★★★☆

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Une fable absurde et passionnante.

Imaginez un monde dans lequel le célibat est intolérable. Imaginez un hôtel perdu de bord de mer. Une gérante (Olivia Coleman) vous annonce alors que si vous ne tombez pas amoureux, vous serez transformé en animal. L’animal de votre choix certes, mais en animal tout de même. C’est ainsi que David (Colin Farrell) se présente avec son chien, son frère « animalisé » quelques temps plus tôt, dans ce mystérieux hôtel matrimonial. Il fera la connaissance de deux hommes (Ben Whishaw et John C. Reilly) comme lui en recherche d’une partenaire. Au cours de son séjour, il participera à de violentes chasses aux victimes bien réelles, les Solitaires, auxquels il finira par se mêler…

Le sérieux avec lequel les acteurs, tous excellents, jouent au jeu préparé par Yorgos Lanthimos nous emmène dans un univers complètement décalé. The Lobster n’est probablement pas un film grand public, mais si on se laisse glisser dans l’ambiance si particulière du film, on y trouve une intelligence fulgurante. Tandis que la mise en scène ravit par ses petits détails (cadrages, ralentis ironiques et pétrifiants), la vision du réalisateur sur les relations de couple se développe subtilement à l’écran. A l’heure où notre société multiplie les applications qui trient les compagnes ou compagnons potentiel(le)s, The Lobster, frappante métaphore et sous couvert d’un monde inventé, nous confronte à ces pratiques, elles aussi cyniques et décalées. La solitude est une tragédie qui dans l’œil du cinéaste grec devient crue et drôle ; le couple haïssable ou violent… encore plus s’il est convenu, arrangé. Le naturel est chose rare, qu’il faut cultiver et protéger contre les gourous conservateurs de la normalité (l’hôtel) ou du célibat pur et dur (les Solitaires). Menacé par ces deux extrêmes, David navigue à vue, cherchant sa propre relation, affinant ses espérances, se détachant du superflu. Colin Farrell trouve dans le rôle de David un renouveau, un pari qu’il gagne adroitement, en compagnie de Rachel Weisz qui, après Youth, montre un talent définitivement sensible et complet.

L’humour noir et cynique avec lequel tout le film est traité choque et surprend. La photographie, très épurée, est fidèle à la nature, omniprésente dans le film (l’eau, les bois, la montagne…). Comme le monde d’une grande sauvagerie dans lequel évolue le personnage principal, les images choquent parfois par leur crudité et leur violence. The Lobster, Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, est un objet cinématographique fort, de ceux auxquels on repense longtemps après les avoir vus.

La Cinéphile Éclectique (http://carnetscritiques.over-blog.com/)

Réalisé par Yorgos Lanthimos, avec Colin FarrellRachel Weisz, Olivia Coleman, Ben Whishaw, John C. Reilly

Sortie le 28 octobre 2015.