Situations dramatiques vs types d’intrigues

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En 1916, l’écrivain français Georges Polti exposait une théorie selon laquelle il existerait, en tout et pour tout, trente-six situations dramatiques applicables à n’importe quel scénario. Près d’un siècle plus tard, ce dogme sert toujours de base à l’apprentissage de la dramaturgie. S’il existe mille façons de raconter une histoire, elle se rattachera à coup sûr à l’une de ces grandes thématiques.

De la même façon, le romancier Ronald B. Tobias, spécialiste des films de genre, a publié en 1993 un ouvrage qui s’attache à décortiquer la mécanique de vingt grands types d’intrigues dont je vous propose de découvrir la liste…

Ronald B. Tobias a consacré la première partie de sa carrière d’auteur à l’écriture de genres, de la nouvelle au roman, en passant par les ouvrages théoriques. Il s’est ensuite tourné vers la production et réalisation de films documentaires et enseigne à l’université du Montana.

Paru en 1993, son best-seller 20 Master Plots: And How to Build Them analyse, exemples à la clé, vingt types d’intrigues universelles que l’on retrouve aussi bien dans les contes de fées, les romans, que dans les films et séries TV. Les voici en substance:

1. La Quête: le protagoniste cherche quelque chose ou quelqu’un, seul ou accompagné. L’objet de cette quête peut tout aussi bien être spirituelle ou psychologique (chercher qui l’on est, comprendre son passé, analyser un trauma inconscient…)

2. L’aventure: le protagoniste est plus intéressé par l’aventure elle-même, par le dépassement de soi, les émotions fortes, les expériences en tout genre, que par un objectif très défini.

3. La poursuite: le protagoniste poursuit quelqu’un, soit pour l’aimer, soit pour le punir, soit parce qu’il possède une réponse cruciale, soit parce qu’il lui a pris quelque chose ou quelqu’un de cher…

4. Le sauvetage:  le protagoniste doit retrouver quelqu’un pour le sauver, qu’il ait été kidnappé ou se soit enfui de son propre chef.

5. L’évasion: le protagoniste doit s’échapper d’une prison ou d’un lieu de captivité quelconque, seul ou accompagné. A noter que sa captivité a toujours un aspect injuste, arbitraire, ne serait-ce que du point de vue du personnage.

6. La vengeance: le protagoniste cherche à se venger contre la personne ou l’organisation qui  l’a trahi ou a blessé des êtres chers. Il faut absolument que le public ressente une empathie pour cette cause, elle doit lui sembler juste, ou tout du moins compréhensible.

7. L’énigme: c’est une intrigue qui comporte un défi pour le spectateur: trouvera t-il la clé du mystère avant le protagoniste?

8. La rivalité: elle peut concerner un tandem protagoniste/antagoniste solitaire ou deux groupes de personnages qui s’affrontent. L’enjeu peut être amoureux, sportif, professionnel, voire ludique…

9. L’anti-héros: il s’agit d’un personnage de looser chronique qui se retrouve en compétition avec quelqu’un et n’a donc, à priori, aucune chance de remporter la bataille. Il va pourtant réussir à force de courage et détermination. A noter qu’il peut tout simplement être en lutte contre lui-même.

10. La tentation: le protagoniste désire ardemment quelque chose ou quelqu’un alors qu’il sait que l’obtenir le diminuerait moralement, d’un point de vue éthique, menacerait l’équilibre de son existence actuelle ou lui ferait perdre quelque chose ou quelqu’un. Il s’agit donc essentiellement d’une lutte interne, même si les obstacles (les motifs de tentation) sont externes.

11. La métamorphose: le protagoniste expérimente une mutation interne et doit apprendre à s’adapter à sa nouvelle condition, on pense notamment au mythe du super-héros, mais aussi à des histoires de malédictions typiques des contes de fées, ou encore à des films d’horreur comme The Fly

12. La transformation: il s’agit cette fois-ci d’un changement moral, social, professionnel… Le protagoniste voit sa vie bouleversée par un coup du sort. Cette catégorie inclus également le mythe de Cendrillon, du Vilain Petit Canard, des histoires dans lesquelles la transformation est progressive, mais aussi celles dans lesquelles un personnage lutte contre lui-même pour s’améliorer.

13. La maturation ou récit initiatique: le personnage est obligé de grandir face à des expériences marquantes, voire douloureuses. Il apprend de ses propres erreurs.

14. La romance: thématique qui se décline aussi bien à la comédie qu’au drame et se trouve souvent combinée à d’autres types de récits. L’amour devient une quête et un combat, il fait évoluer les personnages.

15. L’amour interdit: le protagoniste doit lutter contre des obstacles externes (contexte familial, social, religieux…) ou internes (cet amour a un aspect immoral comme c’est le cas pour un adultère par exemple).

16. Le sacrifice: élément fondateur du mythe du héros. Le protagoniste n’a pas forcément décidé de se sacrifier dès le début de l’histoire mais il va y être poussé par une situation désespérée. A noter qu’il ne s’agit pas forcément de donner sa vie au sens propre mais de consentir à se séparer de quelque chose ou quelqu’un sans qui la vie du protagoniste n’a plus de sens.

17. La découverte: le protagoniste fait une découverte qui s’avère cruciale ou au contraire épouvantable au fil de l’histoire. Il doit choisir de la faire partager ou non au reste de l’humanité, ou de la cacher, voire de la détruire.

18. Le dépassement de la ligne rouge: le protagoniste fait un excès qui se situe juste au-dessus de la limite autorisée (par la société, la morale, par sa famille, par lui-même…), et lui semble minime sur le coup (ou dont il n’a pas vraiment conscience sur le moment), mais les conséquences s’avèrent effroyables. C’est en quelque sorte la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

19. L’ascension: au début du récit le protagoniste est monsieur tout le monde, voire un moins que rien, mais il va atteindre des sommets: gloire, accomplissement moral, statut de héros…

20. La descente aux enfers: le protagoniste possède au début de l’intrigue tout ce qu’il peut désirer mais va tout perdre pas à pas à cause de ses démons personnels.

Je recommande à ceux d’entre vous qui ne sont pas anglophones et ne peuvent donc lire cet ouvrage de se plonger dans Les 36 situations dramatiques de Georges Polti, et/ou dans Leçons de scénario, l’ouvrage de vulgarisation de Marie-France Briselance.

Copyright©Nathalie Lenoir 2015


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