Critique : Terminator Genisys (2015)

Terminator Genisys 1

It’s over, goodbye.

On nous avait prévenu qu’il reviendrait, et il est revenu. John Connor, messie de la résistance, luttant dans la nuit de l’humanité pour le salut de l’Homme face aux Machines, s’était pourtant déjà vu octroyer une Renaissance saluée par des critiques lapidaires qui ne portèrent que peu de crédit aux efforts consentis par la direction artistique d’ensabler le prélude au cauchemar post-nucléaire fleuré par les trois précédents opus. Mais force est d’admettre, depuis que J.C. a légué l’écriture de sa bible à des apôtres de moindre envergure, la vision de son jugement dernier n’a plus eu cette force d’évocation que cette dernière avec acquis sous son objectif. Le réalisateur Alan Taylor, qui n’avait jusqu’alors pas eu Thor d’abandonner son trône de fer sur HBO, se charge donc, en compagnie de Patrick Lussier (Dracula 2001, Meurtre À La St-Valentin) et Laeta Kalogridis (Shutter Island), de ré-écrire la genèse de ce soulèvement des machines, de développer un autre fichier sys. pour le système Terminator, en somme, de produire un nouveau testament. Pour appuyer leur écrit, l’équipe au commande de l’opération intègrent, dans leurs lignes de codes, les formules primaires de cette mythologie, de jouer de clins d’oeil, étape désormais indispensable pour tout ré-encodage d’un cycle culte (c.f. le récent Jurassic World). Un chapelet de scènes cultes – encrage bleu métal très 80’s à l’appui – et le retour des plus grandes figures de cet évangile (T-800, T-1000, Sarah Connor, John Connor, Kyle Reese, Miles Dyson) suffiront donc à cette nouvelle structure d’assurer sa parenté avec son ancienne version. Ajouté à cela, la caution morale apporté par le père fondateur de la franchise (« James Cameron approved » dans une video promo particulièrement cocasse au regard du résultat), la production de ce nouveau programme peut alors définitivement être lancé par le studio. Malheureusement, cette résurrection a été corrompue par un élément qui n’a rien de commun avec la nanotechnologie (nommée « matière phase ») constituant le squelette du nouveau nemesis. Cette substance épaisse et malodorante maculant la pellicule se rapproche davantage de la matière fécale, de ce genre de texture pouacre qui laisse des traces évidentes sur l’écran. Rien qu’à l’odeur, l’estomac fait des nœuds, et le temps de jouer de circonvolutions et de paradoxes, opérant des courbes insensées et inutiles que les scribes s’acharnent à éclaircir de manière assez comique par l’amphigourisme des discours théoriques tenus par le célèbre cyborg. Trop complexe pour pas grand chose, trop superficiel pour parvenir à épaissir l’enjeu suprême vers lequel tend la saga depuis sa naissance, à savoir parvenir à stopper l’horloge de la fin du monde, cette mécanique quantique bien mal huilée par un cinéaste opérant à l’aveugle, dans cet épais brasier d’artifices visuels et narratifs, n’est qu’une des nombreuses aberrations dont cette odyssée porte les stigmates. Mais plus que le manque d’envergure de son action, la laideur de son éclairage et l’inanité de ses palabres, c’est l’hérésie avec laquelle le metteur en scène s’emploie à martyriser ses héros qui est le plus désolant. Kyle Reese (Jay Courtney, dépourvu de tout charisme) s’est ainsi liquéfié en un crétin impuissant alors que le Terminator est devenu un vieux singe auquel on oblige à faire la grimace pour attirer les faveurs du peuple, tandis que Miles Dyson se mue en un spectre flottant en bord-cadre de Cyberdyne. Quant à John Connor (Jason Clarke, en total roue libre), sa philosophie, placée sur le chemin de la Transcendance, est dépourvue de cette nuance qui aurait permis à son discours de prendre un semblant d’ampleur. Finalement, seul la jeune Emilia Clarke, la nervosité étreinte dans son débardeur noir de l’indomptable Sarah, apporte (un peu) de présence physique à son personnage. Le chemin de croix est donc particulièrement long pour les fidèles de la première heure, et le cadre rassurant d’une petite maison dans la prairie au sein duquel s’invite l’épilogue à cette aventure de venir achever cette tragique oraison funèbre. (1/5)

Terminator Genisys 2

Terminator Genisys (États-Unis, 2014). Durée : 2h06. Réalisation : Alan Taylor. Scénario : Laeta Kalogridis, Patrick Lussier. Image : Kramer Morgenthau. Montage : Roger Barton. Musique : Lorne Balfe. Distribution : Arnold Schwarzenegger (le Terminator), Jay Courtney (Kyle Reese), Emilia Clarke (Sarah Connor), Jason Clarke (John Connor), J.K. Simmons (l’agent O’Brien), Lee Byung-Hun (T-1000).