Nous abordons une nouvelle série sur la conception du personnage selon John Truby que nous avons annotée de nos propres impressions.
Auparavant, nous voudrions toucher un mot sur la texture. La texture consiste à ajouter des détails qui ne sont pas utiles à l’action mais qui humanise votre personnage, ce qui ajoute à sa crédibilité. Cette technique permet de donner l’impression que l’on observe des personnages qui ont une vie en-dehors de l’histoire. Cette épaisseur distingue le personnage parmi tous les personnages de l’histoire et en particulier ceux dont l’existence ne sert que le propos de l’histoire.
Cette texture autorise l’empathie dans une large mesure car le lecteur peut s’identifier à ces traces d’humanité (il les reconnaît en lui ou aimerait les posséder).
John Truby cite en exemple Tootsie de Larry Gelbart , Don McGuire, Murray Schisgal, avec la participation non créditée de Barry Levinson, Robert Garland et Elaine May. Il a choisi cet exemple pour démontrer que le personnage de Tootsie est défini par les autres personnages qui gravitent autour de lui. Chacun de ces personnages est une version unique du problème moral de Tootsie, à savoir la maltraitance des femmes par les hommes.
Il arrive qu’un auteur commence par lister tous les traits de la personnalité d’un personnage, puis il raconte une histoire à son sujet et d’une manière ou d’une autre, il parvient à en faire un autre individu, un être transformé comme conséquence de son aventure.
Ce n’est pas exactement comme cela que l’on doit procéder.
John Truby propose une autre approche qu’il décompose ainsi :
1) Il faut commencer par prendre en compte l’ensemble des personnages (ne pas commencer par se concentrer seulement sur le héros). Avoir une vue d’ensemble des personnages permet de comprendre les relations qui existent entre eux. Ce sont les relations qui comptent avant même d’approfondir la psyché des personnages. Ceux-ci seront distingués selon leur fonction dans l’histoire mais aussi (le cas échéant) selon l’archétype que vous aurez retenu pour certains d’entre eux.
A lire :
L’ARCHETYPE DU HEROS
APHRODITE
DRAMATICA : L’ARCHETYPE
Ainsi que d’autres articles de CETTE PAGE.
2) Lorsque vous aurez mis en place tous les personnages de votre histoire, vous pouvez commencer à les individualiser en fonction du thème et des oppositions (ou relations conflictuelles) qui peuvent exister entre eux.
A lire :
MICHAEL HAUGE & LE THEME
LE THEME, RIEN QUE LE THEME
THEME & MESSAGE
LE THEME DANS LES GARDIENS DE LA GALAXIE
3) La troisième étape est toute consacrée à la fabrication de votre héros. Si vous ne l’avez pas déjà fait, nous vous conseillons de suivre notre formation gratuite et intégrale sur la création de personnages forts et crédibles ICI.
Vous devez parvenir à créer un personnage complexe, multidimensionnel afin que le lecteur puisse s’intéresser à lui.
A lire :
LES PERSONNAGES DYNAMIQUES
4) La principale opposition de votre héros doit maintenant être créée. Certains auteurs préfèrent commencer par le méchant de l’histoire et ensuite le héros parce que l’antagoniste du héros est souvent la clé pour définir le protagoniste. Vous devriez consacrer autant d’efforts et de temps à la création de l’antagoniste qu’à celle du protagoniste. Gardez à l’esprit que l’antagonisme n’a pas nécessairement besoin d’être incarné ; cela peut être une entité quelconque (la nature, la société…).
A lire :
L’ANTAGONISTE – PART 1
L’ANTAGONISTE – PART 2
L’ANTAGONISTE – PART 3
5) Le temps des conflits.
L’interconnectivité des personnages
John Truby insiste sur l’erreur de commencer par inventer un héros de cap en pied puis chaque personnage ensuite sans établir au préalable une carte relationnelle des personnages. En postulant que les personnages n’existent que dans leur relation aux autres (comme Tootsie qui ne se définit que relativement aux autres personnages), vous créerez des personnages forts, vous éviterez les stéréotypes et vous aurez moins de personnages mineurs qui risquent davantage de polluer votre script que de lui apporter un soutien efficace.
Votre personnage principal est important, ses décisions font avancer l’intrigue. Il est le sujet des conflits, il est la personnification de votre thème mais il n’est pas seul dans une histoire. Vous ne pouvez pas braquer toutes les lumières sur lui juste pour en faire un produit commercial. Ce n’est pas comme cela que l’on écrit une bonne histoire même si cela arrive souvent.
Par contre, les lumières devraient mettre l’emphase sur ses relations aux autres, comment il interagit avec les autres.
John Truby insiste bien sur le concept de réseau. Les personnages se définissent les uns par rapport aux autres. Le lien qui unit les personnages entre eux est un lien à double sens, chaque personnage se nourrit des autres (tu prends ça, je donne ça, tu donnes ça, je prends ça).
En fin de compte, il s’agit d’un schéma actantiel qui décrit les personnages et les relations qui existent entre eux.
C’est comme si un trait de caractère chez un personnage était mis en évidence par un trait de caractère chez un autre. Un personnage se définit par qui il n’est pas. Si vous montrez dans son entourage quelqu’un de très égoïste, alors nous comprendrons que votre personnage ne l’est pas. C’est par le contraste que les personnages se mettent réciproquement en lumières.
A chaque fois que vous comparez votre héros à un personnage secondaire, John Truby précise que vous vous forcez vous-même à distinguer votre héros sous un nouveau jour. En considérant le personnage secondaire comme un individu à part entière, vous inférerez chez votre héros des traits de caractère déterminant de ses réactions émotionnelles dans sa relation avec ce personnage secondaire. Ainsi, votre héros ne réagira pas de la même façon face à deux personnages à personnalités différentes même si la situation est identique.
La question que l’on pourrait se poser maintenant est de savoir comment les personnages se répondent mutuellement.
John Truby propose alors quatre moyens pour y parvenir :
– Selon la fonction du personnage dans l’histoire,
– Selon son archétype,
– Selon le thème,
– Selon le type d’opposition entre les personnages.
La fonction du personnage dans l’histoire
Nous vous proposons ci-après quelques types de personnages identifiés selon leur fonction dans l’histoire. Il existe bien sûr d’autres possibilités ou variations, mais cela peut permettre d’avoir une idée sur ce qu’est la fonction d’un personnage.
Ces différents rôles dans une histoire sont très proches des archétypes mais ils s’en diffèrent parce que la fonction permet d’accorder moins d’importance à leur comportement (n’importe quel type de personnalité est utilisé pour assurer la fonction) et insiste davantage sur ce que chaque personnage apporte à l’histoire (l’archétype propose une base comportementale, codifiée, que vous pouvez ensuite étoffée).
La fonction ne s’intéresse pas à comment chaque personnage approche une situation, elle se préoccupe seulement d’apporter une réponse à la problématique soulevée par une situation. Lors du premier draft (la première version de votre script), ne vous préoccupez pas trop de définir des fonctions pour vos personnages, laissez votre improvisation s’écouler. Au cours des révisions (ou réécritures) de votre scénario, vous débusquerez les fonctions naturellement. Ne cherchez pas à forcer un personnage dans une fonction qui ne lui est pas destinée.
Nous vous proposons 5 fonctions mais il peut y en avoir plus. De nombreux éléments dramatiques tels qu’une foule ou encore les lieux de l’action peuvent avoir eux aussi une fonction dans votre histoire.
