Flashback : «Le convoi de la peur»

Chef d’œuvre controversé, Le convoi de la peur (Sorcerer en version originale), est le huitième film de Willam Friedkin. Ce fut, à sa sortie, un échec commercial, fait rarissime dans la filmographie du cinéaste, réalisateur du cultisme L’exorciste (1973), French Connection (1971), La chasse (1980), Killer Joe (2012), … En 2015, trente-huit ans plus tard, William Friedkin ne laisse pas son film de côté. Avec l’aide de producteurs, ils ressortent une version remastérisée, à la fois pour les multiples supports d’achat (DVD et Blu-ray), mais également pour une ressortie en salles.

Synopsis : Quatre étrangers de nationalités différentes, chacun recherché dans son pays, s’associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine. Un voyage au cœur des ténèbres.

Pour une majorité de personne, Le convoi de la peur se résume avec cette photo.

Sorcerer-2

Scène cultisme, donc forcément parodiée par Les Simpson. Même si la chose peut paraître anecdotique, cela n’en reste pas moins important. La parodie, et non la caricature, devient une reconnaissance. En exploitant un média de diffusion destiné à un large public, Les Simpson offre une forme d’ouverture à la culture cinématographique.

Cette scène n’est pas un point d’ancrage d’un retournement scénaristique, mais bien une contemplation de la peur. Une montée en pression filmée par la poésie. Son aspect très photographique ne se noie pas dans cette masse d’image que représente l’ensemble de l’œuvre. Bien qu’elle reste la plus célèbre, le reste du long-métrage est un voyage dès plus contemplatif. Le talent incontestable de William Friedkin se fait à la fois par une maîtrise complète de l’image mais également grâce à ses choix dirigés par sa folie. Qui y-a-t-il de plus fou que d’envoyer une équipe dans des régions en guerre ? De passer plusieurs mois de tournage, et de voir, petit à petit, son équipe infecter de maladies mortelles ? De se ruiner de jour en jour et de continuer le tournage dans des conditions inhumaines au risque de n’avoir aucun résultat ? Toute cette nonchalance et ce désespoir nous envahissent subtilement à travers cette œuvre fictive.

À l’origine se trouvait Le salaire de la peur, livre écrit par Georges Arnaud, qui fut adapté cinématographiquement, sous le même nom, par Henri-Georges Clouzot. Cette nouvelle adaptation n’est pas anodine. Le fond révèle un monde sale, non pas par ses images mais par ses gestes humains. Tout le film est un combat mortel de l’homme face, à la fois, à ses semblables et à cette nature forte et pesante. Les protagonistes peuvent à peine se faire confiance entre eux, alors qu’ils sont ensemble dans cette même bataille. Une tension qui amène doucement à la folie. La moindre roche devient un ennemi pouvant faire exploser un camion.

L’argent est sale, ils sont prêts à prendre le risque de tout perdre pour celui-ci. Dès le début du film, le ton est donné : l’image d’un homme couvert de sang et de billet, mourant après avoir tenté de se procurer cette masse d’argent, qui le recouvrira jusqu’à son dernier souffle. Pas le temps de développer des relations humaines favorables car la peur prend constamment le dessus. Le réalisateur lui même l’exprime comme un reflet de notre société. Là où l’homme devrait se soutenir, il s’entre-tue. Tout ce danger, toute cette folie, dans l’objectif de changer de vie grâce à l’argent ou de mourir pour lui.

Ce combat n’est pas sans rappeler l’objet même qu’est ce film, dont la réalisation fût dès plus dangereuse, humainement et financièrement. La simple parodie d’un protagoniste effrayé sur un véhicule imposant, cherchent du secours sur un pont instable, devient un soutien pour Le convoi de la peur. William Friedkin remet son œuvre au devant de la scène pour ne pas le laisser à son stade d’échec commercial. Il avait refusé toute recherche d’attirer un public plus large au travers d’effets spéciaux et de nouvelles technologies. Aujourd’hui, il congratule, de nouveau, non pas la technicité du long-métrage mais la beauté de son œuvre, qu’il considère, malgré tout, comme sa plus grande réussite visuelle et significative.

LE CONVOI DE LA PEUR

Le convoi de la peur. De William Friedkin. Avec Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Hamidou Benmessaoud, Ramon Bieri, Peter Capell, Karl John, Friedrich von Ledebur, …

Sortie en France le 15 novembre 1978.
Ressortie dans les salles françaises le 15 juillet 2015.