Coup de chaud de Raphaël Jacoulot brouille les pistes en permanence

Par Journal Cinéphile Lyonnais @journalcinephil

Coup de chaud
De : Raphaël Jacoulot
Avec : Marc Bodnar, Théo Cholbi, Grégory Gadebois, Karim Leklou,
Carole Franck, Jean-Pierre Darroussin, Isabelle Sadoyan,
Serra Yılmaz, Camille Figuereo, Agathe Dronne

France, 2015, 1h42 min,  Policier

Synopsis

Au coeur d’un été caniculaire, dans un petit village à la tranquillité apparente, le quotidien des habitants est perturbé par Josef Bousou.

A propos du film

Coup de chaud est inspiré d’un fait divers. Dans un petit village français, où les habitants se connaissent tous, l’été est rude, la canicule s’est installée, les récoltes s’annoncent mauvaises pour certains, et une tension sourde est palpable.

Une famille de gitans s’est sédentarisée dans le coin, la famille de Josef. Elle vit un peu à distance de la population, avec un haut portail barricadé à toute heure du jour. Josef est le lien entre sa famille et le village. Il est limité, étrange, ses réactions sont imprévisibles, brusques, peut-être est-il dangereux. Il fouille, rôde, inquiète. Il baguenaude dans le village, pétaradant au volant de sa petite voiture, musique criarde lancée à tous vents par les vitres ouvertes. Emoustillé par la jeunesse locale qui s’ennuie pendant la période estivale, Joseph devient de plus en plus inquiétant. Aussi, lorsque la pompe à eau qui permet d’arroser les champs de maïs disparait, c’est sur lui que les soupçons se portent. Il est bientôt désigné comme la source de tous les maux de la communauté, dont la violence s’intensifie jour après jour, et fait de plus en plus de « bêtises ».

Si Josef n’a encore rien fait, tous sont persuadés qu’il fera quelques choses de grave. Comment l’en empêcher ? C’est le cœur même du film : la réaction d’une société face à la peur, cette peur sous-jacente, amplifiée par les problèmes du quotidien. L’effet de groupe est alors inévitable. Les soupçons se transforment en certitudes, et sans même le voir venir, c’est l’escalade du pire. La communauté se retourne contre un individu. Et Daniel, le maire de la commune (Jean-Pierre Daroussin) a bien du mal à raisonner ses administrés et à maintenir l’unité du village. Il essaye de protéger le jeune Josef. Mais devant la pression de la majorité, il est contraint de céder.

Notons aussi la force des personnages secondaires comme celui de l’artisan (Grégory Gadebois), de sa femme complètement paniquée par les difficultés financières rencontrées par son marie, l’agricultrice en colère (à Carole Franck) contre la sècheresse qui menace la viabilité de son exploitation, les adolescents en mal d’occupations pendant l’été. Ce sont des personnages bien écrits, formidablement interprétés. En tout moment on sent que l’un d’entre eux peut commettre un acte irréparable, et le réalisateur prend un malin plaisir à balader le spectateur; à lui donner de fausses piste. Tout au long du film la tension entre les différents protagonistes est palpable. Le réalisateur réussi à mettre en place une ambiance étouffante dans laquelle règne cachotteries, rivalités, peurs, meurtre…

La force du récit réside dans la place que Jacoulot donne au spectateur : nous aussi, Josef nous met mal à l’aise. Pendant tout le film, nous sommes au cœur de cette communauté, à hauteur des personnages, du groupe, de la majorité. Pris dans l’engrenage. La violence arrive de façon insinueuse, presque imperceptible, et nous nous laissons porter par ce qui nous semble juste. Si les personnages ne voient pas l’injustice arriver, le spectateur non plus. Le réalisateur veille constamment à ce qu’il ne s’installe pas dans une routine et ne s’attendent pas au dénouement final.

Le film est  porté par des acteurs investis. Mention spéciale à Karim Leklou, formidable Josef, et à Carole Franck, parfaite meneuse dépassée par sa colère.