Self Made, une comédie douce amère, un brin loufoque sur la situation à la frontière Israelo/palestinienne

Par Journal Cinéphile Lyonnais @journalcinephil

Film de Shira Geffen
Avec Sarah Adler, Samira Saraya
1h29 – Israël – 2015 – vost

Self Made a été présenté en compétition à la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2014.

Date de sortie 8 juillet 2015 

Synopsis

Des crabes mélomanes, un casque rose fluo, un drôle de sac, un gâteau d’anniversaire, une biennale d’art contemporain, une ceinture d’explosifs, du rap palestinien, un Skype qui ne marche pas et un lit suédois à assembler mais pas assez de vis, vraiment pas assez de vis. Situations burlesques, coups du sort, deux jeunes femmes – Michal, artiste israélienne et Nadine, ouvrière palestinienne – vivant de chaque côté du mur de séparation, après une confusion à un check-point, se retrouvent à vivre la vie de l’autre.

Récompensée par une Caméra d’Or en 2007 pour Les Méduses, Shira Geffen signe un deuxième film excentrique et drôle, une méditation sur la place assignée aux femmes dans la société.

A propos du film

La réalisatrice a choisi de traiter la réalité du quotidien du conflit Israelo-palestinien à travers une enfilade de scènes distillant l’absurde, l’étrange, le burlesque et même un peu de poésie. A noter la scène où l’on joue de la musique dans une baignoire pour attendrir des crabes à cuisiner !

A partir de situations causées par de simples objets (comme une vis manquante pour monter un lit) ou de situations tendues du quotidien (le passage aux check-points), la réalisatrice à travers des métaphores originales et poétiques parle de la condition des palestiniens et les israéliens de part et d’autre du mur.

On retrouve dans Self Made, le sens de l’absurde et du loufoque qui a fait le succès de Les Méduses.

Self Made vaut surtout par sa première partie, qui montre le destin parallèle de deux femmes.
Michal – artiste israélienne contemporaine, mondialement reconnue. Un matin, elle tombe de son lit dont un pied a cédé et perd jusqu’au souvenir de son propre nom. Son compagnon part en voyage. Seule dans sa grande maison, elle se trouve confrontée à une multitude de rendez-vous dont elle a oublié l’objet. Surtout, elle se bat avec un nouveau lit qu’elle ne peut monter car il manque une vis.
Nadine est ouvrière palestinienne qui travaille chez ETACA, entreprise de meuble à monter où Michal à acheter son meuble. Elle est chargée de préparer les petits sachets de vis. Chaque jour, elle a pour habitude de semer des vis, afin de trouver son chemin de chez elle au checkpoint qu’elle est obligée de passer pour aller travailler en Israël.

Le film est moins convaincant dans la seconde partie où suite à une erreur à un poste de contrôle, chacune se retrouve à vivre la vie de l‘autre de l‘autre côté de la frontière. A  partir de ce moment, le film glisse vers une interrogation sur la condition féminine de ses personnages, des femmes fortes poussées au bord de la folie.

La génèse du film par la réalisatrice hira Geffen

« C’est après avoir lu un article sur une Palestinienne de Bethléem envoyée commettre un attentat-suicide : arrivée au centre commercial où elle devait se faire exploser, elle a vu d’autres femmes faire leurs courses, des enfants jouer, etc. et finalement elle a abandonné sa mission. Dans un entretien elle explique s’être portée volontaire après le meurtre de son mari par l’armée israélienne. Mais une fois arrivée sur place, en voyant les enfants manger des glaces, les gens aller et venir, elle a renoncé, elle s’est rangée du côté de la vie. Elle a dit que tout à coup elle avait eu envie se joindre à eux. C’était il y a une dizaine d’années.Je l’ai imaginée en situation, rentrer dans le magasin avec sa ceinture d‘explosifs et essayer une robe. Le relief de la bombe sous la robe
lui donnerait l’allure d’une femme enceinte. Il y a quelque chose de commun entre le fait d‘être enceinte et exploser. Dans mon cas du moins, accoucher est l’expérience qui m‘a le plus rapproché de la mort.

Cela m’a fait réfléchir au moment où choisir la mort fait place à la décision de choisir la vie, comment les circonstances nous influencent. J’ai un peu creusé et me suis intéressée aux femmes qui commettent des attentats-suicides. Je suis allée à Ramallah, chez la mère de la première femme martyre. J’avais très peur de rencontrer cette dame, cette mère, et je m’attendais à me trouver face à une famille amère et révoltée. Mais il n‘y avait là qu’une vieille femme seule, et quand elle m’a vue, elle m’a enlacée. Dans cette étreinte, j’ai eu le sentiment d’être sa propre fille et les choses ce sont embrouillées dans ma tête. Derrière elle se trouvait la photo de sa fille décédée qui me regardait dans les yeux. Cette rencontre a fait germer l’idée du scénario qui a donné Self Made. Six ans se sont écoulés entre le début de l’écriture et le film terminé. Au départ j’avais écrit une pièce de théâtre, puis j’ai pensé que le cinéma me laisserait plus de liberté créative, le film entretient une filiation marquée avec le théâtre de l’absurde, où chaque scène obéit à sa propre logique interne, une logique impossible à replacer dans notre monde.

Après que LES MEDUSES, mon premier long métrage écrit et réalisé en partenariat avec mon mari Etgar Keret, ait remporté la Caméra d’Or à Cannes, j’ai cru que développer et produire mon prochain film serait bien plus évident. Mais ça n’a pas été vraiment le cas. J’ai dû surmonter pas mal d‘obstacles avant de pouvoir tourner. Mais la Caméra d’Or et l‘accueil du film LES MEDUSES m’ont encouragée à garder confiance en mon travail et en ce nouveau projet. » Source Dossier de presse Paname Distribution

« La cinéaste Shira Geffen (…) parvient à créer un univers singulier fait de collages et d’associations d’idées. A partir de simples objets (…) ou de situations tendues du quotidien (…), elle parvient à filer des métaphores originales et poétiques sur l’assemblage, le verrouillage, la division tant de la ville que des individus qui la peuplent. » Télérama.

Shira Geffen

Née à Tel-Aviv en 1971, Shira Geffen tient
une place importante sur la scène artistique israélienne : comédienne, auteur dramatique, metteur en scène, elle est également l’auteur de livres pour enfants qui ont rencontré un beau succès.

En 2007, Shira Geffen co-réalise avec son mari Etgar Keret, Les Méduses, adaptation du premier scénario qu’elle a écrit (paru chez Actes Sud). Le film sélectionné au Festival de Cannes 2007 par la Semaine de La Critique, a remporté la Caméra d’or. Self Made est son deuxième long métrage.