Crépuscule (Mysticisme, gore et pâte à modeler)

crépuscule

genre: animation, trash, gore, inclassable (interdit aux moins de 16 ans)
Année: 2011
durée: 20 minutes

L'histoire : Un couple à l'aube de l'Humanité. Dans une forêt d'arbres morts où ne règne que la désolationk l'homme et la femme découvrent leur corps et copulent à l'envie. Ils ne savent pas qu'ils sont observés par une multitude de démons qui convoitent avec jalousie le sexe du mâle afin de féconder la femelle.

La critique :

Un an avant de présenter son très malsain Thanatomorphose à la face des spécialistes du cinéma underground, le réalisateur canadien, Eric Falardeau, s'essaya au film d'animation avec ce curieux court-métrage, nommé Crépucule. Un film réalisé à base de pâte à modeler qui, par certains côtés de son propos sombre, pourrait se trouver quelques similitudes avec l'abominable Where the dead go to die, qui apparaîtra un an plus tard. Sans aller jusqu'aux extrémités blasphématoires du film de ScreamerClauz, on peut reconnaître aisément à ce Crépuscule une nette influence sataniste, tout du moins avec des velléités anti-religieuses clairement affichées.
Eric Falardeau doit d'ailleurs avoir de sérieux problèmes d'introspection mystique puisqu'en dehors de son fameux Thanatomorphose, il réalisa un autre court-métrage (fait d'acteurs de chair et de sang, celui-là), nommé Purgatory, qui délivrait largement son lot d'hémoglobine surnaturelle.

Intéressant et prometteur cinéaste ce Falardeau. Ses premières oeuvres sont bien sûr truffées de nombreux défauts, mais force est de constater que le bonhomme possède un univers bien à lui. Au cours d'une récente interview, le réalisateur avoue qu'il a puisé ses inspirations dans des classiques tels que Blue Holocaust de Joe d'Amato, ou encore le célébrissime Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper. Autrement dit, putréfaction et morbidité sont les deux mamelles de son cinéma.
Thanatomorphose en sera une démontration "éclatante". Crépuscule s'inscrit dans la lignée de ces oeuvres énigamtiques qui posent plus de questions qu'elles n'apportent de réponses. Attention, SPOILERS ! Le jour se lève sur une forêt d'arbres morts. Dans ce paysage de désolation et tandis que le brouillard se dissipe, une créature étrange apparaît. Une sorte de démon au long visage inexpressif, les yeux fermés comme cousus, avec des ailes recroquevillées dans le dos.

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Alors qu'elle parcourt la forêt, la créature aperçoit un homme et une femme nus, qui courent et s'ébattent joyeusement. Le couple s'arrête pour faire l'amour, observé de près par cet être qui ne sait pas comment réagir devant cette situation. Les jours passent et les amants n'arrêtent pas de copuler attisant une curiosité de plus en plus insistante de la part de la créature. Peu à peu, d'autres démons se rassemblent jusqu'à former un groupe d'individus qui rôdent telles des ombres menaçantes autour du couple qui, lui, ne se rend nullement compte qu'il est l'objet de toutes les convoitises.
Après s'être encore une fois accouplés, l'homme et la femme s'endorment. C'est à ce moment-là que les démons vont les agresser. Ils arrachent le sexe de l'homme et tuent la femme en lui écrant le crâne contre un rocher. L'un deux parvient à se greffer le phallus, mais alors qu'il allait ensemencer le cadavre de la femme, une pluie acide s'abat violemment et anéantit les créatures.

Très curieux film en vérité. Si le postulat paraît clair : un jardin d'Eden inversé, difficile après de deviner les réelles intentions du réalisateur. Pourtant, le début du métrage affiche clairement des symboliques religieuses, avec en particulier, de nombreuses références à la création de l'homme par Dieu dans la Genèse. Seulement Falardeau prend ici l'exact contre-pied du récit biblique en plantant son action dans un lieu sombre, dévasté, angoissant. Tout le contraire de la description du merveilleux jardin d'Eden relatée dans les Ecritures. Ici, pas de présence d'un dieu ni d'un quelconque être supérieur.
Non, la seule présence étrangère aux humains, ce sont des démons. Et tout comme dans les récits bibliques, ceux-ci vont commettre le péché de jalousie, le premier péché de l'histoire de l'Humanité quand Satan voulut s'élever au niveau du Créateur. Mais là encore, Crépuscule fait totalement l'impasse sur une présence divine ou du moins, supérieure. Ici les créatures diaboliques se rendent coupables d'envie envers cet homme qui possède un pénis qu'ils dsirent plus que tout s'approprier.

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Le sexe est donc associé à la puissance et à la domination. Le métrage prend alors une étrange tournure lorsque les diables décident de tuer la femme. Comme s'ils pressentaient qu'ils ne pourront la satisfaire, ils choisissent de partiquer l'acte du coït post-mortem et donc de s'adonner la nécrophilie. La fin est également très étrange puisqu'ils se trouvent anéantis et dissous par une pluie d'acide qui vient comme nettoyer ce jardin infernal. Finalement, y-aurait-il eu un dieu qui veillait au grain et qui aurait décidé de faire s'abattre une punition ultime ? Eric Falardeau a un style, c'est évident.
Certes, la manière dont il amène son propos est encore confuse, mais on sent qu'il y a  de la recherche et surtout, que le réalisateur dispose de très bonnes trouvailles visuelles. Attention cependant, bien que ce soit un métrage d'animation, Crépuscule est un petit film choc qui n'est pas à mettre entre toutes les mains car les actes y sont souvent violents (arrachement de sexe avec la bouche, fracassage de crâne sur une pierre) et relativement explicites sexuellement.

L'interdiction aux moins de 16 ans est donc amplement justifiée. Au niveau du graphisme, pas de faute rhédibitoire sinon que l'on peut être un peu déçu par l'aspect trop primitif des êtres humains, alors que le design des démons a l'air bien mieux travaillé. Très bon point, par contre, à la configuration picturale du paysage extrêmement détaillée qui parvient à créer un climat anxiogène à souhait.
Au final, si ce métrage peut nous laisser perplexe quant à ses intentions, nous ne pouvons nier qu'une certaine poésie macabre et une aura mystérieuse ne s'en dégagent. Nouveau venu sur la scène underground, Eric Falardeau ne manque ni d'idées ni de talent. Il lui faudra juste travailler sur ses orientations artistiques qui restent à ce jour trop sybillines. Laissons lui juste un peu de temps et nul doute qu'il s'inscrira bientôt dans la lignée des meilleurs réalisateurs underground actuels.

Note : ?

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