Au cinéma: «Prémonitions»

Prémonitions (ou Solace dans sa version originale) est un film sorti de l’ombre très récemment. Avec une campagne marketing peu convaincante et un scénario réécrit de nombreuses fois, le film était déjà prévu pour réaliser un flop au box-office. En réunissant Colin Farrell et Anthony Hopkins dans ce face à face grâce à des pouvoirs paranormaux, le projet pouvait être intéressant proposant quelques nouveautés malgré une enquête policière déjà vue. L’affrontement est-il à la hauteur ?

Synopsis : Un tueur en série énigmatique sévit à Atlanta, laissant le FBI totalement désemparé. Quoi qu’ils fassent, les enquêteurs ont toujours un coup de retard, comme si le tueur pouvait anticiper leurs mouvements à l’avance ! En désespoir de cause, ils se tournent vers le docteur John Clancy, un médium retraité dont les visions les ont aidés dans le passé. En étudiant le dossier, Clancy devine rapidement la raison pour laquelle le FBI est incapable de coincer le tueur : ce dernier possède le même don divinatoire que lui. Comment dès lors arrêter un tueur capable de prévoir l’avenir ? Commence alors une partie d’échecs impitoyable.

Prémonitions est un film que l’on n’attendait pas vraiment, pour cause, seconde réalisation d’Afonso Poyart, le long métrage possède de nombreux défauts malgré quelques bonnes idées. Tout commence par le scénario qui mélange du paranormal et une enquête policière classique. La particularité du film est de montrer l’intériorité d’un médium, ce qu’il peut ressentir au toucher des victimes ou des êtres vivants en général. Cette aura qui lui permet de déterminer un profil psychologique à partir du passé, du présent et de l’avenir. En effet, le scénario du film repose sur cette capacité que possède John Clancy, personnage principal du long-métrage. Pourtant, avant d’introduire son personnage et son némésis, le film s’attaque à une ambiance très proche de ce qu’avait pu faire David Fincher avec Seven. Une ambiance oppressante où chaque crime commis est une nouvelle scène macabre.

Si l’ambiance est réussie, très copiée sur le style de Fincher au passage, pour ce que propose le scénario, celui-ci s’avère beaucoup trop introductif. L’enquête n’intéresse que très peu, voir pas du tout le spectateur malgré les thèmes qu’elle aborde. En effet, causé la mort d’autrui est encore un débat d’actualité et le film se repose sur cette condition en proposant un questionnement sur le rapport à la mort et  la définition même de justice. Malheureusement, si la première partie du film insiste sur ce côté enquête rendant la chose peu attrayante et parfois répétitive, la seconde partie du film est beaucoup plus intéressante.

Celle-ci introduit une véritable confrontation entre John et Charles et du coup, deux idéaux de la justice. Si l’on se préoccupe très peu de l’équipe organisée autour de la traque, c’est la confrontation entre le bien et le mal qui s’incarne via les deux médiums. Toute la seconde partie pose les fondements du film et invite le spectateur à prendre parti. Sur le papier, l’idée est claire et fonctionne avec le film, malheureusement le traitement est maladroit et la confrontation vient beaucoup trop tard. La confrontation aurait du faire partie intégrante du film et ne pas devenir un détail anodin que l’on ne retiendra qu’à la fin.

La réalisation n’aide pas non plus. On ressent de nombreuses erreurs de débutant ou d’une première réalisation. Afonso Poyart possède nettement quelque chose pour copier du David Fincher sans atteindre la prouesse de ce dernier. Certains plans fonctionnent et donnent un équilibre fragile sur la totalité du film car le réalisateur s’essaie à des plans trop hasardeux avec des zooms incompréhensibles. Sans parler de quelques mouvements de caméra qui en ferait vomir plus d’un, notamment lors d’une scène en particulier. Toutefois, le film a quelques séquences sympathiques à regarder. Notamment dans la deuxième partie où les personnages s’affrontent en voyant les futurs possibles. En quelques plans-séquences, on peut donc voir l’étendue des pouvoirs des personnages, ce qui aurait été un point positif si le film les avait utilisé beaucoup plus tôt. Cela aurait créer un récit plus dynamique, permettant de vraiment opposer John et d’un autre côté Charles, attristé par l’avenir de ses victimes.

Des problèmes de montages interviennent aussi ici et là. Quelques scènes « d’actions » sont très mal filmées et sur-découpées, ce qui rend l’action incompréhensible. L’idée de montrer les visions d’un médium est sympa (même si déjà vu), mais elle tente de conserver le mystère jusqu’à la dernier minute et propose un montage parfois trop épileptique. Toutefois, on peut s’accorder à dire que certaines scènes des rêves avaient quelques idées pour coller au symbolique que propose le film. La bande-son essaye de donner de l’importance à l’ambiance et tente d’apporter quelques notes de suspenses à l’action pour faire monter la pression. Mais autant dire qu’elle est vite oubliée une fois sortit de la salle.

Si la bande-son est anecdotique et ne porte pas grand intérêt sauf quand on en a besoin, le jeu d’acteur quant à lui se résume à Anthony Hopkins et Colin Farrell. Le reste du casting se défend plutôt bien, mais reste en-deçà par rapport au véritable duo du film. En faite, on ira voir Prémonitions justement parce qu’il y a Colin Farrell et Anthony Hopkins dans le casting et qu’ils constituent l’une des forces du film. Anthony Hopkins est toujours en forme dans son rôle de médium et arrivera à faire sourire à certains moments et Colin Farrell passe plutôt bien en tueur qui pèse chacun de ses actes via sa vision de la justice et qui se retrouve tiraillé par son pouvoir.

Prémonitions n’est pas un chef d’œuvre, mais ce n’est pas un désastre non plus. Le film possède quelques idées intéressantes dans sa mise en scène et dans son scénario, avec de grosses maladresses et un manque de rythme qui se font ressentir notamment lors de la première heure de film. Toutefois, grâce au casting et notamment à Anthony Hopkins et Colin Farrell, le long métrage arrive à opposer deux visions de la justice dans un débat sur la mort d’autrui. Dommage que le traitement soit extrêmement maladroit et parfois mal filmé, car on pouvait obtenir un thriller sympathique. Si l’on ressent les besoins de ressembler à du David Fincher, le film tente de développer quelques idées, sans vraiment aller au bout. Heureusement que ce n’était pas la suite de Seven finalement…

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Prémonitions. De Afonso Poyart. Avec Anthony Hopkins, Colin Farrell, Jeffrey Dean Morgan, Abbie Cornish, Matt Gerald, Jose Pablo Cantillo, Marley Shelton, Xander Berkeley, …

Sortie le 9 septembre 2015.