Critique : Red Rose (2015)

Red Rose 1

La rose pourpre de Téhéran.

Juin 2009. Le torchon brûle dans les rues de Téhéran entre le gouvernement et une partie de la population iranienne. Matraque au poing, les chiens de garde du gouvernement en place matent les manifestants, réprimant dans le sang les revendications progressistes d’une jeunesse verte de rage face aux irrégularités de l’élection présidentielle donnant vainqueur le « président » sortant. Ali, lui, du haut de ses cinquante ans, cloîtré dans son appartement que sa femme et ses enfants ont abandonné pour gagner les fraîches plaines canadiennes, observe cette agitation d’un œil distant. Il faut dire qu’il en a maté du Chah dans sa jeunesse. Il a goûté à cette ivresse, celle de la révolution et des belles promesses imbibant ces brusques sursauts libertaires. Mais il a également éprouvé l’amertume lorsque le messie pour lequel il s’était jadis insurgé se révéla être finalement un tyran comme les autres. C’est alors que son optimisme fané se frotte à une rose des sables, Sara, piquante rousse idéaliste trouvant refuge dans son nid d’aigle afin d’échapper aux matraques et aux fumigènes de la police. Se servant de ce pied à terre pour diffuser l’actualité du mouvement sur les réseaux sociaux, une intimité va progressivement éclore entre ces deux générations de citoyens, dans ce jardin secret, à l’écart de la violente houle se fracassant sur les trottoirs de la ville. Les voiles vont tomber, les langues se délier et les barrières se briser pour laisser une autre passion se glisser dans les draps de l’instant présent, sous la photographie cotonneuse de Pantelis Mantzanas. La révolte, elle, archivée sous la forme de document vidéo, appartient déjà au passé, à l’Histoire. Par ce choix esthétique et technique éclairé, la réalisatrice franco-iranienne Sepideh Farsi répand dans l’air de son huis-clôt romantico-politique un lent parfum d’éphémère éternité. Une ambiance subtilement envoutante dont elle exalte le grain par une juste combinaison de talents, la présence spectrale d’Ali, remarquablement interprété par Vassilis Koukalani, s’associant superbement à la personnalité intrusive de l’incandescente Minna Kavani. Au fil de leurs échanges, le passé se mouille au présent, les traditions à la modernité. Mais cette douce rosée à laquelle ils goûtent est passagère. Tôt ou tard, la terre fangeuse sur laquelle fleurissent leurs idéaux reprendra ses droits. On comprend alors que la réalisatrice franco-iranienne ne prétend pas ici diffuser l’essence d’un brûlot politique ou d’un discours engagé. Elle filme simplement une rose rouge, celle de la passion et du sang versé, celle qui vient piquer le cœur de celles et ceux qui osent croire encore que tout est possible dans un pays prisonnier de ses chaines. (3.5/5)

Sortie nationale le 9 septembre 2015.

P.S. : Un grand merci à Fanny Hivert de la société Le K de m’avoir offert l’opportunité de découvrir ce film en avant-première.

Red Rose 2Red Rose (Iran, 2015). Durée : 1h27. Réalisation : Sepideh Farsi. Scénario : Sepideh Farsi, Javad Djavahery. Image : Pantelis Mantzanas. Montage : Bonita Papastathi. Musique : Ibrahim Maalouf. Distribution : Vassilis Koukalani (Ali), Mina Kavani (Sara), Shabnam Toulouei (Simine), Javad Djavahery (M. Amini), Shirin Maanian (Mme Amini).