E-CINEMA : MI-5 INFILTRATION : Kit de survie ★★☆☆☆

Kit Harington s’embourbe dans un film d’espionnage insipide.

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Ajout récent au vocabulaire du septième art, le e-cinéma se veut comme l’évolution dématérialisé du direct to DVD, malgré une différence notable. En effet, les œuvres proposées par les distributeurs ne sont pas de petits navets fauchés pensés pour la petite lucarne, mais bien des films budgétés et préparés pour le grand écran. Face aux sorties en salles de plus en plus massives qui empêchent certains métrages de trouver leur public, le dispositif propose ainsi un nouveau type de visionnage et de curiosité cinéphile, en plus d’éviter quelques accidents industriels. Le hic, c’est que le e-cinéma n’est pas réellement une alternative à une industrie courant vers son formatage comme il semble prétendre l’être. Il sert plutôt (pour l’instant du moins) de bouée de sauvetage à des productions à la qualité toute relative, qui auraient sans doute subi l’indifférence (voire l’exaspération) du public et de la critique en visant les multiplexes. Elles s’exportent alors à moindre coût (pas de copies à financer, juste des plateformes de streaming à payer) et se permettent de grandes promotions publicitaires, parfois tout aussi opportunistes et mensongères que les derniers DTV de Jean-Claude Van Damme, notamment lorsqu’elles concernent un casting alléchant. A ce titre, MI-5 Infiltration figure comme un cas d’école.

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Adapté d’une série britannique (Spooks en VO), le film se cherche un équilibre entre l’espionnage fantasmé par les James Bond ou autres Jason Bourne et le réalisme paranoïaque tendance John Le Carré. La séquence pré-générique parvient même à intriguer par sa tension et son efficacité, notamment grâce à sa mise en scène lisible et propre. Mais piocher à droite à gauche ne fait que rendre l’ensemble d’autant plus inégal, accentuant ses baisses de rythme et ses idées inabouties. Ce qui aurait dû être une marque d’identité se transforme en inspirations prémâchées et mal-exploitées, oscillant entre les différents codes du genre sans jamais pleinement prendre parti, et ainsi trouver sa place. Tout est bien trop survolé, au point de rende prévisibles les événements, pourtant fondés pour la majorité sur des trahisons et des retournements de situation. Il manque surtout à MI-5 Infiltration une iconisation de son univers comme fantasme fictionnel existant, bien qu’invisible et inatteignable. En bref, cette jouissance du spectateur qui semble regarder un film comme on regarderait dans le trou de la serrure, omniscient tout en étant protégé par cette barrière qu’engendre la porte ou l’écran. Cela pourrait être un vrai parti-pris si le métrage n’essayait pas platement de racoler vers l’actioner sexy avec son seul argument de vente : la présence au casting de Kit Harington, le minet de Games of Thrones, ici bien peu inspiré par son rôle froid et faussement cool d’ancien agent appelé à la rescousse par les services secrets britanniques.

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En même temps, comment lui en vouloir quand la majorité des scènes empilent les clichés jusqu’à révéler une mécanique d’écriture complètement artificielle, aussi bien dans le développement psychologique des personnages que dans ceux du thriller d’espionnage ? Certes, MI-5 Infiltration possède une certaine ambition dans sa réalisation (confiée à Bharat Nalluri, qui a officié sur la série d’origine), notamment lorsqu’il est question de traduire le voyeurisme de la caméra et la paranoïa des protagonistes, que ce soit par des cadres inspirés ou un usage plutôt habile du montage alterné. Il parvient même à offrir quelques moments suffisamment réussis pour tenir captivé tout du long (sa scène d’action finale par exemple). Cependant, son incapacité à se trouver un style et à faire de réels choix artistiques souligne sa futilité, et surtout, son obsolescence. Le film n’est pas tant raté qu’il est insipide et mal-rythmé. Après tout, un téléfilm de luxe avec Jon Snow peut toujours être sympathique à regarder d’un œil en comatant dans la canapé un dimanche soir. Mais est-ce vraiment ce que le e-cinéma a à nous proposer ?