Continuons avec cette cinquième partie sur l’étude de l’arc dramatique de votre personnage.
L’EXCENTRIQUE
L’excentrique est vraiment différent (et doit l’être) de tous vos autres personnages. Ce qui caractérise son comportement est qu’il est égocentrique et tête en l’air. Inutile de lui confier une liste de choses à faire, au pire, il en voudra au personnage de le charger avec un tel fardeau.
Fletcher Reede de Menteur, menteur écrit par Paul Guay et Stephen Mazuer pourrait être un bon personnage pour vous inspirer de ce que pourrait être votre excentrique.
L’excentrique ne s’accommode pas d’un groupe, il œuvre habituellement seul et lorsqu’il fait partie d’une équipe, il fait échouer les plans. Il n’est pas asocial, il n’y a aucune malice lorsqu’il déjoue les plans du groupe, c’est que son énergie est tout simplement dévastatrice.
Il a beaucoup de difficultés à comprendre les autres personnages et réagit souvent étrangement aux comportements des autres. Il y a du Stan Laurel dans ses réactions.
Il a l’habitude de parler tout seul. En fait, il discute avec lui-même et parfois tout haut. C’est peut-être sa façon à lui d’évacuer ses angoisses existentielles ou de libérer un trop-plein d’énergie. Imaginez un personnage qui pense être en conversation avec l’excentrique alors que les lignes de dialogue de celui-ci sont toutes occupées à se répondre à lui-même. Le personnage pourrait s’offusquer du comportement de l’excentrique mais celui-ci ne réalise même pas que son attitude est injurieuse envers ce personnage.
Vous rencontrerez souvent l’excentrique absorbé dans une activité et une seule qui lui prend tout son temps au détriment de ceux qui l’entoure. Encore une fois, ce n’est pas un solitaire, c’est un être passionné qui s’immerge si profondément dans sa passion que la réalité tout autour s’estompe. Il n’y a plus que lui et cette passion dévorante. Ce qui peut amener chez les autres personnages un sentiment d’incompréhension totale de l’excentrique. Et c’est bien cela son problème. Il s’isole involontairement car peu de personnages sont en mesure de le comprendre.
C’est un personnage qui dénie la réalité et qui lui donne un tour imaginaire qui lui permet de supporter le monde. L’évolution de son arc dramatique pourrait être une acceptation de cette réalité ou au contraire un renforcement de son imagination pour fuir par exemple la mort d’un proche dont il ne peut faire le deuil ou bien parce que c’est peut-être le seul moyen à sa disposition pour accepter la mort.
L’EXTRAVERTI
Pour ce personnage, tout est tonifiant. Il est joyeux, vif, plein d’allant, spontané. Il incarne la nature humaine dans ce qu’elle a de meilleur. Psychologiquement, ce n’est pas un personnage facile à développer. A moins que votre intrigue ne cherche à le briser.
C’est un personnage qui se veut sympathique. Est-ce qu’il l’est vraiment, est-il en accord avec sa nature profonde ? C’est la question que vous devez vous poser si vous créez un extraverti. De toutes façons, son comportement avec les autres personnages sera chaleureux. La présence de l’extraverti au milieu de la foule ou dans des scènes avec plusieurs personnages est tout à fait légitime puisqu’il s’y sent particulièrement à l’aise. Il est capable de prendre à bras le corps des tâches qui semblent hors d’atteinte pour de nombreux personnages. L’extraverti est dynamique, vigoureux (on ne s’attend pas effectivement à ce qu’un personnage malingre soit extraverti, ni à ce qu’un personnage tête de turc le soit). L’énergie dont il fait montre est remarquable.
Ce qui caractérise aussi ce personnage est qu’il est loquace. Le moins qu’on puisse dire est qu’il est volubile voire démonstratif. Mais sous des airs bravaches, un œil avisé peut déceler le malaise.
L’extraverti a des convictions difficilement ébranlables qu’il assène volontiers. Généralement, c’est un personnage populaire. Enthousiaste de tout, il participe efficacement à de nombreux projets.
Revers de la médaille, il n’est pas très réceptif aux autres. Il se rapproche en cela de l’excentrique. C’est le cas de Fletcher Reede, incapable d’assumer le malaise de son fils et de sa femme. D’ailleurs, son extraversion ne l’incite pas particulièrement à tenter de venir en aide (une aide morale, s’entend) à ceux qui pourraient en avoir besoin. Pour compléter le profil de l’extraverti, vous pourriez puiser certains traits de caractère de l’ennéatype 7.
L’extraverti est généralement amical mais cette convivialité est bien souvent artificielle, l’extraverti manquant cruellement d’expériences intimes vraies. Il se coule assez facilement dans des carrières où ses talents d’orateur sont recherchés.
Le problème de l’extraverti est son anxiété que suscite en lui la peur de la privation et de tout ce qui pourrait lui causer de la douleur. Un arc dramatique intéressant serait de montrer un extraverti abandonnant ses droits au profit d’un personnage qu’il considèrerait comme celui qui devrait être choisi à sa place, comme celui qui mérite cette distinction. Dans ce cas, l’extraverti occupe la fonction du mentor auprès du personnage (qui est alors le héros de l’histoire) l’aidant à prendre conscience de son importance. Trois arcs dramatiques sont alors à l’œuvre dans ce cas de figure : celui de l’extraverti qui prend conscience que le sacrifice est en fin de compte sa rédemption, son expiation ; celui du héros qui peut enfin devenir le personnage complet et entier qu’il n’était pas au début de l’histoire ; celui de la relation entre le héros et l’extraverti qui pourrait par exemple passer d’une distance relative au début et finir sur une véritable passion, amitié ou amour. La fonction du mentor dans l’histoire est ainsi grandement approfondie.
