Dheepan de Jacques Audiard


Dheepan de Jacques AudiardJacques Audiard aime les hommes taciturnes et Dheepan ne déroge pas à la règle. Soldat au Sri Lanka pendant la guerre civile, Dheepan est le nom qu’on lui donne pour émigrer.Arrivé en France, Dheepan est engagé comme gardien dans un cité où les dealers font la loi. Une sorte de non-zone.Tout d’abord et tout en images, le réalisateur introduit son sujet en montrant toute l’étendue de l’horreur au Sri Lanka : les cadavres qu’on brûle, le soldat qui abandonne ses vêtements militaires et le camp où une jeune femme, Yalini, court d’une tente à l’autre avant de trouver Illayaal, une fillette de 9 ans. Ces trois personnages projetés dans un avenir qu’ils n’ont pas choisi, vont apprendre à vivre ensemble, à se connaître, peut-être à s’aimer comme les rescapés qu’ils sont.Le personnage de Yalini – belle femme aux traits si fins qu’elle semble parfois aussi jeune que la petite Illayaal – est celui qui a un objectif : rejoindre l’Angleterre. Deephan, le soldat se fera rattraper par ses démons mais l’éléphant de ses rêves le maintient dans un désir de « normalité ». Illaayal est rejetée, cruel univers des enfants et Yalini doit subir un monde oppressif pour la femme dont elle ne comprend pas la langue ni les subtilités.De ce film, la persistance vient de l’alternance des moments d’apaisement : l’éléphant dans les herbes, l’observation de l’immeuble des dealers derrière la fenêtre, les gestes du quotidien et des moments de chaos extrêmes : les règlements de compte, la musique forte, le ballet incessant des voitures, le sas de décompression de Dheepan.Deux mondes s’opposent par ces images. Deux mondes symbolisés par Deephan et le personnage de Vincent Rotiers.Mais pour mener la réflexionplus avant dans ce décor de banlieue où j’ai vraiment l’impression d’être dans un pays au cœur du pays, qui choisit, qui subit ?La force de ce film résiderait-elle dans l’absence des dialogues ou quasi ? Et quand il y a aveu, l’obstacle de la langue fait que la parole libère seulement le locuteur.Autant de trouvailles – sans quasiment de musique off ajoutée – comme la radio, la tv, les cages d’escalier, l’étroitesse du logement, les beuveries, les autres observés derrière la fenêtre, le foulard, l’image narrative, qui ne sont que les reflets de la réalité, notre réalité observée bien à l’abri par nous, spectateur-voyeur.Palme d’or, je ne sais pas mais assurément, parler des hommes et des femmes de cette façon, ça doit être récompensé.
AVERTISSEMENT sur le film et en effet, je le déconseille en dessous de 11/12 ans. Palme d'or à Cannes en 2015